Interview: Leslynna Bery, une figure culturelle polyvalente et engagéeVendredi 30 Mars 2018 - 19:29 L'artiste comédienne, conteuse, réalisatrice scénariste, écrivaine et promotrice de la soirée culturelle « Bimoko » est une grande passionnée de la culture. Dans un entretien exclusif, elle nous fait part des raisons de son activisme littéraire et artistique. Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Qu’est-ce qui vous a motivé à embrasser les métiers d'écrivaine et de scène ? Pourquoi cette pluridisciplinarité ? Leslynna Bery (L.B.) :Oulala, questions difficiles... Je m’étais inscrite, en janvier 2011, à un atelier d’écriture que dirigeait une Française, Mme Daniel Ange, à l’Alliance française d’Accra, au Ghana. Et je me souviens que c’est en février qu’est survenu le déclic suite à une histoire vécue. Un jour, rendant visite à un ami Congolais que j’avais aidé à se loger (il m’appelait souvent lorsqu’il avait des difficultés à se situer dans un endroit à Accra et je venais à la rescousse, je le faisais en tant qu’amie d’enfance), il a voulu abuser de moi, à mon grand étonnement. J’étais tellement choquée et scandalisée que c’est ma grande gueule qui m’a sauvée. J’étais très enragée, révoltée que je me suis mise à écrire, très inspirée jusqu’au petit matin. J’étais comme en transe, les mots coulaient comme si j’étais en atelier d’écriture. Je laissais courir mon imagination, ce livre, je l’ai écrit avec mes larmes et je pense avoir su dénoncer ce que certaines jeunes filles malchanceuses vivent et gardent dans leur cœur, sans avoir la force ni le courage de dire stop. J’ai eu de la chance, je n’ai pas été touchée physiquement mais psychologiquement. Oui, parce que je me posais sans cesse la question de savoir pourquoi la gente masculine pense que la femme n’est qu’un objet sexuel et qu’il n’y a réellement pas de véritable amitié entre homme et femme. Voilà le déclencheur de mon écriture, et depuis, j’écris, je ne m’arrête pas, je ne suis pas une écrivaine qui écrit pour le plaisir d’écrire, mais plutôt parce que j’ai des choses à dénoncer, hommes et femmes me consultent, parce qu’ils veulent que j’écrive sur eux. Et j’écris aussi, parce que j’ai grandi auprès d’un père écrivain qui, à chaque fois que je constatais qu’il écrivait quelque chose de nouveau, une pièce de théâtre, un roman, etc., j’attendais qu’il parte travailler pour lire ses manuscrits, et ensuite, donner mon avis. Toute ma vie, mon père a été mon modèle, je voulais lui ressembler et emprunter la même voie de la littérature. C’est ce que j’ai finalement fait. Pour devenir comédienne, j’ai été marquée par les prestations de Célestin Mokono, alias Kauset, qui faisait partie de l’Odyssée théâtre, un groupe fondé par mon père. Voilà que je commençais mes premiers pas en 1996, à l’âge de 12 ans, avec comme formatrice Isabelle Dessources, à l’Institut français du Congo de Brazzaville, ex-CCF. Depuis, je vais de formation en formation, telle que metteure en scène en ayant approfondi ma formation de 2009 à 2011 auprès de Don Ziggi, un Ghanéen, pendant mes études au Ghana. Le métier de conteuse, je l'ai appris pendant la caravane de conte au Togo, en 2012, avec Dr Massamba Gueye. En 2013, j’ai collaboré au festival Mantsina sur scène. C’est précisément, en août 2017, que je suis entrée dans le monde des écrivains en publiant mon premier roman aux Editions Edilivre, livre vendu en France. La même année, j’ai reçu la formation de scénariste réalisatrice. Ce qui me motive chaque fois à être pluridisciplinaire, c’est que, lorsqu’on est bien outillé dans plusieurs domaines, on a plus de possibilités d'élargir son audience. L.D.B. :De quoi parle-t-on dans vos livres? L.D.B. : J’ai déjà deux ouvrages publiés chez Edilivre, "Le rêve têtu de Mapinda", une pièce de théâtre éditée en novembre 2017, qui a été préfacée par un ami artiste écrivain, conteur et metteur en scène camerounais, Guillome Ekoume. Cette pièce parle d’une jeune fille qui rêve de l’Europe mais qui atterrit au Ghana et se fait arrêter à cause de la cupidité d’un jeune Togolais. Puis, "Le prix de la vengeance", édité en août 2017, raconte l’histoire d’une jeune fille de 16 ans. Appelée Christine Diomi Lakifa, elle avait tout pour réussir, mais ayant été violée par trois hommes, elle finit par sombrer dans la folie. Elle eut finalement la chance de changer de pays pour entrer dans un centre psychiatrique où elle rencontre Catherine, une jeune fille blanche qui devient sa meilleure amie et réussit à la sortir de la dépression. C’est lorsqu’elle apprend que sa fille Princesse a failli être abusée qu’elle décide d’aller dans un pays appelé Domey. Là-bas, elle apprit le vaudou, commença sa vengeance et la course contre la montre, car elle n’avait que deux ans pour retrouver ses violeurs et venger toutes les femmes de la terre. L.D.B. : Et vos plus beaux souvenirs d’artiste ? L.B. : Mes plus beaux souvenirs dans ma vie d’artiste, c’est lorsque j’ai travaillé avec des artistes ghanéens et nigériens car j’ai pu être actrice dans un film qui avait comme réalisatrice Leila Djansi. Ce qui a déclenché mon envie d'être également réalisatrice. L.D.B. : Que cherchez-vous à transmettre à travers l’art et la plume ? L.B.: A travers l’art, je cherche à faire renaître nos cultures et traditions ancestrales qui semblent être oubliées au profit de la mondialisation et de la technologie. C’est pourquoi j’ai initié la soirée culturelle "Bimoko" pour revaloriser la culture congolaise. Je veux que les générations futures n’oublient pas d’où elles viennent et qu’elles respectent leur culture. En écrivant, je veux dénoncer tout ce qui se passe comme travers dans le monde et que l’on peint avec humour. Mes écrits sont très crus, je parle des histoires que j'ai vécues, celles de mes amies ou simplement celles entendues et je laisse mon imagination faire le reste. Je ne laisse pas le personnage principal s’en tirer facilement car dans la vie, tout a un prix. L.D.B. :Un mot à l'endroit des filles qui hésitent de s’engager dans l’écriture ou dans les arts? L.B. : A ses filles, je dirai simplement foncez ! On a besoin, dans notre pays, des femmes qui se démarquent de leur statut de femme, proposent des choses qui émancipent et les rendent responsables et actrices du devenir de la société congolaise. L.D.B. Quels sont vos projets ? L.B. : J’en ai beaucoup dans ma tête comme des petits lutins ne demandant qu’à sortir. Pour le moment, côté écriture, je suis sur trois livres, deux pièces de théâtre, "L’enfant baoulé" et "Je suis tienne", ainsi qu'un recueil de nouvelles "Raconte à lynna". Ils seront édités en plusieurs tomes, le genre d'Anzata Ouattara ou Isaïe Biton Coulibaly. Mais l'un des projets qui me tient vraiment à cœur, c'est d'agrandir le Bimoko, de soirée culturelle en festival international… Propos recueillis par Aubin Banzouzi Légendes et crédits photo :Leslynna Bery lors de l'entretien avec Les Dépêches de Brazzaville Notification:Non |