Sylvestre Mangouandza, président de l’association des peintres de l’École de peinture de Poto-Poto : « Notre Gotard à nous, nous manque. »
Nous avons eu l’occasion de parler de Maître Gotène à plusieurs occasions, à travers des galeries, des expositions. Pour nous, Maître « Gotard », comme affectueusement nous l’appelions, était un génie ! Il nous a montré pendant ces occasions son doigté, son savoir-faire, et cela sortait de l’ordinaire. Il n’était pas donné à tout le monde de le voir peindre, mais celui qui en a eu l’occasion a reçu quelque chose de grand, de difficile à mesurer, c’était une transmission de pouvoir. Son influence se ressentira un jour sur les jeunes artistes, mais il sera toujours difficile à rejoindre, tellement sa technique était unique dans son genre. Son héritage, il l’a légué à tous les artistes congolais qui voudront bien associer un tel legs à leur imagination ou à la perception des choses qu’ils renferment dans leur pensée. De nombreux de visiteurs, surtout étrangers, demandaient à voir l'artiste. Nous étions de ceux qui les emmenaient en son lieu de travail. De ces visites impromptues, nous gardons beaucoup d’anecdotes, de souvenirs, mais surtout d’enseignements. Pour ce qui est de savoir si d’autres le rejoignent dans son style unique, je dirais qu’il y a un adage qui dit que les phénomènes se révèlent le plus souvent trente ans après. Donc, attendons de voir !
Bernard Mouanga-Nkodia, sculpteur : « Gotène a remporté un prix à l’étranger sans se présenter… »
Sur Marcel Gotène, j’aimerais témoigner d’une petite histoire que je trouve drôle et qui s’est retournée en faveur de l’artiste hélas disparu. Un homme de poigne, selon moi, qui devait sentir les choses avant de s’y lancer. En 1999 ou 2000, la ministre de la Culture d’antan, Mambou Aimée Gnali, désigne quatre artistes congolais pour aller représenter le pays au Gabon à l’occasion du Ciciba (Centre international des civilisations bantoues). Parmi les artistes, il y avait moi-même et un autre collègue sculpteur, et du côté des peintres nous avions Marcel Gotène et un autre. Curieusement les deux peintres vont refuser d’effectuer le voyage au Gabon prétextant milles et une excuse. À moi, il confiera : « Je ne vais pas me rendre au Gabon ! » Je vais donc me rendre au Gabon avec le tableau que tout de même m’avait remit Gotène pour le représenter. Sur place on va me demander d’embellir le tableau d'un cadre parce qu’il en manquait (disons que c’était un des critères), je le fais à sa place et à mes frais ! Résultat : Gotène premier prix, moi le suivant, et le troisième également était congolais de Brazzaville. Que de fous rires ! À notre retour à Brazzaville, nous avons reçu les échos de l’enchantement de Mme Édith Bongo-Ondimba et nous fûmes conviés chez le président de la République, Denis Sassou-N’Guesso. À cette occasion, vous vous en doutez, Maître Marcel Gotène était bel et bien présent !
Jacques Iloki, vice-président de l’association de l’École de peinture de Poto-Poto : « Gotène était un génie ! »
Marcel Gotène était un artiste source d’exemples pour sa génération et celles à venir. Il était dur, malgré les conditions de travail qui n’étaient pas bonnes. Mais le maître nous imposait un rythme de travail rigoureux. Rigoureux dans la présentation des toiles, il fallait vendre des œuvres dignes sans qu’on n’ait à redire là-dessus mais aussi sur le prix. Il disait : « Il ne faut pas brader vos œuvres, elles valent bien plus que ce que vous pensez. Que vous soyez dans le besoin ou pas, il ne faut jamais brader un tableau. » Par ces propos, vous en conviendrez, il nous a poussés un peu plus loin dans notre travail.