Rencontres photographiques d’Arles : le noir et blanc à l'honneur

Jeudi 18 Juillet 2013 - 17:30

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Arles in Black présente près de cinquante expositions dans toute la ville jusqu’au 22 septembre 2013. Voici notre sélection

TransitionCap sur l'Afrique du Sud

L’exposition Transition, paysages d’une société est le fruit d’une mission photographique sur le thème du paysage social en Afrique du Sud produite par les Rencontres d’Arles et le Market Photo Workshop dans le cadre de la saison de l’Afrique du Sud en France. Douze photographes, six Sud-Africains (Santu Mofokeng, Pieter Hugo, Zanele Muholi, Cedric Nunn, Jo Ractliffe, Thabiso Sekgala) et six Français (Patrick Tournebœuf, Alain Willaume, Raphaël Dallaporta, Harry Gruyaert, Philippe Chancel, Thibaut Cuisset) ont travaillé en binôme sur ce projet. Selon les commissaires de l’exposition François Hébel et John Fleetwood, il s’agissait de « susciter des discussions afin de montrer combien il est difficile d'interpréter un lieu, un espace, une appartenance ».

Thabiso SekgalaEn effet, en Afrique du Sud, les problèmes liés à la terre sont indissociables des discriminations raciales et de l’histoire de l’apartheid, comme le démontre le Land Act de 1913, loi qui visait à restreindre l’accès aux terres pour les Noirs d’Afrique du Sud. La mission avait pour but d’étudier le paysage et la population par le biais de la photographie, des lieux significatifs ont donc été choisis comme point de départ à cette réflexion. Thabiso Sekgala et Philippe Chancel ont par exemple travaillé dans les régions minières de Brits, Marikana et Rustenburg lors des grèves des mineurs à Marikana qui ont connu une répression policière violente en août 2012. Les images constituent un récit qui porte la trace de l’histoire mais aussi celle de la transition et de l’avenir.

Pieter Hugo

Pieter Hugo

Né en 1976 à Johannesburg, Pieter Hugo, grande figure de la photographie sud-africaine contemporaine, vit aujourd’hui au Cap. Sa série exposée à Arles There’s a place in hell for me and my friends présente des portraits resserrés de ses proches et de lui-même. Il utilise un processus numérique qui lui permet de manipuler les canaux de couleurs et ainsi transformer les images couleur en noir et blanc et en faisant ressortir la mélanine de la peau de ses sujets. On voit apparaitre tâches et brûlures dues au soleil, à l’opposé des canons de beauté actuels et rendant obsolète la distinction raciale basée sur la couleur de la peau. « Ce qui nous divise à la surface est en réalité quelque chose que nous partageons tous », remarque le critique Aaron Schuman.

« Les Afronautes »

Afronautes

Cristina de Middel, photojournaliste espagnole et lauréate 2012 du Photo Folio Review, expose son projet intitulé Les Afronautes au cloître Saint-Trophime. Une fois indépendante, la Zambie se lance en 1964 dans un programme spatial destiné à envoyer le premier Africain sur la lune, rejoignant les États-Unis et l'Union Soviétique dans la course à l'espace. Malheureusement, l'aide financière n’arrive jamais et le projet reste à l'état de rêve. Cristina de Middel s’en est inspirée pour créer cette série de photos : elle a créé et mis en scène des personnages, des situations, des costumes, sans n’avoir jamais été en Zambie. Le résultat est onirique, plein d’humour et de poésie.

Alfredo Jaar

Artiste chilien, architecte de formation, Alfredo Jaar est connu pour ses installations photographiques. Il travaille sur l’image et en fait le pilier de son œuvre aux accents politiques. Son installation La Politique des images, présentée dans l'église des Frères-Prêcheurs, l’illustre bien. Alfredo Jaar explique : « Aucune image n'est innocente, chacune porte en elle une vision du monde. » En alignant sur un mur les unes du magazine Life et en mettant en exergue les seules consacrées à l'Afrique, dédiées aux animaux sauvages, au sida ou à la famine, il montre la vision de l’Afrique par les médias occidentaux.

L’utilisation de la photographie dans les médias est interrogée : le trop-plein d’images actuel fait qu’on ne sait plus les regarder. L’installation Real Pictures consacrée au génocide rwandais va dans ce sens car des boîtes noires contenant des photos que l’on ne voit pas mais qui nous sont décrites sont assemblées au sol. Ces descriptions freinent l’envie de les voir par leur atrocité et également par la force de l’imagination.

Une des pièces les plus fortes de l’installation concerne enfin la photographie prise par Kevin Cartner d’une petite fille soudanaise affamée en 1993. Cette photographie avait alors fait le tour du monde, entraînant le suicide du photographe, accusé de n’avoir rien fait pour sauver la petite fille. Dans une pièce noire, son histoire nous est racontée par bribes de textes et illustre bien la complexité du travail du photographe.

Plus d’informations sur Rencontres-arles.com

Pauline Pétesch

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : « Transitions, paysage d'une société ». (© Adiac-PP) ; Photo 2 : Thabiso Sekgala. (© DR) ; Photo 3 : Pieter Hugo. (© DR) ; Photo 4 : « Les Afronautes ». © Adiac-PP