Les Dépêches de Brazzaville



Pour Adama Dahico, « le rire contribue au développement d’un pays »


Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes à Brazzaville pour Tuseo. Quelles sont vos impressions ?

Adama Dahico : Depuis 25 ans, je suis engagé dans ce métier de comédien, d’humoriste et d’écrivain. Je suis aussi promoteur du Festival international du rire d’Abidjan et je connais la nécessité des actions culturelles. Les artistes sont les parents pauvres, comme on dit souvent. Il faut qu’ils soient solidaires. J’observe avec beaucoup de joie qu’il y a une sixième édition du festival Tuseo. Lauryathe m’avait souvent contacté, mais pour des raisons de calendrier, je ne pouvais être à Brazzaville. Cette fois, je suis venu lui témoigner toute ma reconnaissance et mes encouragements. C’est ainsi qu’on me découvre dans mon milieu naturel et j’en profite pour faire une « causerire », une forme de spectacle qu’on fait avec un public qui doit avoir le sens de l’écoute parce que pour réagir à mon humour, il faut avoir le sens de l’écoute. C’est avec beaucoup de joie que je retrouve des amis humoristes que j’ai déjà rencontrés dans d’autres festivals dans certains pays. Les retrouver ici, c’est la continuité de ce que nous avons envisagé : être solidaires, se retrouver de plus en plus pour pratiquer notre métier.

LDB : En tant que promoteur d’un festival, quel regard portez-vous sur le festival Tuseo ?

AD : Il fut un moment en Côte d’Ivoire où les humoristes étaient sollicités pour faire les premières parties et les entractes des chanteurs. Nous nous disions que c’était une insulte à notre corporation, mais en même temps nous nous sommes interrogés : pourquoi méritons-nous un tel traitement ? Nous nous sommes alors remis au travail. Il fallait être engagé et faire comprendre que l’humour a le pouvoir de drainer du monde. Et les sponsors sont venus d’eux-mêmes se joindre à nous. En Côte d’Ivoire, ce sont les chanteurs qui font maintenant la première partie des humoristes. C’est un engagement que nous devons prendre : être tous solidaires et faire comprendre aux pouvoirs publics que les humoristes sont eux aussi des acteurs au développement, que le rire contribue au développement. C’est un outil de communication parce que quand les gens rient moins, ils sont malades et inaptes à aller travailler. Si les pouvoirs publics constatent que l’humour a un effet positif sur le développement, ils s’intéresseront à ce genre de festival et y mettront les moyens pour que le festival existe. Parce que ce festival devient pour moi un patrimoine du Congo.

LDB : 25 ans de carrière dans le rire… Quel est votre parcours ?

AD : J’en ai tellement fait que je voulais devenir président de la République. C’est grâce à ce métier que j’ai pu avoir plus de 6 000 votants dans un pays comme la Côte d’Ivoire où les gens étaient fatigués de la politique. Il y a une autorité qui a dit que le rire avait contribué à l’apaisement en Côte d’Ivoire. Effectivement, en 2003, lorsque j’ai lancé mon festival, toute la Côte d’Ivoire m’a remercié parce que j’ai pris l’engagement de tuer le stress, de combattre tout ce qui est mauvaise humeur. J’ai décidé de prendre le pouvoir par le rire. J’ai communiqué là-dessus et il y a beaucoup de jeunes humoristes. Mon secret, c’est la passion. Depuis le lycée, j’avais envie de faire du théâtre comme métier et Dieu m’a permis de m’engager et de m’entourer des bonnes personnes. Il y a aussi la culture personnelle : il faut être au courant de l’actualité, sinon il y a des blagues qu’on peut raconter tous les jours. Mais lorsque vous êtes en face d’un public, il faut lui donner les informations qu’il n’a pas à travers le rire. Il y a aussi une question d’organisation personnelle : il faut avoir un dictaphone. Vous pouvez avoir une idée, vous enregistrez ; vous pouvez avoir un appareil photo, faire une image insolite et faire une expo. Il faut se remettre en cause après chaque spectacle et penser comment sera le prochain.

LDB : Vous vivez dans un pays en post conflit. Vous considérez-vous comme un maillon important dans la pacification de la Côte d’Ivoire par le rire ?

AD : Vous savez, un humoriste doit se dire qu’il a sa place dans le développement de son pays en se posant la question de savoir quelle place il doit occuper quand il y a une crise. Je me suis dit que l’histoire doit retenir que Adama Dahico a été le premier humoriste ivoirien à être candidat à l’élection présidentielle. Être disponible, être avec le peuple par un moyen humoristique. Nous avons fait beaucoup de tournée jusque dans les zones rebelles pour dire que notre pays est un et indivisible. J’ai un sketch sur la CPI dans lequel je donne plusieurs définitions de ce sigle et le Congo fait partie de la CPI vu que c’est un pays indivisible (Rires).


Hermione Désirée Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Adama Dahico sur la scène de l'Institut français. © DR