Parution : Michel Ingele publie « Les Kinoiseries. Valeurs ou antivaleurs culturelles ? »

Jeudi 16 Novembre 2017 - 19:11

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L'ouvrage sorti il y a quelques semaines aux éditions Feu Torrent s’intéresse à la complexe et ambivalente problématique des valeurs et antivaleurs dans la grande mégapole kinoise aujourd’hui peuplée de plus ou moins quinze millions d’habitants.

À travers les 84 pages de l'essai, Michel Ingele Ngonga scrute une série d’aspects qui caractérisent le Kinois. Dans l’avant-propos, il fait ce réquisitoire à tout le moins cinglant : « Selon ce qu’il m’a été donné d’observer tout au long de ma vie de Kinois, la mentalité collective des Kinois a beaucoup changé durant les dernières décennies. Certaines valeurs jadis considérées comme sacrées et défendues bec et ongles par tous les membres de la communauté sont aujourd’hui dénaturées et même altérées au point de perdre leur valence, leur essence au profit de ce qui peut être regardé comme antivaleur. À titre d’exemple pour illustrer cette remarque, la solidarité jadis reconnue aux Kinois a cédé sa place à l’individualisme. L’instruction a perdu sa valeur face au pouvoir d’argent. Des inconvenances telles que les obscénités dans le langage, les chansons et les danses ; les accoutrements indécents et l’irrespect ont fait baissé la  garde à la censure et donc à la morale collective. La surveillance et l’encadrement des enfants mineurs sont devenus quasi inexistants pendant que le sens du bien commun et l’hygiène  publique font défaut. Il s’agit là d’un changement involutif, d’une rétrogradation par rapport à l’évolution des consciences vers le bien et à l’idéal de se parfaire puisqu’il y a quelque trois et quatre décennies, la même mentalité kinoise était déjà plus proche de ces nobles idéaux ».

L’ouvrage est structuré en trois grandes parties. La première intitulée « Compréhension des concepts utilitaires » est axée sur les notions de ‘Kinoiserie et mentalité’, ‘éducation, enseignement et instruction’ et enfin ‘culture’. Pour l’auteur, la ‘Kinoiserie’ doit être comprise ici comme le comportement général et souvent affiché par les Kinois. Il s’agit de la mentalité propre à la grande partie des habitants de la ville de Kinshasa.

La deuxième partie du livre est bien plus éloquente sous le titre de « Kinoiseries », évoquant des phénomènes typiques de Kinshasa, comme l’obstruction des passages publics, la pagaille dans la circulation routière ; elle parle aussi des faiseurs de l’insalubrité. « Nous observons malheureusement dans la ville de Kinshasa des actions et des comportements porteurs de l’insalubrité publique. Dans beaucoup de quartiers, les ordures et les eaux usées sont jetées la nuit voir le jour dans la rue surtout par les femmes ménagères, tandis que les enfants, y compris certains adolescents, y viennent pour se doucher et uriner au vue et au su de leurs parents…», déplore l’auteur. Il continue en ces termes sur cet aspect regrettable de l’insalubrité dans la capitale de la RDC : « Les flacons et les bouteilles  en plastique vides jonchent les caniveaux et les rivières de la ville au point d’obstruer l’écoulement des eaux qui débordent et inondent certains espaces et certaines rues et maisons lorsqu’il pleut ».

