Interview. Michelle Mupika : « Nous devons avoir nos propres initiatives pour mettre en exergue la femme africaine »

Jeudi 18 Février 2016 - 18:52

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Michelle Mupika a reçu, le 30 janvier dernier, le prix de l'action féminine pour la promotion de la culture culinaire africaine et de l’engagement social. Originaire de la RDC, Elle évolue dans le domaine de la restauration et organise des évènements. Michelle Mupika est également marraine et ambassadrice de l'ASBL Change Belgium.

Les Dépêches de Brazzaville : Quel est votre parcours académique et professionnel ?

Michèle Mupika : Je suis arrivée en Belgique à l’âge de 2 ans. Ma mère était institutrice et mon père était un homme d’affaires. Il avait neuf écoles dans différentes communes de Kinshasa. Trois de ces écoles sont encore opérationnelles actuellement. J’ai commencé par faire des études d’économie. Ensuite, je me suis découvert une fibre artistique. Je me suis donc lancée dans des études d’étalagiste et d’architecture à l’Athénée royale de Molenbeek où j’ai fini tout mon cycle. J’ai commencé à travailler dès l’âge de 15 ans en tant que monitrice des plaines de jeux. En outre, j’ai fait des photos de mode et j’ai été hôtesse dans une agence de mannequin. Cela m’a permis de m’ouvrir beaucoup de portes et d’acquérir différentes expériences. Pour payer mes études en arts, j’ai commencé à travailler dans la restauration, notamment  en tant que saisonnière à Knokke, près de la mer. J’avais une vingtaine d’années à l’époque et cela a constitué un grand tournant dans mon parcours. Les six mois que je passais à la côte belge m’ont permis de rencontrer une diversité de personnes. C’était un milieu huppé où très peu de jeunes congolaises arrivaient à s’intégrer. J’y ai bien évolué grâce notamment à la bonne éducation donnée par mes parents. J’y ai travaillé pendant treize ans pour les mêmes patrons qui m’ont accordé une grande confiance, m’ont appris beaucoup de choses et m’ont fait évoluer par rapport au métier que je voulais exercer. Ce sont mes mentors et mes grands amis aujourd'hui. Par ailleurs à 19 ans, j’ai été élue première dauphine de miss RDC Belgique. Cela m'a permis, deux ans plus tard, de rencontrer Laurent-Désiré Kabila à l’mbassade de la RDC. Ce fut un moment inoubliable...

LDB : Quel est ce métier que vous vouliez exercer ? le pratiquez-vous aujourd’hui ?

MM : J’ai intégré mon métier de base dans mon deuxième métier. Ma formation d’étalagiste a suscité en moi l’amour de la création et de la structuration des objets. Je l’ai donc intégré dans mon métier actuel qui est celui de l’Horeca. Je mets un point d’honneur à ce que l’assiette que je sers soit bien présenté. Toute la décoration de mon premier restaurant a été faite par moi-même. J’ai donc pu intégrer deux métiers en un. Cette première aventure dans la restauration a été riche en expériences. À cette époque, il était rare de voir une jeune femme d’une trentaine d’années se lancer en tant qu’indépendante dans un quartier d’affaires et où je proposais une carte de cuisine fusion intégrant la cuisine africaine. Beaucoup de mes clients n’avaient pas encore goûté à ce type de cuisine. Je voulais être une ambassadrice de la cuisine africaine, de manière avant-gardiste, en la mélangeant avec d’autres styles culinaires.

LDB : Que représente pour vous le prix de l’action féminine de l’Union des femmes africaines qui vous a été remis le 30 janvier dernier ?

MM : ce prix m’honore et je suis fière de cette reconnaissance de la valeur de la femme africaine. Recevoir ce prix équivaut à un encouragement. Je suis encore plus honorée de le recevoir par rapport à mon travail en faveur de la jeunesse africaine qui constitue l’avenir de l’Afrique, même si nous évoluons en Belgique. Nous devons avoir nos propres initiatives pour mettre en exergue la femme africaine et pour nous encourager mutuellement. Nous devons arrêter d’attendre que l’on fasse les choses pour nous. Ce prix est une preuve que nous sommes en train de changer et d’évoluer.

LDB : Vous avez également reçu ce prix parce que vous êtes la marraine de l’ASBL « Change Belgium ».  En quoi consiste les activités de cette ASBL et en quoi consiste votre rôle de marraine?

MM : C’est une ASBL qui a pour vocation de soutenir la jeunesse africaine en général et congolaise en particulier, et de la promouvoir à travers l’éducation et le savoir. L’ASBL organise des conférences ainsi que beaucoup d’activités et de manifestations. L’objectif est de donner une image positive de la jeunesse de la diaspora africaine. Les membres de « Change » ont pris conscience que les jeunes africains en Belgique ont besoin d’avoir des bases solides par rapport à leur identité, à leurs cultures d’origine ainsi qu’à certaines valeurs. Ils organisent ainsi des conférences pour faire connaître à ces jeunes l’histoire de leur pays ainsi que les figures historiques, comme Patrie Lumumba, qui ont marqué l’histoire de ce pays. Change est une association panafricaniste. C’est l’une des ASBL dont l’évolution est rapide parce que ses membres font un énorme travail. L’année dernière, ils ont organisé quarante évènements. Ce qui est énorme pour une ASBL. Ils croient en ce qu’ils font et sont dynamiques. Le slogan de Change est « Le changement commence par nous-mêmes ». Ce changement doit commencer par la jeunesse. Cette dernière se bat,  a des convictions, s’instruit et, par conséquent, devient de plus en plus fort. C’est une jeunesse qui peut changer les choses. C’est pour ça que mon rôle de marraine me tient à cœur. Je suis leur ambassadrice et je les fais connaître dans différents milieux. Je mets mes différents contacts au service de la cause de cette jeune ASBL afin qu’elle bénéficie d’un soutien global.

LDB : Quels sont vos projets en faveur des femmes et des jeunes ?

MM : Je suis une des fondatrices de l’ASBL « Le temps d’M » qui va être lancée bientôt. Il porte le même nom que mon premier restaurant. Ce qui a une grande signification. L’ASBL travaillera à la visibilité de la femme africaine. Le Temps d’M est un résumé, un fil conducteur de tout le travail que je fais. Il créera un pont entre différentes cultures et différents milieux qui n’ont jamais l’occasion de se rencontrer.  Caroline Mupika, la présidente de l’ASBL travaille dans le domaine médical. C’est pour cela que la santé fait aussi partie de nos domaines d’action. Néanmoins, le Temps d’M s’impliquera dans toutes les causes qui me tiennent à cœur, notamment celles des femmes et des jeunes. 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Michelle Mupika

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