À la découverte de l’Italie des invisibles

Samedi 26 Novembre 2016 - 16:02

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L’université européenne de Rome organise un recensement des invisibles de la société italienne. Étonnante découverte de la vie de tous les jours !

L’idée est originale et part d’un constat simple : à côté de combien de personnes passe-t-on dans une journée sans même faire attention à qui elles sont, quelles sont leurs exigences et même quelle est leur valeur intrinsèque ou le service qu’elles rendent dans la société ? Il y en a une foule, sans doute. C’est ce qu’entend vérifier par des méthodes scientifiques de recensement l’Université européenne de Rome à partir de mardi prochain.

Des personnes qui existent mais qui pourraient aussi bien ne pas exister sans que la majorité s’en aperçoive. Des drames qui se vivent, par exemple avec les noyades de migrants en Méditerranée, mais auxquels on assiste depuis son salon télécommande en main, avec le même détachement qu’on afficherait pour un documentaire ou un évènement désincarné. Des handicapés contraints à de longs détours pour prendre un train ou monter dans un bus avec leur tricycle. Des prisonniers, enfermés et oubliés de tous comme s’ils avaient perdu toute prétention à l’humanité.

Nombreux, soutient l’Université romaine, sont ceux que notre regard condamne à la disparition et à l’oubli. Des personnes qui nous échappent, invisibles parce que vivant à la périphérie de notre regard, de notre âme et en marge de l’histoire. Qui fait attention aux prostituées des rues de Rome, chosifiées une fois pour toutes et n’ayant aucun droit à grelotter de froid ou à hurler d’abomination ? Les passants en seraient les premiers surpris. Dérangés. Qui a jamais osé regarder un malade en phase terminale dans un hôpital qui ne soit pas son parent (et encore !), alors que tout mène à les « enterrer » avant l’heure et faire place nette à notre regard ?

La liste que dresse l’université européenne de Rome est longue. Elle va du chômeur quêtant quelque pièce de monnaie pour survivre, aux sans-domicile-fixe, en passant par le drogué qui expire dans quelque encoignure de rue ou aux personnes « diverses » : race différente, habillement outrancier, vendeur à la sauvette. Ce sont, disent les chercheurs de cette université, des figures familières qu’il nous arrive de croiser dans une journée sans que cela s’imprime forcément dans notre mémoire ou nous interroge sur leur sort d’humain.

Le citadin des grandes villes, tout à leurs préoccupations légitimes s’enferment dans leur égoïsme et « deviennent des incommuniquants », soutiennent les chercheurs. Le recensement qui sera lancé mardi ne vise pas seulement à compiler chiffres et données pour alimenter d’éventuelles conférences universitaires. Il devrait déboucher sur une palette d’actions ciblées pour, à chaque situation, faire correspondre un futur possible. Comment, par exemple, un citoyen ou des institutions devraient réagir face à des détresses qui ne sont pas toujours à enfermer dans des statistiques, serait l’interpellation humaniste finale.

Lucien Mpama

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