Mali : le Festival sur le Niger à Ségou joue la résistance !

Vendredi 17 Février 2017 - 20:27

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Du 1er au 5 février dernier, s’est déroulée à Ségou, la 13ème édition du Festival sur le Niger, malgré une situation sécuritaire préoccupante.

Tout est parti d’une ambition personnelle. En 2005, son initiateur Mamou Daffé, passionné des arts, et propriétaire d’un motel à Ségou, lance la première édition du Festival sur le Niger, dans le but de valoriser l’attractivité de la ville historique. Ségou, son village natal qui fut autrefois un royaume florissant (Ségou, c’est aussi le titre du roman de la guadeloupéenne Maryse Condé), mais aussi pour promouvoir l’économie locale, grâce aux touristes.

À l’époque Ségou (240 km au Nord-est de Bamako, l’actuelle capitale du Mali), ancienne capitale du royaume des Bambara fondée par Biton Coulibaly au XVIII e siècle, reste une ville des pêcheurs endormie sur la route vers le nord, vers Mopti et Tombouctou.

Vif succès

Dès son lancement, ce festival remporte un vif succès, auprès du public. Parfois jusqu’à 50 000 festivaliers venus de tout le Mali pour l’événement du grand week-end.

En 2012, la révolte des Touaregs ayant secoué le pays, la vie culturelle du Mali a connu du plomb dans l’aile. Parmi les raffles de cette crise, le renommé festival au Désert à Tombouctou/Essakan s’est muté en festival itinérant-Caravane de la paix, avec le soutien et la participation du festival sur le Niger et du festival Teragalt au Maroc.  

 En 2016, le festival de Ségou a dû se plier aux ordres sécuritaires et, renoncer à son symbole : le plateau flottant.

En quelques années, Mamou Daffé a réussi à bâtir un véritable royaume culturel à Ségou. Celui-ci est constitué, notamment du Centre culturel de Koré avec un studio d’enregistrement, salle de conférence, salle d’exposition des œuvres d’art, un Institut des arts ainsi qu’une médiathèque. La fondation au Niger, construite, elle, dans un style saharo-sahelien distingué de Ségou, abrite un espace reservé à des expositions.

Ce festival accorde une place importante à la musique urbaine comme le hip-hop et le rap.

Lors d’une résidence de création en 2016, en vue de la création d'une comédie musicale, les jeunes rappeurs de la sous-région, dirigés  par les rappeurs Smokey du Burkina Faso, et le mauritanien Monza, avec la participation des rappeurs maliens Mylmo, Tal be et Gaspi, ont inventé le nouveau style musical dénommé Afro kunde hop.

Cette comédie raconte avec humour le déroulement de la crise malienne depuis 2012 et met en scène les différents protagonistes : djihadistes, missionnaires des Nations unies, ainsi que des bergers peuls, des prêtres et des femmes.

 Monza

 « On a lancé le projet de résidence Hip hop pour proposer une réponse artistique au conflit et à la crise Malienne et, pour montrer la responsabilité des artistes à pouvoir créer pour apporter l’espoir et la paix dans les cœurs des gens. », confie-t-il.

Parmi les protagonistes de la comédie, une des plus grandes voix poétiques de la scène Hip Hop malien, le courageux Master Soumy. Depuis le début de la crise, ses textes engagés en langue bamana recueillent l’adhésion des jeunes maliens épris de la paix.

 

Master Soumy

 “ Les gens ont l’habitude de chanter Nous voulons la paix, nous voulons la paix, mais en général, ils oublient que la paix requiert des préalables, à savoir expliquer profondément la crise malienne, afin que le citoyen lambda comprenne.”, explique-t-il, avant de poursuivre « Il y a de nombreux points flous sur lesquels il va falloir s’appesantir, pour la meilleure compréhension de tous. »

Malgré la situation sécuritaire sur le fil du rasoir, la programmation de cette 13ème édition du festival sur le Niger a réussi à alterner sur les podiums des artistes de renommée et des jeunes prometteurs. Salif Keita, Elida Elmeida (jeune prodige de la musique Capverdienne), Ade Bantu avec ses 13 sociétaires (nouveau porte étendard de l’Afrobeat), le Vieux Farka Touré, Aysissa de la Côte d’Ivoire, Amanar de Kidal, la compagnie du théâtre BlonBa qui a signé la création Inch Allah, tous ont fait vibrer Ségou.

La première apparition de Didier Awadi, l’un des fondateurs du rap africain francophone fut un signal fort de la résistance. Il a livré, en exclusivité, l’avant-goût de son nouvel album « Made in Africa », dont la parution est prévue en avril 2017. L’un des titres phares de cet album s’intitule « Manipulation ».

Didier Awadi

« Le titre Manipulation porte notamment sur des expériences africaines : les ONG qui viennent ici dans des buts louangeurs de lutter contre la pauvreté, les djihadistes qui disent qu’ils sont là pour la religion, les armées impérialistes qui envahissent nos Etats aux motifs de la paix. », relève-t-il.

 Pourquoi le choix du Mali ? 

« C’est important de le faire ici, au Mali, parce que c’est la terre privilégiée où se mélangent toutes sortes de manipulations, techniquement possibles et imaginables… Au Mali se concentre tous les vices, en termes de manipulations. »

 

 

Sasha Gankin

Légendes et crédits photo : 

1-Salif Keïta 2-Ade Bantu 3- Master Soumy 4-Didier Awadi

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