Les écrivains revisitent les soixante ans de la littérature congolaiseVendredi 13 Décembre 2013 - 18:39 Deux conférences-débats animées par les écrivains Aimé Eyengué et Georges Mavouba Sokate sur la littérature congolaise ont ouvert, ce 13 décembre, à l’Institut français du Congo à Pointe-Noire, les festivités marquant les soixante ans de la littérature congolaise Dans sa communication, Aimé Eyengué a brossé un panorama des regards pluriels des auteurs congolais, des origines aux nouvelles générations, sans omettre la force de leur créativité. Miroir de la société, terroir des civilisations, la littérature est le reflet de nos sentiments, a-t-il dit. La création en littérature est un acte individuel « une créativité qui voyage au travers des frontières du Congo », a-t-il souligné, estimant que les hommes de lettres ont plus changé le cours de l’histoire que les hommes politiques. Aimé Eyengué subdivise les temps forts de littérature congolaise en cinq moments : le lever du soleil littéraire congolais avec Cœur d’Aryenne, la première œuvre congolaise écrite par Jean Malonga en 1948 et publiée en 1953. Cette période, censée bâtir le pont entre le Nord et le Sud, est marquée par la prédominance de la dimension du bien et du mal dans les différentes œuvres. Le deuxième temps fort fait le bilan socio-historique du pays, avec la réminiscence de l’époque coloniale et l’évocation des temps ancestraux dans Epitomé, À Triche cœur, Le mauvais sang de Tchicaya Utam’si. Une littérature engagée qui va accompagner le mouvement de la négritude. Le troisième temps fort est le tendre retour sur la terre de l’intelligentsia congolaise. « Pendant cette période, on est confronté aux dures réalités des mentalités. Jean Baptiste Tati Loutard, Henri Lopes, Emmanuel Dongala-Boudzeki, Maxime Ndebeka, Marie Léontine Tsibinda, Sony Labou Tansi sont les porte-étendard. » Le quatrième temps marque le changement des régimes politiques avec l’effondrement du marxisme-léninisme et l’ouverture vers la démocratie, qui laisse entrevoir des lueurs vite déçues par le chômage. La boisson, la religion, la sape semblent constituer le refuge au désespoir. Alain Mabanckou s’illustre par sa plume acérée au cours de cette période. C’est le temps de la littérature de l’exil. Le cinquième temps est le temps des nouvelles thématiques avec la mondialisation et la globalisation. Selon Aimé Eyengué, l’écriture congolaise accorde une place non négligeable au fantastique. L’humour, qui manifeste une joie de vivre, est aussi omniprésent tout comme les proverbes, les paraboles et les expressions et noms typiquement congolais. Georges Mavouba Sokate, écrivain et enseignant d’anglais à la retraite, a développé le thème de l’ésotérisme dans le roman congolais, des origines à nos jours. Quatre écrivains — Jean Malonga, le patriarche, dans La légende de Mfumu ma Mazono, Emmanuel Dongla-Bounzeki dans Le feu des origines, Alain Mabanckou dans Mémoires de porc-épic et Georges Mavouba Sokate dans De la bouche de ma mère — traitent ce thème ancré dans la réalité congolaise. Réfutant le hasard, les Congolais font tomber le jugement rationnel face aux épreuves de la vie, explique-t-il. Pour Sokate, l’ésotérisme dans l’environnement sociologique congolais est une réalité. C’est une recherche pour chercher à comprendre ce qui se cache derrière chaque idée. L’initiation, la croyance aux forces surnaturelles, au Nganga, l’expert de la connaissance des sciences ésotériques, ont une prédominance dans l’univers social qui reconnaît le doublement astral, la croyance (la réincarnation), le symbolisme (porc-épic chez Mabanckou)… Le langage approprié (avoir quatre yeux, bouffer quelqu’un, le chef du village ne voit pas le diable) n’est pas seulement un attrait vers le néologisme, mais une affirmation vers l’explication irrationnelle des choses et des phénomènes. La littérature congolaise à travers les âges a toujours été marquée par la créativité, l’inventivité. De Jean Malonga, le patriarche, à Huppert Malanda, jeune auteur, la fascination pour la littérature congolaise a franchi les frontières du Congo, un pays qui s’illustre par l’abondance des œuvres littéraires, la renommée de ses écrivains et les prix et distinctions reçus par eux. Hervé Brice Mampouya Légendes et crédits photo : Henri Djombo, président de l'Union nationale des écrivains et artistes congolais, entouré des écrivains Aimé Eyengué et Sokate Mavouba (© Adiac). |