Thembo Kash : « Il me fallait capter un geste typique de Papa Wemba »Vendredi 6 Mai 2016 - 22:15 Lorsque le dessinateur a eu la charge de créer le logo de M’zee Fula ngenge, il a pensé en faire un qui reprenne juste sa silhouette sans détails, inspiré par celui du basketteur Michael Jordan marquant son panier légendaire. Dans cette interview exclusive avec Les Dépêches de Brazzaville, il parle de la trouvaille qui lui a permis d’y parvenir. Après avoir scruté des vidéos de concert, il observe qu’après un certain nombre de chansons Papa Wemba répétait un même geste. Les Dépêches de Brazzaville : Quelles sont les circonstances de votre rencontre à Papa Wemba ? Thembo Kash : J’ai eu le temps de l’approcher vraiment en 1999 à l’époque du Festival Fula ngenge. Je faisais partie du comité d’organisation en travaillant avec Riva et Georges ainsi que Marie-Laure. Ma tâche consistait à s’occuper des créations graphiques. Il m’avait été demandé de créer un logo pour le festival. C’est à cette époque que j’ai conçu le logo officiel de Papa Wemba, le M’Zee Fula Ngenge que l’on connaît aujourd’hui. Celui où il a les deux bras levés qu’il s’est même tatoué sur le cou ou sur le bras. D.B. : Pourriez-vous nous toucher un mot sur la conception du logo, qu’elle a été sa source d’inspiration ? T.K. :Riva, Georges et Jean-Pierre Eale m’avaient sollicité à cet effet. J’avais demandé à regarder des vidéos. Pour créer un logo, j’aime bien agir de la sorte. Les idées fusent quand je suis face à des images. Ils m’ont donné plusieurs vidéos et c’est à force de les regarder que j’ai eu ma petite idée sur ce que j’allais créer. J’avais remarqué qu’en concert, après un certain nombre de chanson, il faisait le même signe. Il élevait les bras après avoir chanté. Je ne savais pas si c’était pour dire au musicien que le chant s’arrêtait là, mais il le répétait et j’avais beaucoup aimé le geste. Des fois je pausais l’image juste à ce moment-là. Je me suis dit, c’est caractéristique. Il n’y a que lui qui le fait. Si je fais un logo avec ce geste, les gens pourront le reconnaître. Mais encore, je voulais faire un logo juste avec sa silhouette sans détails, à l’instar de Jordan en train de marquer son panier légendaire. J’avais vu un documentaire sur lui où il en était question. Où de l’image, on avait juste gardé la silhouette. J’avais décidé de m’en inspirer et donc, il me fallait capter un geste typique de Papa Wemba de sorte que les gens puissent l’identifier presque tout de suite. J’avais dès lors commencé à faire des croquis. J’y ajoutais les longues vestes qu’il avait coutume de porter si bien que dans les premières esquisses il en portait. Mais comme Koffi venait de jouer au Zénith et s’était habillé avec une veste du même genre, les gens à qui je les montrais pensaient plutôt à lui. J’ai coutume de faire apprécier mon travail par d’autres yeux car il faut que les gens acquiescent c’est pour eux que je le fais et pas pour moi. J’ai repris mes dessins en observant mieux ses vêtements. J’ai aimé un pantalon bouffant avec une espèce de veste chinoise. J’ai repris le modèle que j’ai posé sur le personnage. Et quand j’ai refait les croquis quatre des cinq personnes à qui je les avais montrés ont dit tout de suite : « Bokul ! ». Ensuite j’ai un peu triché avec la posture des jambes pour que l’on voit les Timberland et penché sa tête pour que la silhouette soit plus visible parce qu’humainement ce n’était pas une position réalisable. L’on ne peut pas être de face, la tête sur le côté et les jambes écartées, logiquement, ce n’est pas possible. J’ai triché pour qu’il soit reconnaissable. Et, Riva et Georges ont apprécié sur le coup. Lui-même a aimé tout de suite, il a refait le mouvement et nous l’avons retenu pour le festival. Je me souviens aussi que Botembe avait été soumis au même exercice de création mais les organisateurs n’avaient pas été convaincus par son