Le pays est anesthésié par une série de rumeurs et les hypothèses vont bon train. Mais les jours de Samba DD étaient comptés, ainsi que nous l’avons vu au précédent épisode. Sa mort approchait.
Et cette atmosphère enjouée serait allée son train si, comme une pluie sans nuage, n’intervint le fait qui justifie que je me sois donné la mission de vous dire les choses par le menu. Et de ne rien cacher, moi qui suis la transparence même. Dans ma rue, je me permets de vous le signaler à tout hasard, je suis celui qui un jour a ramené Papa Déverre, un vieux du quartier vers sa maison alors qu’on avait passé un communiqué nécrologique à la radio sur sa personne. J’aurais pu ne pas me faire le tour des troquets, pour chercher les amateurs du dernier godet. Vous voyez qui je suis ; homme prompt à ramener vers la berge, tout futur noyé surtout dans de l’alcool.
C’était au cours d’une nuit de pleine lune. Comme à notre habitude désormais, nous étions rassemblés chez Samba DD autour d’un verre de bière et d’un petit gueuleton, toujours prétexte à nous poiler un max.
Chacun de nous racontait sa journée. Qui le pouvait l’agrémentait d’un commentaire prétexte à une hilarité toujours exagérée, aidée en cela par quelques bouteilles en trop de bière ou de tout ce que nous permettaient nos poches. Je dis « Nous », mais je dois à la vérité de nuancer tout de suite. Car nous étions bien quatre tous les soirs, mais un parmi nous était là sans être là : c’est le Père André Marie qui se retirait toujours le premier… après nous avoir fait réciter quelques dizainiers du chapelet pour le salut de nos âmes damnées.
Pour tout vous dire, nous n’attendions que le dernier « Je vous salue Marie » et son départ pour nous esclaffer de plus belle. Comme des gosses attendant le départ des parents pour saccager la maison et torturer tous les peluchons. Nous étions, ainsi que vous l’avez bel et bien compris : moi Gabriel Mambala et puis Lucien Mpama et, donc, l’inénarrable Samba DD.
Cette nuit-là, je me rappelle que la joie était née des dernières informations de la radio où l’on indiquait que le silence de Samba DD cachait « certainement » un dessein caché.
« Depuis le grave incident de la chaussure, même nos élus soignent leurs pieds et ce qui peut aller avec. N’était-ce pas cela le but recherché par ce cordonnier bien singulier le jour où il refusa de ressemeler les bottes rouges d’une véritable dame patronnesse et d’un des élus les plus influents de la place ? Suivant nos informations – puisées à bonne source – le fameux cordonnier serait devenu le porte-étendard d’un courant de pensée ‘chocepiste’ dont on ne sait pas jusqu’où il s’étendra. Notre source, toujours bien renseignée, nous indique même que l’un des leaders serait un curé au crâne dégarni mais luisant de malice. Leurs comices se tiendraient tous les soirs dans un grand hôtel du centre-ville ».
C’est ce qu’écrivait Dékouli, un hebdomadaire d’habitude bien informé quoique toujours mal intentionné. Nous qui avions pris le parti de rire de tout, nous nous arrêtâmes tout net de déconner. Car l’affaire prenait une tournure que nous n’avions pas prévue.
De petits rigolos gentils que se disputaient les deux camps politiques à l’Assemblée, nous étions propulsés à la dimension inconfortable d’acteurs politiques, presque de comploteurs. Il nous fallait réagir pour ne pas égarer la Nation vers des suppositions qui risquaient de ne plus faire rire du tout. Mais que faire ?
C’est cogitant autour de la manière de nous sortir de ce guêpier que nous vint la brillante idée sans laquelle cette chronique n’aurait pas eu lieu. Et que mon témoignage n’aurait été que la simple compilation d’articles plus ou moins objectifs des journaux de la place. Or, je vous en fais la promesse : je vous dirai la vérité dans sa forme complète la plus totale, sans que ni la pluie ni le soleil ne m’arrête.
J’étais dans ces dispositions quand survint la mort de Samba DD. La Nation entrait dans une période de transes littéralement. Or, c’était en un bon matin sans nuage. Mais je vous le raconterai au prochain numéro.
A suivre