Lire aussi :

Irina Bokova : « l’Afrique a besoin de former une nouvelle génération d’ingénieurs et de techniciens »

Dimanche 2 Mars 2014 - 22:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco ©DRLe deuxième forum des femmes francophones consacré aux « Femmes actrices du développement » est l’occasion de rappeler le rôle fondamental des femmes dans le développement et la paix, et la nécessité de soutenir davantage les femmes comme force motrice du changement.

Les filles et les femmes doivent avoir les moyens de jouer pleinement leur rôle dans la société, et le moyen d’y parvenir, c’est par l’éducation et la formation. Investir dans l’éducation des filles, c’est investir dans le développement durable de toute la société, car l’éducation des filles est synonyme de lutte contre le chômage, de santé maternelle et infantile, d’inclusion, d’estime de soi, de réduction de la pauvreté, comme le démontrent l’une après l’autre les études internationales.

Au moins 57 millions d’enfants restent non scolarisés dans le monde, dont la moitié vit en Afrique subsaharienne, et les filles sont particulièrement touchées, surtout dans l’enseignement secondaire et supérieur. Pour lutter contre ce fléau, l’Unesco a lancé en 2011 le Partenariat mondial pour l’éducation des filles et des femmes, en mettant l’accent sur deux aspects qui posent le plus problème : l’enseignement secondaire et l’alphabétisation.

Plusieurs centaines de projets sont en cours à travers tout le continent, avec les gouvernements, avec des partenaires privés, pour la formation des enseignants, la protection des écoles, l’utilisation des nouvelles technologies. Nous nous appuyons également sur l’action du Centre international pour l’éducation des filles et des femmes à Ouagadougou sous l’égide de l’Unesco et du Centre de recherche et de documentation sur les femmes basé à Kinshasa. Pour réussir, nous avons besoin du concours de tous les gouvernements et des acteurs de la société civile.

Les sciences et l’éducation des filles représentent à cet égard deux enjeux vitaux et profondément liés pour l’Afrique, car le continent a besoin de former plusieurs millions d’ingénieurs et de techniciens pour soutenir le développement de ses économies, certaines parmi les plus dynamiques de la planète, et pour tirer des bénéfices durables de ses ressources naturelles. Or le moyen de faire émerger cette nouvelle génération, c’est justement de s’orienter massivement vers les filles qui représentent un immense gisement de talents potentiels. L’éducation des filles est donc à la fois une question de justice et de droits humains, mais aussi dans l’intérêt bien compris d’une politique de développement efficace.

L’Unesco a lancé plusieurs programmes spécifiques pour l’éducation scientifique en Afrique, par la formation des professeurs, le soutien aux femmes enseignantes, la distribution de kits « microsciences » pour développer l’enseignement des sciences. Avec le programme Unesco-L’Oréal pour les femmes et la science, qui récompense chaque année les femmes scientifiques les plus talentueuses et distribue des bourses d’études, nous voulons aussi défaire les stéréotypes sexistes et prouver que les filles peuvent réussir dans les filières scientifiques et incarner l’excellence mondiale. Je pense à Zohra Ben Lakhdar (Tunisie, 2005), Habiba Bouhamed Chaabouni (Tunisie, 2006), Ameenah Gurib-Fakim (Maurice, 2007), Rashika el-Ridi (Égypte, 2010), parmi les lauréates.

Les femmes sont trop souvent présentées comme des victimes – de la pauvreté, de la violence, des confits. Cette vision misérabiliste ne correspond pas à la réalité, et nous devons changer le regard sur les femmes pour donner à celles qui le veulent la confiance de s’engager. La première étape consiste à mieux faire connaître les modèles positifs de femmes au destin exceptionnel, et elles sont nombreuses. L’Unesco a conçu des modules pédagogiques faciles d’accès sur internet qui mettent en lumière le destin de femmes exceptionnelles, comme la reine Nijinga Mbande ; ou Yennega, la mère fondatrice au Burkina-Faso ; Gisèle Rabesahala de Madagascar, militante pour la démocratie au xxe siècle ; les amazones du Danxomè au Bénin ; la mulâtresse Solitude, résistante contre l’esclavage.

Dans le même esprit, nous avons lancé à l’Unesco le dictionnaire des femmes créatrices, qui présente l’incroyable diversité des figures de femmes, artistes, responsables politiques, entrepreneures qui ont contribué et contribuent au développement mondial. Parmi elles, de nombreuses femmes africaines, comme Wangari Maathai, sont des modèles positifs pour l’Afrique et pour le monde. Ellen Johnson-Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakkul Karman, qui ont remporté le prix Nobel de la paix 2011, sont d’autres exemples. Comme elles, ce sont des millions de femmes anonymes qui contribuent chaque jour à améliorer le quotidien de leurs familles, et le quotidien de l’Afrique et du monde. L’éducation, les femmes et la science sont les fondements d’une stratégie efficace pour le développement humain. Ce forum des femmes francophones doit être le moyen de porter ce message, et d’en faire une réalité pour tous.

 

Née le 12 juillet 1952 à Sofia (Bulgarie), Irina Bokova, est Directrice générale de l’UNESCO depuis le 15 novembre 2009. Mme Bokova a été réelue en octobre 2013 pour un deuxième période. Diplomate de carrière, elle est la 1e femme élue à la tête de cette organisation.

Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco

Légendes et crédits photo : 

Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco ©DR