L’impact de la musique…

L’autre phénomène non moins négligeable abordé par l’auteur dans cette deuxième partie de l’ouvrage est l’impact de la musique kinoise. Cette musique, indique-t-il, est repartie en trois périodes considérées comme des générations. « La première génération est constituée de tous ceux qui ont fait la musique depuis la période coloniale jusqu’aux alentours des années 1970. La deuxième génération va des alentours de 1970 jusqu’aux années quatre-vingt. Enfin, la troisième et actuelle génération qui va des années quatre-vingts à ce jour. En jetant un regard comparatif sur ces trois différentes époques, notre constat est que les paroles des chansons, les chorégraphies et les danses de la nouvelle génération de la musique kinoise ont généralement tendance à verser dans l’obscénité et l’indécence... Outre le caractère obscène de certaines de leurs œuvres musicales,  beaucoup de musiciens kinois actuels se distinguent aussi de ceux des précédentes générations par une conduite présomptueuse, outrancière, extravagante et ostentatoire. Cela se remarque surtout lors de leur passage sur les plateaux de chaînes de télévision où ils versent dans ce qui est désigné par le terme ‘polémique’ ». Il parle aussi de la musique chrétienne qui aujourd’hui « se complait généralement dans les danses traditionnelles et modernes frénétiquement exécutées et qui ne font aucune différence avec ce qui est qualifié par les chrétiens de musique mondaine, tout en chantant les morceaux des histoires bibliques de l’Ancien Testament ou en prêtant à Dieu certaines qualités humaines ».

Les églises de réveil…

La forte présence des églises de réveil à Kinshasa a attiré l’attention de l’auteur qui soutient que l’avènement de celles-ci a bouleversé quelque chose dans la vie et la culture kinoise. On dénote, écrit-il, entre autres, l’exacerbation de la superstition, la ferme croyance au bonheur miraculeux ou la loi du moindre effort, le détournement des malades de la médecine vers la délivrance par les pasteurs, l’intolérance religieuse, la pollution sonore, l’imposture prophétique, les vrais et faux témoignages, les mariages poussés, l’acculturation des noms, etc.

Michel Ingele fait aussi mentionne des métiers à gain facile qui se développent à Kinshasa depuis les années 1990 tels que les chargeurs de taxis sur les parkings, les flatteurs et les fanatiques, les guides du marché, les faux cantonniers, etc. Un autre aspect type de kinoiseries évoqué serait le manque d’égards. « Les convenances sociales ne semblent pas faire partie des préoccupations de la plus grande partie des Kinois ». Michel Ingele Ngonga épingle aussi la manière dont se déroulent les collations de grades académiques, le phénomène des bébés jetés et les enfants abandonnés, les dénonciations calomnieuses et celui de « Nzombo le soir » dont l’idée véhiculée est « le fait de n’atteindre un objectif, de ne recevoir ce qui est attendu ou de ne s’acquitter d’une obligation qu’en toute dernière minute ». Le comportement atypique des Kinois lors des obsèques est également analysé par l’auteur de cette deuxième partie de l’ouvrage. La troisième partie qui s’appesantit sur la responsabilité des uns et des autres répond à la question centrale de l’ouvrage : Kinoiseries, valeurs ou antivaleurs ? Michel Ingele met l’accent sur la part de l’État, celle des enseignants et des parents, de la jeunesse.

Dans sa conclusion, l’auteur dit quelque part : « Plusieurs comportements négatifs qui corrompent actuellement la mentalité kinoise sont évoqués dans la deuxième partie de ce livre mais cette évocation est bien entendu non exhaustive. Ils sont regroupés dans le terme ‘kinoiseries’. Dans la mesure où la plupart de ces agissements corroborent ce qui est défini plus haut comme étant le mal, ils constituent donc, à mon sens, des antivaleurs culturelles que nous devons extirper de notre mentalité ».

L’auteur

Né dans la province de l’Équateur, Michel Ingele est arrivé à Kinshasa à 11 ans. Licencié en psychologie de travail à l’Université nationale du Zaïre (à l’époque), il a travaillé dans le secteur de l’éducation avant d’évoluer dans le secteur privé comme directeur des ressources humaines durant vingt ans dans différentes entreprises à Kinshasa. Consultant indépendant en gestion des ressources humaines et en organisation du travail, il se consacre pour le moment à partager son expérience professionnelle. Après ce premier ouvrage qui incite à la lecture au regard de la mine d’informations et d’analyses qui en recèle, il a sous presse deux autres ouvrages sur les ravages de la superstition à Kinshasa et la problématique de l’épanouissement socioéconomique des travailleurs en RDC.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

"Kinoiseries, valeurs ou antivaleurs culturelles", publication de Michel Ingele Ngonga

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