Photographie : exposition sur la dernière génération de personnes scarifiées

Vendredi 23 Octobre 2015 - 22:05

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La photographe ivoirienne présente la série Hâabré dans le cadre de l’exposition Photoquai 2015, à Paris.

Hâabré signifie à la fois écriture et scarification en langue ko, parlée au Burkina Faso. Joana Choumali s’est intéressée à la scarification telle que pratiquée en Afrique de l’Ouest, le plus souvent dans les villages, et aujourd’hui portée par ceux que beaucoup voient comme la dernière génération. La photographe a fait poser en studio et sur des fonds neutres des hommes et des femmes de plus de quarante ans, aux visages marqués. Entre honte et fierté, ils racontent leur rapport à ces cicatrices indélébiles.

Ce qui appartient au passé

La scarification a une fonction de reconnaissance pour des personnes d’un même village ou d’une même culture. «Ces incisions faites sur la peau servaient en quelque sorte de carte d’identité sociale », rappelle la photographe sur le site de Photoquai. Joana Choumali est partie du constat que, enfant, elle avait l’habitude de croiser des personnes scarifiées. C’était il y a trente ans et aujourd’hui, il y en a de moins en moins. « J’ai eu envie de savoir ce que l’on ressentait aujourd’hui dans une ville comme Abidjan d’un point de vue contemporain et urbain, quand on a des scarifications sur le visage. », explique-t-elle face caméra. On parle ici de scarifications sociales, fréquemment témoins du passage à l’âge adulte ou d’un rattachement spirituel, un héritage identitaire.

Aujourd’hui, la tradition recule et beaucoup de pays interdisent la pratique, dont le Burkina Faso d’où sont originaires la plupart des modèles de Joana Choumali. Ceux-ci racontent le rapport entretenu avec leurs marques, aujourd’hui parfois rejetées ou signatures d’un clivage important entre la ville et les milieux ruraux. Mien Guemi, peintre, d’Ouro Bono au Burkina Faso confie à la photographe "J'étais un enfant, mais je me souviens encore des blessures. Si vous n'en aviez pas, vos amis se moquaient de vous et vous ignoraient. En période de guerre, les tribus Mossis et Ko se reconnaissaient, et ainsi évitaient de s'entre-tuer. Pas besoin de carte d'identité, je porte déjà mon identité sur mon visage. Mais aujourd'hui c'est terminé. On ne peut plus être reconnus"

Avec ce sujet, Joana Choumali soulève la question des traditions, sur un continent tiraillé entre un passé fort et le futur : « Cette dernière génération de personnes scarifiées incarne toute la complexité de l’identité africaine », avec une tradition profondément ancrée mais aussi de plus en plus façonnée par les autorités, « modernisation » invoquée.

 

 

 

Morgane de Capèle

Légendes et crédits photo : 

Crédits photo: Joana Choumali

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