Feuilleton : Samba De Dieu(8)Samedi 10 Mars 2018 - 10:49 Ainsi que nous avons vu à l’épisode précédent, des paroles en trop prononcées par le boucher du coin ont fait renoncer Samba DD à la consommation de viande. ça ne s’est pas passé aussi tranquillement que je le dis : c’est un swing bien appliqué qui a mis fin aux commérages du boucher, et conduit notre cordonnier à la préférence, moins sanguinolente, du poisson. Mais sa prospérité, ainsi que nous le voyons dans cet épisode, … prospérait. ------------------ Je ne m’étendrai plus sur la publicité faite autour du modeste atelier de Samba DD par des événements auxquels il ne participa vraiment pas ainsi qu’on a vu. Je parle d’atelier, mais vous ai-je seulement dit qu’en fait, il s’agissait d’une structure des plus sommaires ? C’est un jour que notre sabotier eut l’idée de dédier sa vie à la chaussure, par hasard, sans trop réfléchir qu’il vint explorer les environs du Marché Total. Et fixer son point d’ancrage à l’angle d’une école professionnelle et du carré des légumes. Il y planta quatre pieux, se débrouilla pour trouver des tôles pas trop dépareillées : il s’en servit pour monter les parois. Et se coula à l’intérieur : l’atelier. Chaleur garantie ! C’est lui-même qui choisit la planche et les couleurs de son enseigne. Il y coucha la proclamation sociale qu’on a vue dans les lignes précédentes et qui devait déchaîner l’ire des analphabètes niais qu’on sait, laissant sur le fronton de l’atelier une proclamation qui faillit déranger la sieste des ecclésiastiques ! Comme une semaine après son implantation, personne ne vint lui demander des comptes: il en fit donc aussi bien l’adresse officielle de sa société ; le principal atelier et les bureaux de facturation, à la manière de chez nous. Pas de registre à signer, de comptes à rendre ; pas de quittance de loyer ni de permis d’occuper. La terre est à nous et nous en prenons soin dans le coin où nous décidons de nous établir. L’Etat ? C’est qui, ça ? Et puis où l’Etat trouvera-t-il le temps de venir s’abaisser sur un atelier de cordonnier lorsque les affaires pressantes de la nation, par ailleurs énumérées en infra, appellent une réponse urgente ailleurs ? Que pèsent des souliers élimés devant les manœuvres budgétaires du gouvernement, les séances d’interrogation publiques à l’assemblée? L’affaire se passa donc comme si de rien n’avait été. Et Samba DD prospéra dans les limites de son lieu d’exercice. Son talent déborda ; son application et son mutisme finirent par faire du bruit. Des gens vinrent de loin pour faire diagnostiquer les difformités les plus incroyables de leurs bottes crottées ; faire ressemeler jusqu’à des pantoufles de jute. A tous, l’artisan artiste jetait le même regard perplexe, examinait la pièce de musée proposée à la survie, puis décrétait : « c’est 3000F ». Et pas question de discuter ou de marchander. Ce qu’il disait ne se discutait pas. Qui payait trop devait attendre son reste. D’ailleurs, par un curieux instinct chez tous (à moins que le bruit de la rumeur ait fini par préparer l’état psychologique des clients et disposer leurs poches à une douloureuse que tous jugeaient normale somme toute ), personne ne trouvait à redire au résultat final ni à la facture. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Voire ! Il arrivait que le cordonnier silencieux se fasse mal comprendre et que son profond respect du métier de la chaussure passe pour un dédain de délicat. Surtout lorsqu’il repoussait un soulier trop fatigué vers son propriétaire. Il est en effet arrivé que celui-ci en conçoive quelque rancœur et aille se répandre en propos acrimonieux. Du genre : « Mais pour qui, il se prend, ce bout d’homme de rien? N’a-t-il pas vu que ce soulier, de très belle facture, fut porté par grand-père au mariage de maman ? » Des propos de ce genre, mais rien de bien méchant en somme. Ca râle ; ça ne mord pas chez nous. La semaine prochaine, nous verrons comment Samba DD va, malgré lui, lancer une mode qui fera fureur. Comme tout chez lui, ce sont les événements qui viendront vers lui et non le contraire, surtout lorsqu’il s’agit de chaussure. A suivre.
Par Lucien Mpama Notification:Non |