ouvrage. L.D.B. : Quel souvenir gardez-vous de ce rapprochement avec Papa Wemba ? T.K. : J’étais impressionné par sa simplicité. Et, l’on ne s’ennuyait pas avec lui. Il avait toujours des histoires à raconter. Il était taquin mais ce n’était jamais méchant, mais plutôt sympa. C’est l’image que j’ai gardé de lui. Et, quelques années plus tard, je suis allé le voir pour que l’on parle de la suite à donner au logo. Je l’avais appelé la veille pour le prévenir de ma visite. Il faisait chaud, il y avait une coupure d’électricité, il m’a demandé alors si nous pouvions nous mettre à l’ombre sous la paillote. Nous avions discuté simplement, c’était sympa. C’était le genre de star authentique. De ces grands esprits qui malgré qu’il fût monté très haut, il était resté très accessible. L’on avait du mal à s’imaginer que c’était le Grand Papa Wemba car c’était quelqu’un de très abordable. Après avoir discuté du logo, il a demandé notre avis sur l’album qu’il préparait et voulait intituler 100% Star. Il venait de terminer cette œuvre où il avait travaillé avec une pléiade de vedettes dont Lokua Kanza, Ray Lema et Sec Bidens. Je retiens de lui sa simplicité. Il était désarmant de simplicité. Je crois que lui-même ne réalisait pas à quel point il était devenu grand. J’étais malheureux des fois lorsque des gens qu’il a sorti de l’anonymat, sont passés par son orchestre pouvaient lui manquer de respect pour des raisons de polémiques. Banaliser son travail comme si c’était quelqu’un d’ordinaire. Mais nous mélomanes, nous savons. Les mélomanes purs jus savent qui était Papa Wemba. Et, l’hommage mondial qui lui est rendu témoigne suffisamment qu’il était grand. Des gens comme Manu Dibango qui sont montés très haut ont eu de justes mots pour parler de lui. « C’est un des musiciens africains qui ont élevé notre musique au firmament », a-t-il dit. C’est on ne peut plus vrai. Le roi est mort, vive le roi ! L.D.B. : Comment appréciez-vous l’œuvre de Papa Wemba dont vous êtes vraisemblablement un fan inconditionnel ? T.K. : C’est un artiste qui a touché avec bonheur presque tous les styles musicaux. Il pouvait faire de la rumba pure dans le genre cubain, à l’instar de Grand Kallé. Il le faisait bien. Il pouvait adopter la rumba odemba dans le style Franco ou de Tabu Ley et ça marchait. Il pouvait s’essayer au soukouss, faire du cavacha, la world avec bonheur. Je ne sais pas s’il y a de tous les musiciens qui ont travaillé au pays mis à part les Lokua Kanza et Ray Lema, un qui a fait cette musique de recherche avec brio. Il suffit d’écouter les albums Le Voyageur ou Émotion, l’on est étonné de voir que ce soit abouti. Ce n’est pas comme Every body ou Nzinzi de feu King Kester. Là on sent qu’il y a eu beaucoup de programmation et qu’il a posé ensuite sa voix. Cela se marie bien certes, mais à écouter Émotion, si tu ne connais pas Papa Wemba, tu peux croire que c’est son genre de prédilection, celui qu’il a toujours pratiqué alors que c’est un One shot. Il avait cette facilité de se couler dans toutes les formes de musique et ça marchait. Quand dans son dernier album, il chante par exemple, Africain comme toi avec la fille de Kouyaté, accompagné par la kora, il avait cette facilité de chanter dans un registre ouest africain. Mais encore, il s’intéressait à tous les arts. Il a fait ses preuves au cinéma dans les films de Mweze Ngangura. Barly lui a prêté sa plume pour raconter son histoire. Et, l’année passée, on a assisté à l’exposition de peintures qu’il a faites avec un jeune peintre, Alain. Propos recueillis par Nioni Masela Légendes et crédits photo :Photo 1 : Thembo Kash, dessinateur du logo officiel de Papa Wemba, le Mzee Fula Ngenge
Photo 2 : L’esquisse finale du logo M’Zee Fula Ngenge
Photo 3 : Le logo M’Zee Fula Ngenge tel qu’on le connaît aujourd’hui
Photo 4 : Le logo M’Zee Fula Ngenge repris sur l’album Mwalimu
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