Les nouvelles voies de l'intégration régionale

Il faudra sans doute plusieurs années avant que s'enclenche réellement le processus qui conduira à la création, en Afrique centrale, d'une véritable communauté économique et financière. Les incompréhensions de toute nature héritées du passé colonial, la multiplication quelque peu anarchique des institutions censées réaliser ce projet dans cette partie du continent, les tensions ethniques et religieuses toujours présentes dans l'immense espace géographique occupé par le Bassin du Congo sont telles que l'abaissement des barrières artificielles élevées entre les peuples tout au long des deux siècles précédents ne se fera pas en un jour, en un mois, en une année, ni même sans doute en une décennie.

Il n'en reste pas moins que l'enjeu de l'intégration économique à venir dans cette partie du monde est vital à tous égards. Pour au moins trois raisons que voici résumées en quelques mots.

-  Première raison: cette intégration permettra de créer l'un des marchés les plus dynamiques du continent. Provoquant à coup sûr une élévation rapide du niveau de vie des populations concernées qui pourront alors circuler et échanger enfin librement, elle fera de l'Afrique centrale le pivot de l'émergence du continent africain en raison des immenses ressources naturelles qu'elle détient. Pour ne citer que cet exemple, l'on verra se produire sur le fleuve Congo ce qui s'est produit en Europe lorsque le Rhin et le Danube sont devenus des voies incontournables, provoquant un développement ultra rapide des régions du Vieux continent qui jusqu'alors restaient isolées. Fondée sur une croissance humaine elle-même très forte, la dynamique ainsi créée ne cessera de s'accélérer.

- La deuxième raison est de nature stratégique : elle concerne la paix et la sécurité sur toute l'étendue du Bassin du Congo. Alors que les crises se multiplient en Centrafrique et en République démocratique du Congo, provoquant des tueries sans fin et des migrations de population massives que la communauté internationale s'avère incapable de prévenir, la constitution d'une  union économique unique et structurée, dotée d'une gouvernance effective et efficace s'accompagnera à coup sûr de la mise en place d'un système de sécurité collectif permettant de prévenir et même de gérer les crises. Sans doute celui-ci ne permettra-t-il pas de mettre fin aux conflits présents d'un coup de baguette magique, mais il créera les conditions nécessaires pour y parvenir et, de ce fait, sera perçu comme le vrai moteur de la paix régionale.

- La troisième raison tient à l'écologie, entendue au sens plus large du terme : étant donnée la place que l'Afrique centrale occupera, dans les décennies à venir et à l'échelle planétaire, dans la lutte pour la préservation de la nature - place dont la création du Fonds bleu pour le Bassin du Congo en gestation à Brazzaville donne désormais une idée précise - la création d'une communauté économique structurée s'imposera à l'échelle mondiale comme une obligation incontournable. Sans elle, en effet, jamais la protection des forêts, des fleuves, des rivières, des tourbières ne serait possible, pas plus, d'ailleurs, que l'exploitation raisonnable et raisonnée des immenses terres qui constituent le véritable capital de l'Afrique centrale. Les Etats et les gouvernements concernés en prendront très vite la juste mesure.

Conclusion, provisoire évidemment, de ce qui précède : le temps est venu de réfléchir collectivement et non plus individuellement comme c'est trop souvent le cas aux dispositions qu'il convient de prendre si l'on veut que l'intégration économique du Bassin du Congo et de la région  des Grands Lacs produise les effets positifs attendus. Soit dit en passant, est-il un lieu plus accueillant et mieux équipé pour ce faire que le nouveau Centre de conférences de Kintélé, dans la banlieue nord de Brazzaville  ?