Couleurs de chez nous : crise et éthique

Samedi 19 Mai 2018 - 12:39

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Pour se déplacer en ville, les Congolais ont trois grands moyens que sont la voiture personnelle, le taxi et le bus en commun. S’y ajoute la moto « Jakarta » venue de l’Indonésie.

Au Congo, à Brazzaville notamment, le statut des individus se lit aussi à travers le moyen de déplacement qu’il utilise. Naturellement, ceux qui disposent des voitures sont considérés, ici, comme les « riches » ou vus comme tels même si cela semble exagéré. Les preneurs de taxis, sauf exception, font partie de la classe moyenne. Et ceux qui montent dans le bus, évidemment, sont perçus comme ne disposant pas d’assez de ressources.

Tel est le décor, bien que caricatural. Mais en ces temps de crise, on assiste peu à peu à un glissement de comportements : certains, sans complexe, passent d’un statut à un autre. Des preneurs de taxis qui n’hésitent plus de monter dans des bus collectifs. Face aux caprices du transport dans la capitale, d’autres citoyens recourent aux motos, bravant ainsi les risques car le taux d’accidents sur ces engins est élevé.

Dans un Congo où le charisme et l’éthique comptent (ici on verrait mal qu’un ministre emprunte un taxi, conduise une voiture ou soit locataire), bien de gens ont du mal à changer d’échelons et sont pleins d’astuces pour sauver les apparences. Par exemple, il n’est pas aisé de porter le costume ou un tailleur et d’emprunter un bus collectif ou une moto. Question d’éthique pour certains, crainte de se salir à cause de la promiscuité régnant dans les bus de Brazzaville. Il suffit de prendre l’image d’un mécanicien qui monte dans le bus et prend place à côté d’une dame en tailleur blanc.

Le cas de l’inconfort qu’imposent les « Cent-Cent », ces vieux taxis faisant le transport en commun. En effet, au lieu d’une personne à bord à côté du conducteur, la « politique commerciale » des exploitants de ce transport veut qu’il y ait deux passagers à l’avant et quatre à l’arrière. Ceci, sans exigences car tout passager est admis, peu importent sa taille et son poids. Heureusement que certains ont parfois le courage de refuser, même quand menace la pluie. D’autres préservent leur éthique.

Mais il y a des Congolais, accrochés aux taxis, qui font désormais profil bas en montant dans les bus communs. Éthique oblige : ils s’installent à la « cabine » avec le chauffeur, quitte à doubler ou à tripler la course.

Crise et éthique : nombre de Congolais, jadis accrochés aux liqueurs et aux bons vins, sont réduits (revenus) à la boisson locale qu’est la bière. Les moyens n’accompagnent plus ni les ambitions des uns ni les caprices des autres, moins encore les choix légitimes de certains comme ceux de manger le poisson frais ou la viande de chasse. Alors que les produits congelés s’invitent chez la majorité, bien de produits de qualité ne sont plus présents au menu.

Au centre-ville, les restaurants et cafés voient, chaque jour, s’éliminer de la course, leurs clients fidèles. Les rares qui résistent consomment désormais modérément. Là encore, on peut déduire que ce sont de petites convulsions à la surface de l’eau en attendant de couler. Que peut l’éthique devant la crise ?

Van Francis Ntaloubi

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