Pour Adama Dahico, « le rire contribue au développement d’un pays »

Mercredi 24 Juillet 2013 - 19:30

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On ne présente plus Adama Dahico, ce comédien ivoirien au service du rire depuis vingt-cinq ans. Son spectacle Causerire, présenté à la sixième édition du Festival Tuseo, a tiré des larmes à plus d’un spectateur. Écrivain, il a déjà trois publications en librairie : Ne riez pas en 2004, Donnez-moi le pouvoir et je vous rendrai le rire en 2006, et Le politirien en 2010. Bientôt Ehhhh dja ma vieille va paraître en album avec douze titres 100% reggae. Candidat à l’éléction présidentielle ivoirienne en 2010, Adama Dahico considère le rire comme une passion

Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes à Brazzaville pour Tuseo. Quelles sont vos impressions ?

Adama Dahico : Depuis 25 ans, je suis engagé dans ce métier de comédien, d’humoriste et d’écrivain. Je suis aussi promoteur du Festival international du rire d’Abidjan et je connais la nécessité des actions culturelles. Les artistes sont les parents pauvres, comme on dit souvent. Il faut qu’ils soient solidaires. J’observe avec beaucoup de joie qu’il y a une sixième édition du festival Tuseo. Lauryathe m’avait souvent contacté, mais pour des raisons de calendrier, je ne pouvais être à Brazzaville. Cette fois, je suis venu lui témoigner toute ma reconnaissance et mes encouragements. C’est ainsi qu’on me découvre dans mon milieu naturel et j’en profite pour faire une « causerire », une forme de spectacle qu’on fait avec un public qui doit avoir le sens de l’écoute parce que pour réagir à mon humour, il faut avoir le sens de l’écoute. C’est avec beaucoup de joie que je retrouve des amis humoristes que j’ai déjà rencontrés dans d’autres festivals dans certains pays. Les retrouver ici, c’est la continuité de ce que nous avons envisagé : être solidaires, se retrouver de plus en plus pour pratiquer notre métier.

LDB : En tant que promoteur d’un festival, quel regard portez-vous sur le festival Tuseo ?

AD : Il fut un moment en Côte d’Ivoire où les humoristes étaient sollicités pour faire les premières parties et les entractes des chanteurs. Nous nous disions que c’était une insulte à notre corporation, mais en même temps nous nous sommes interrogés : pourquoi méritons-nous un tel traitement ? Nous nous sommes alors remis au travail. Il fallait être engagé et faire comprendre que l’humour a le pouvoir de drainer du monde. Et les sponsors sont venus d’eux-mêmes se joindre à nous. En Côte d’Ivoire, ce sont les chanteurs qui font maintenant la première partie des humoristes. C’est un engagement que nous devons prendre : être tous solidaires et faire comprendre aux pouvoirs publics que les humoristes sont eux aussi des acteurs au développement, que le rire contribue au développement. C’est un outil de communication parce que quand les gens rient moins, ils sont malades et inaptes à aller travailler. Si les pouvoirs publics constatent que l’humour a un effet positif sur le développement, ils s’intéresseront à ce genre de festival et y mettront les moyens pour que le festival existe. Parce que ce festival devient pour moi un patrimoine du Congo.

LDB : 25 ans de carrière dans le rire… Quel est votre parcours ?

AD : J’en ai tellement fait que je voulais devenir président de la République. C’est grâce à ce métier que j’ai pu avoir plus de 6 000 votants dans un pays comme la Côte d’Ivoire où les gens étaient fatigués de la politique. Il y a une autorité qui a dit que le rire avait contribué à l’apaisement en Côte d’Ivoire. Effectivement, en 2003, lorsque j’ai lancé mon festival, toute la Côte d’Ivoire m’a remercié parce que j’ai pris l’engagement de tuer le stress, de combattre tout ce qui est mauvaise humeur. J’ai décidé de prendre le pouvoir par le rire. J’ai communiqué là-dessus et il y a beaucoup de jeunes humoristes. Mon secret, c’est la passion. Depuis le lycée, j’avais envie de faire du théâtre comme métier et Dieu m’a permis de m’engager et de m’entourer des bonnes personnes. Il y a aussi la culture personnelle : il faut être au courant de l’actualité, sinon il y a des blagues qu’on peut raconter tous les jours. Mais lorsque vous êtes en face d’un public, il faut lui donner les informations qu’il n’a pas à travers le rire. Il y a aussi une question d’organisation personnelle : il faut avoir un dictaphone. Vous pouvez avoir une idée, vous enregistrez ; vous pouvez avoir un appareil photo, faire une image insolite et faire une expo. Il faut se remettre en cause après chaque spectacle et penser comment sera le prochain.

LDB : Vous vivez dans un pays en post conflit. Vous considérez-vous comme un maillon important dans la pacification de la Côte d’Ivoire par le rire ?

AD : Vous savez, un humoriste doit se dire qu’il a sa place dans le développement de son pays en se posant la question de savoir quelle place il doit occuper quand il y a une crise. Je me suis dit que l’histoire doit retenir que Adama Dahico a été le premier humoriste ivoirien à être candidat à l’élection présidentielle. Être disponible, être avec le peuple par un moyen humoristique. Nous avons fait beaucoup de tournée jusque dans les zones rebelles pour dire que notre pays est un et indivisible. J’ai un sketch sur la CPI dans lequel je donne plusieurs définitions de ce sigle et le Congo fait partie de la CPI vu que c’est un pays indivisible (Rires).

Pour la sixième édition du Festival international du rire Tuseo, qui a ouvert ses rideaux le 23 juillet, plusieurs comédiens venus du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Cameroun, de France, du Gabon, du Mali, de la République démocratique du Congo, du Congo et du Togo ont fait le déplacement à Brazzaville.
Hughes Ondaye, conseiller aux affaires culturelles du maire de Brazzaville, a souligné l’importance du Festival Tuseo qui trouve progressivement sa place sur l’agenda des évènements culturels du Congo. « J’aimerais vous dire que le maire de Brazzaville, à travers sa politique de développement culturelle, sera toujours aux côtés des professionnels. Pour cette édition, il n’a pas été présent, mais je vous informe qu’il est en train de mettre en place un outil d’accompagnement des créateurs de la ville de Brazzaville : nous l’avons appelé le fonds de soutien à la culture. Nous travaillons avec les experts de la Banque mondiale pour qu’à partir de l’année prochaine, cet instrument soit opérationnel. La mairie sera désormais présente dans les évènements qui vont enrichir et travailler à la visibilité de notre ville. »
Après l’ouverture officielle en matinée, le public brazzavillois est venu découvrir pour la première fois Adama Dahico dans son spectacle « Causerire » qui tourne autour des questions d’actualités savamment retournées pour faire rire. Pendant plus de trente minutes, l’artiste ivoirien est entré dans la peau d’un président de la République, a pris la place de la population, amusant aux larmes les spectateurs qui étaient venus nombreux dans la salle Savorgnan-de-Brazza de l’Institut français du Congo.

Hermione Désirée Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Adama Dahico sur la scène de l'Institut français. © DR