Opinion
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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : Simaro Lutumba, 80 ansJeudi 5 Avril 2018 - 20:59 La vedette de la rumba congolaise a soixante-cinq ans de carrière musicale. Simaro Lutumba se signale d’emblée avec les titres « Nakolapa nzambe soki ba zuzi, fungola ngai ». Un peu plus tard, pour le compte des éditions Surboum African Jazz de Joseph Kabasele, Simaro crée « Mbanda kazaka », « Yamba ngai na Léo », « Guitares d’Enfer », etc. Excellent compositeur, certes, Lutumba souffre de la présence, dans l’Ok Jazz, de créateurs prolifiques : Franco, Mujos et Kwamy. Lorsque Simaro arrive dans l’Ok Jazz en 1961, Franco vit encore dans la nostalgie de l’époque de Ganga Edo, Kouka Célestin et Delalune Loubelo, cofondateurs du célèbre orchestre kinois, rentrés à Brazzaville, la veille de l’indépendance du Congo, pour créer l’orchestre Bantous de la capitale. Entre-temps, Vicky, réconcilié avec Franco, exige le retour à Léopoldville de ses trois compères de Brazzaville. Seuls Edo et Delalune franchiront de nouveau le fleuve pour donner un coup de main à leur ami. Kouka Célestin a préféré rester à Brazzaville avec les Bantous. Parmi les dissidents de l’Ok Jazz, Joseph Mulamba, parti prêter main forte à l’African Jazz. Le retour de Brazzos dans l’Ok Jazz, après les épisodes African Jazz et Negro Succès, porte un coup dur à Simaro, contraint de se rabattre sur l’orchestre City Five qui se produit au centre-ville sur l’avenue Charles-de- Gaulle. Sa traversée du désert dure jusqu’en 1966, au départ de Brazzos de l’Ok Jazz. Il réintègre l’orchestre de Franco en qualité de guitariste rythmique. C’est à ce moment qu’il commence à donner la pleine mesure de ses talents de compositeur. Les titres défilent sur le marché du disque : « Frantail akosa ngai », « Mwasi ya ba patrons », « Marie Souza ». De cette période, « Santa Guiguina » reste la perle incontestable. En 1969, avec Verckys, il crée, en « zong zing », c’est-à-dire en clandestinité, la chanson « Okokoma Mokristo », qui met en orbite les Editions Vévé. Verckys fait ainsi une entrée en fanfare dans le monde de la production phonographique kinoise, prélude à la création de l’orchestre Vévé. Dopé par ses succès phonographiques, Lutumba enregistre, au début des années 1970, en solo , « Na lifelu, bisengo bizali té », avec un orchestre de circonstance dénommé « Orchestre Mi », en fait, « Mi Amor ». Succès mitigé. Il acquiert néanmoins dans l’Ok Jazz un statut à part, en qualité de vice-président qu’il gardera jusqu’à la mort de Franco. Très fécond, son répertoire compte de nombreux titres à succès, parmi lesquels : « Décision », « Fifi nazali innocent » « Ma Hélé »; « Ebalé ya Zaïre », chanté par Sam Mangwana, ouvre une nouvelle page de l’histoire phonographique marquée par la valorisation des chanteurs ténors. Ce titre est suivi, peu de temps après, de « Mabélé » ou « Ntotu ». « Mbongo » chanté par Ndombé Opetum est à classer dans le même registre. Jo Mpoyi, mis sur orbite par Céli Bitsou, interprète avec une rare maestria le titre « Kadima ». D’autres créations de même facture suivront sans interruption : « Mbawu na récupérer yo », « Verre cassé », « Mbanzi ya kamundélé », etc. « Faute ya commerçant » chantée par Sam Mangwana, « Maya », créée en solo, permet à Lutumba de mettre en lumière un jeune chanteur, Lassa Carlito. Cette chanson de Lutumba casse le box office et permet à son auteur de gagner beaucoup d’argent. Financièrement, il acquiert son autonomie par rapport à Franco. Au décès de ce dernier, il tente de maintenir à flot l’Ok Jazz. Mais, très vite, ses relations avec les héritiers de Franco se détériorent. C’est ainsi qu’en 1994, il crée l’orchestre Bana Ok avec l’ensemble des musiciens de l’Ok Jazz, hormis Madilu. Ils doivent faire face à une adversité ambiante. Un coup de pouce de ma part, à l’époque, a permis au nouveau groupe de passer le cap difficile de sa naissance. Leur talent a fait le reste. Simaro, le compositeur, c’est le Pr Grégoire Lefouoba qui en parle le mieux. « L’art poétique de Lutumba est le reflet que renvoie l’âme humaine éblouie de la splendeur du beau et qui instruit chaque fois que la vie se lit dans la difficulté. […] Lutumba est un classique tout simplement […] « À la vérité, écrit Manda Tchebwa, il n’est guère de qualificatif plus idoine pour désigner cette icône de la rumba congolaise, de surcroît passeur de rêve et de bonheur, au-delà du mot génie […] Simaro a tout d’un génie : génie du verbe, génie de la chanson, génie de la guitare, génie de la plume, génie de l’analyse sociale, génie de… ». Vous lirez avec intérêt le numéro spécial de la revue « Rétro Histoire et Mémoire », consacrée à Lutumba Simaro, publiée aux Editions Atelier Beaudley, en 2015, à Brazzaville. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
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