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FMI/Congo : comment apurer les dettes intérieure et extérieure ?

Jeudi 26 Avril 2018 - 13:45

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Dans un papier/interview daté du mardi 22 août 2017, j’avais écrit que le Congo n’a pas « menti » car le mode d’évaluation de ses dettes intérieure et extérieure n’était pas correct. Le Fonds monétaire international (FMI) a affirmé que le Congo aurait caché l’ampleur de sa dette globale. Voici venu le temps des solutions pour le sortir de la crise financière liée à la baisse du prix du baril de pétrole mais aussi à la mauvaise gouvernance des fonds publics, comme le note le FMI dans son compte rendu après la mission qu’il a effectuée dans le pays.

Comme d’habitude, le président Denis Sassou N’Guesso va être tenu pour responsable de la crise financière. Il est président et, en accord avec le Premier ministre, les ministres sont nommés ainsi que les directeurs en charge des questions budgétaires, de l’amortissement de la dette et de la gestion des régies financières. Denis Sassou N’Guesso est président de la République mais il n’est ni ministre ni directeur central et il ne peut être partout. Tel que cela a été le cas à la conférence nationale souveraine dans les années 1990, le président assume en tant que premier magistrat mais il n’est pas, il faut le dire, responsable de la mauvaise gouvernance ou des turpitudes liées à la corruption. Ceci étant dit, comment aider le Congo à une réflexion et à une prise de décision concernant la sortie de la crise financière au niveau de l’évaluation de ses dettes intérieure et extérieure ? Une fois la méthode établie, quelles sont les préconisations de solutions possibles que l’on peut suggérer aux responsables politiques congolais en charge des données macro-économiques et financières du pays ?

A propos de la dette intérieure

Concernant l’évaluation de la dette intérieure, le gouvernement a pris une sage décision en désignant les cabinets Ernst & Young et Cacoges en leur transférant un mandat de travail et de préconisation des solutions éventuelles. Tout en félicitant le gouvernement de cette initiative, il est absolument important que les responsables économiques possèdent des éléments d’analyse pour discuter de façon ferme avec les cabinets d’investigation financière. Etablir la dette intérieure signifie connaître de façon précise l’ensemble des engagements financiers et commerciaux de l’État vis-à-vis des entreprises résidentes. La part des ménages étant faible, c’est celle des entreprises qui est ici importante. Cette dette intérieure est définie par opposition à la dette extérieure qui représente la dette de l’économie congolaise à l’égard des autres pays du monde. La question est certes théorique mais surtout nécessite la pratique. L’État congolais doit opérer une différence entre les dettes typiquement commerciales et celles qui sont financières. Normalement, lorsque le budget ordonnance une dépense, l’entreprise privée a la capacité, grâce à l’avance de paiement, d’aller se refinancer auprès des banques. La banque finance les projets, l’État paye l’avance-démarrage, l’entreprise livre le projet et l’État solde la créance. Ce schéma a été rompu, il faut réintroduire de la confiance. Pour cela, il faut différencier les dettes commerciales et les dettes financières. Il faut créer une structure de rassemblement des dettes commerciales et financières et négocier avec les entreprises locales des modalités précises de remboursement de la dette intérieure par l’État. Il faut donc établir une hiérarchie entre les différents créanciers en fonction de l’importance de la dette.  L’État congolais doit nommer un intermédiaire financier, une banque capable de mettre en place des solutions en fonction de la maturité, des taux et de la nature des contrats. Les typologies de la dette intérieure sont multiples et complexes. Les réponses sont donc fondées sur une différenciation en distinguant les intermédiaires capables de résoudre la dette commerciale ou la dette financière. Nous sommes là dans une dynamique de la résolution de la dette qui permet à l’État congolais d’avoir une lecture plus claire sur les conditions de remboursement de sa dette intérieure. C’est à l’aune de ce type de programme sur la dette intérieure que le conseil d’administration du FMI pourra annoncer, de façon significative, une position favorable en direction des autorités congolaises pour les décaissements futurs. Grâce à l’apurement de la dette intérieure, le Congo redeviendra crédible sur sa capacité à proposer un plan durable de relance crédible de l’économie.

Gestion de la dette extérieure

L’endettement extérieur du Congo est une transaction économique naturelle qui a permis à l’État de bénéficier des fonds extérieurs pour promouvoir son développement. La dette extérieure prend de multiples formes, elle est souveraine parce que contractée par l’État congolais et par extension l’autre partie de la dette est formée par celle qui a reçu sa garantie. Les dettes publiques extérieures sont contractées auprès de trois catégories de créanciers : des créanciers privés (souvent bancaires ou investisseurs), des agences gouvernementales et des institutions financières internationales. Dans certains cas, on peut ajouter d’autres acteurs comme les Etats nations qui, par l’intermédiaire de structures spécialisées, participent à la mise des fonds à la disposition des emprunteurs. La crise de la dette que rencontre le Congo est liée aux difficultés de l’État à rembourser sa dette car il est dans l’incapacité de dégager, dans ses différends budgets, des excédents primaires qui ont pour origine la mobilisation des ressources fiscales et la maîtrise des dépenses publiques. On peut ajouter à cela un autre problème : la difficulté d’avoir une gestion claire des ressources issues des régies financières. Comment sortir de cette difficulté, sachant que toute dette extérieure, publique ou privée, est génératrice d’obligation de paiement en devises ? Le problème du Congo est que la baisse du prix du baril de pétrole, source de ses recettes d’exportation, diminue le taux de croissance de celles-ci. Ce taux de croissance bas est inférieur au taux d’intérêt payé sur la dette, ce qui accélère le processus de l’endettement et surtout de la solvabilité. Il faut donc opérer, de façon précise, une distinction entre la dette extérieure publique et la dette privée, et l’État congolais se doit de réfléchir avec les différents créanciers des modalités de remboursement. La diversification de l’économie est une solution de long terme qui permet d’apporter des ressources autres que celles liées à la vente du pétrole ; mais dans l’immédiat, il faut résoudre la question des dettes intérieure et extérieure. C’est à ce prix que le Congo pourra retrouver les chemins difficiles de la croissance inclusive.

 

 

 

 

 

Lucien Pambou,économiste, professeur d'économie et de sciences

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Édition Quotidienne (DB)

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