Portrait : Mariusca Moukengue, du slam à la critique d’art, une artiste aux talents indéniables

Vendredi 26 Janvier 2018 - 18:15

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L'artiste aux talents indéniables, la vingtaine révolue, est juriste en formation (master II) à la faculté de droit de l’université Marien-Ngouabi, option recherche fondamentale. Comment s’est-elle métamorphosée artiste à plusieurs casquettes ?

Depuis sa tendre enfance, Mariusca Moukengue nourrissait le rêve d’être pilote, parce qu’elle aimait les airs, les voyages. Mais après avoir réalisé les conséquences (imaginant le crash), elle se dit qu’elle pourra perdre un jour sa vie, d’où son orientation au métier d’avocat.

Du droit à l’art

À fleur d’âge, Mariusca observait qu’il y avait trop de gens démunis et sans défense ; raison pour laquelle, elle a décidé d’être avocate. L’amour pour l’art est venu au moment où elle a commencé à avoir envie de s’exprimer, de donner son opinion, mais ce qu’elle disait était mal vu par les autres. Et cette peur d’être mal jugée a fini par développer en elle de la méfiance envers les gens, pour faire confiance à ses écrits. Sa passion des arts est venue donc de cette séduction de vouloir nommer les choses. Dans l’art, dit-t-elle, on est plus libre et on a cette possibilité de rendre possible l’impossible, de faire sortir les choses du néant qu’on n’a pas dans le droit. « Le droit c’est la règle, tout est défini, tout est préétabli. Les articles, il faut les mémoriser, il faut comprendre la jurisprudence. Il n’y a pas cette ouverture d’esprit et la possibilité de remettre en cause la norme établie. Par contre dans l’art, il y a cette possibilité de tout remettre en cause qui me fascinait et que je ne trouvais pas dans le droit. Aussi, dans l’art, il y a cette facilité de découvrir et de communiquer avec les gens. Il y a cette liberté qu’on ne retrouve pas dans le droit. Je dis toujours que le droit me permet de connaître comment fonctionne la société et l’art me permet de connaître et de découvrir le monde », argumente-t-elle.

Cela fait plusieurs années que Maruisca Moukenga excelle dans le slam. Cependant, quand on lui pose la question sur son art de prédilection, elle ne se détermine pas. « Ce sera très difficile de dire spécialement quel est l’art dans lequel je me sens plus à l’aise. Les gens pensent que je suis plus dans le slam, non. Je m’efforce à créer l’équilibre entre ces activités. Au début, j’ai commencé avec l’écriture tout court. J’écrivais juste pour me défouler, parce que l’écriture pour moi était une thérapie. Et après, mon professeur de français en classe de seconde m’a inscrite au concours de rencontre des livres vivants (Reliv). J’ai été primée et c’est de là qu'est partie ma volonté de chercher à apprendre quelque chose dans l’art. », explique Maruisca Moukengue.

«L’écriture pour moi était une thérapie »

En effet, Mariusca a été présentée à un metteur en scène pour lui former dans le métier de comédien. Dès lors, elle a commencé dans la compagnie Tshala de Harvay Massamba (2011- 2015) et en même temps elle poursuivait ses études.

La rencontre avec Prodige Heiveil, le maître

S’il y a une personne qui a donné l’amour du slam à Mariusca Moukengue, c’est Prodige Heiveil qu’elle a rencontré dans la troupe Tshala. C’est un slameur qui exerçait en tant que comédien. En le voyant prester et faire ses déclamations, Mariusca se disait pourquoi ne pas présenter ses écrits enfouis dans la maison au public.  C’est ainsi qu’elle sollicita de Prodige Heiveil l’apprentissage du slam. Les deux ont commencé à travailler. La jeune slameuse, qui a commencé à déclamer en public à l’âge de 20 ans, se donne un défi : déclamer mieux que son mentor dans le sens de faire bien. « Prodige Heiveil a la force des mots. Chaque mot qu’il claque a une raison d’être. Il n’est pas dans le rythme du slameur français, Grand corps Malade, mais est plutôt dans le style de créer des variations dans ses déclamations et en même temps de donner une force à la musicalité du texte et des mots qui sont dans le texte. Et moi, quand j’ai envie de susciter l’inspiration dans l’un de mes textes, il me suffit de l’écouter. J’ai aimé son slam sans même l’avoir connu. Malheureusement, pour des raisons de formation, il est allé à l’étranger en 2016 et je me suis retrouvée toute seule avec mes écrits. Sur sa proposition, j’ai intégré le Styl’Oblic, coordonné par Dimitri Batchibouini. », indique-t-elle.

C’est au projet de « Black Panthères », pendant la première édition de Motissage, que Mariusca a présenté son premier spectacle. Quelques mois plus tard, en juin-juillet, elle a participé au concours des tremplins slames, la première édition des arts urbains à l’Institut français du Congo. Au cours de ce concours qui a mis aux prises trente-deux candidats, elle a occupé la deuxième position. C’est là où elle se dit qu’il y a quelque chose qu’elle est en train d’ignorer.

Mariusca Moukengue, dramaturge

Mariusca Moukengue n’est pas que slameuse, elle a écrit aussi une pièce de théâtre intitulée « L’envers d’un silence ». Cette pièce qui a été jouée tour à tour au festival Mantsina sur scène (édition 2016) ; au festival international de Dolisie ; ainsi qu’au Centre de formation et de recherche en arts dramatiques de Brazzaville, a bénéficié du concours de plusieurs personnes comme Vady Kouloutch, Cléau Konongo, David Malonga, Boris Mikala, …

La formation en critique d’art

C’est en 2016 qu’elle s’inscrit aux Ateliers Sahm. Pendant la cinquième édition de la Rencontre internationale des arts contemporains (Riac), elle a reçu une formation en critique d’art auprès d’Alexia Clorinda (une critique d’art italienne). Ensuite, elle a été l’unique Congolaise à être retenue à suivre une formation en critique d’art au Centre Waza, dans la ville de Lubumbashi, en République démocratique du Congo, à l’issue d’un appel à candidatures. Une formation de cinq jours sur l’écriture d’un texte critique et l’interprétation d’une œuvre d’art donnée par le critique d’art et administrateur culturel à Waza, Patrick Moudekereza, et le critique d’art français, Dakin Dakara.

Lors de la sixième Riac, elle a reçu deux prix : le prix Gaestaelier Krone Aareau (permettant de passer trois mois de résidence de création en Suisse de juillet à septembre 2018) et le prix Bourse de création artistique au Congo pour douze mois. « Plus que tu ne vois pas plus loin que ton nez, plus ton travail sera réduit. Plus que tu vois plus loin que ton nez, plus tes projets auront une grande portée », dit-elle.  

Son projet qu’elle a mis sous un volet panafricain intitulé « Slamunité » consiste à réunir de jeunes africains autour du slam par des formations, rencontres et spectacles. Elle est accompagnée dans ce projet par des partenaires suivants : le site Africulturelle (une plate-forme qui fait la promotion de la culture africaine), Ajpcedes (un centre d’art qui fait la promotion des jeunes artistes africains), et la Congolaise 242 (une plate-forme qui fait la promotion de la culture congolaise).

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photos 1 et 2 : Mariusca Moukengue (crédit photo : Max Mbakop Tchikapa)

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