Interview. Adama Dahico : « Il faut réfléchir pour dire des choses bêtes »

Lundi 21 Septembre 2015 - 16:45

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L’humoriste ivoirien auquel Kinshasa s’est familiarisé à la faveur du Festival international d’humour Toseka, dont il n’a pas manqué une seule édition, n’est plus à présenter. Lors de la troisième qui s’est tenue du 26 au 30 août dernier au Théâtre de Verdure, il a donné une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville où il parle, entre autres, de son art.

 

 Adama Dahico sur la scène de Toseka 3Les Dépêches de Brazzaville : Peut-on dire qu’entre vous et le public congolais, il s’est finalement créé une histoire  ?

Adama Dahico  : Nous sommes des combattants. Nous avons compris très tôt qu’il faut se battre, s’imposer et aussi respecter le public qui est notre premier sponsor et partenaire. Tout le monde peut vous lâcher mais lui ne vous lâchera pas. En venant ici, de la première à la troisième édition, je savais que j’allais rencontrer des gens qui m’avaient déjà vu en prestation mais aussi me faire découvrir par d’autres personnes. Je me mets au travail de sorte à toujours mériter la confiance des gens. Ainsi, l’on te voit une fois, c’est bon, la deuxième, c’est pas mal et la troisième fois, Ok, on est convaincu et rassuré. Ainsi, à part le festival lorsque vous viendrez pour un spectacle personnel, les gens n’auront aucun mal à venir y assister en souvenir des prestations passées. C’est dans cet esprit-là que nous venons au festival. Chez nous, il n’y a pas de petite scène, pas de petit festival ni de petit spectacle. Nous donnons au public le respect qu’il mérite, c’est-à-dire faire proprement ce que nous devons faire.

LDB : De retour de Kinshasa, est-ce que votre passage à Toseka a un impact sur votre travail par la suite  ?

AD : Oui, tout à fait. Un festival c’est une école, un rendez-vous du donner et du recevoir. Il y a beaucoup de jeunes aujourd’hui qui veulent faire de l’humour un métier. A l’époque cela n’existait pas, quand bien même ils en avaient les qualités, ils n’osaient pas. Quand ils voient certaines expériences sur scène ou partagent la scène avec certaines personnalités de renom dont ils ont entendu parler depuis leur bas-âge, moi j’ai vingt-sept ans de carrière. Donc, lorsque je commençais, il y en a certains qui n’étaient pas encore nés mais qui à ce jour partagent la scène avec moi. Donc, ils ont de l’émotion, des repères et des références et ont l’espoir de voir, comme moi, les choses évoluer. Nous faisons un métier où nous devons nous remettre perpétuellement en cause. Et à la vue des autres, nous remarquons certaines choses, d’autres genres, d’autres postures, nous notons que ceci est bien, pas mal. Et, au moment d’écrire d’autres spectacles, nous avons plus d’idées. Quand les autres nous voient jouer, ils se disent, tiens, c’est comme cela que les Ivoiriens font de l’humour ! Parce que, je ne vous dis pas, la manière dont la musique congolaise a colonisé l’Afrique avec la rumba et le reste, c’est de la même façon que l’humour ivoirien est en train de faire son chemin. Et chacun a envie de faire un peu comme les Ivoiriens et, donc, il y a une certaine pression sur nous. Nous ne devons pas décevoir. Les premiers ne doivent pas devenir les derniers. L’on aimerait que tout le monde ait la moyenne pour passer. Nous défendons en même temps notre titre de champions d’Afrique à la CAN et en même temps en humour, voilà.

LDB : Être humoriste, ce n’est pas pratiquer un métier au hasard…  ?

AD : Nous sommes jeunes mais nous avons une très bonne expérience de comédien et d’acteur. Nous avons écrit des livres, mais cela ne suffit pas. À chaque fois que l’on doit monter sur scène, les cinq premières aux dix premières secondes vous font oublier votre parcours artistique, c’est-à-dire que l’exercice n’est pas facile. Il faut de la concentration et de la conscience professionnelle. Il faudrait que l’on sache que c’est quelqu’un qui a la maîtrise de son métier qui en parle. Beaucoup de gens pratiquent leur métier sans trop savoir ce qu’il en coûte. Il y a la formation et l’information. Nous donnons de l’enseignement mais dans l’enseignement, il faut donner des renseignements. Nous devons être généreux dans l’âme et dans l’effort. Un jeune humoriste va lire cet article et se dire : « Là, j’ai l’impression qu’Adama s’adresse à moi ». Nous encourageons ceux qui ont du talent à venir. Un métier bien fait permet de gagner sa vie. Je ne dis pas que j’ai tout. Mais mes enfants et  ma famille préservent leur dignité parce que j’ai un travail qui me permet de vivre, c’est le plus important.

LDB : L’humour est-ce un métier qui nourrit son homme alors ?

AD : Mais oui, attends ! Vingt-sept ans dedans et j’étais candidat à l'élection présidentielle ! Cela veut dire que c’est un métier noble. Et puis, si tu n’es pas intelligent, il ne faut pas faire de l’humour. Sinon tu seras humilié un jour devant un public. C’est un travail qui ne peut pas être fait si l’on n’est pas intelligent. Il faut réfléchir pour dire des choses bêtes.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Adama Dahico sur la scène de Toseka 3

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