Interview. Me Grégoire Bakandeja : « Je suis contre l’injustice des grands »

Mercredi 16 Novembre 2016 - 17:54

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Avocat de Barly Baruti dans le procès en appel de l’affaire Tembo qui l’oppose à Bracongo, l’homme de droit s’insurge contre les multinationales qui, soutient-il, « écrasent les faibles, pillent les œuvres de l’esprit ». Dans cet entretien exclusif accordé aux Dépêches de Brazzaville, Me Grégoire Bakandeja fait savoir aussi qu’il va amorcer sa plaidoirie ce 17 novembre à la Cour d’appel de Kinshasa/Matete à Limete 4e rue.

Me Grégoire BakandejaLes Dépêches de Brazzaville : Qu’en est-il exactement de l’affaire Tembo, le fameux procès qui oppose l’artiste Barly Baruti à Bracongo  ?

Grégoire Bakandeja  : C’est une question de respect de droit. Barly Baruti est un artiste connu qui a réalisé une œuvre de l’esprit en dessinant la tête d’éléphant qui est introduit dans le logo Tembo. Pendant qu’il était en relation d’affaires avec l’une des deux sociétés du Groupe Castel, la Brasimba, il a reçu commande de ce logo. Il a travaillé dessus. Après un temps, il y a eu changement de direction, à son arrivée, le nouveau directeur a balayé toute la cour. Et lorsque Barly Baruti a réclamé ses droits pour le travail réalisé qui était désormais exploité diversement, la direction a refusé rétorquant qu’elle a déjà enregistré ce produit-là et obtenu un brevet. Et la Brasimba qui est une filiale du Groupe Castel comme Bracongo, l’a cédé à cette dernière. C’est ainsi que Bracongo a commencé à utiliser ce logo à Kinshasa dans la vente de la bière Tembo.

L.D.B. : C’est donc une question de droit d’auteur qui oppose les deux parties  ?

G.B. : Oui, mais le problème qui se pose ici c’est de savoir si les droits d’auteurs doivent être enregistrés au ministère de l’Industrie pour obtenir un brevet. Moi, je dis non. Car les droits d’auteurs font partie des œuvres de l’esprit, c’est la propriété intellectuelle. Et donc, ces droits, pour qu’ils soient protégés, il faut que l’inventeur les fasse enregistrer au ministère de la Culture et Arts à travers la Soneca qui est devenu aujourd’hui la Socoda et non pas au ministère de l’Industrie afin qu’on lui délivre un brevet d’invention. C’est une procédure simple, mais au niveau du tribunal, il y a eu confusion de la part du juge. On s’est basé sur le fait que Bracongo a reçu une cession de la part de la Brasimba et donc, Barly Baruti n’a pas de droits sur ce logo pour ne l’avoir pas fait enregistrer. Or, Baruti n’est pas une société, une personne morale. Ce sont les sociétés qui font inscrire leurs droits au ministère de l’Industrie qui délivre un brevet. J’ai été moi-même ministre de l’Industrie, donc je connais la procédure. Ainsi, l’œuvre qui a été accomplie par le premier juge n’a pas considéré tout cela prétextant qu’il n’y a pas de contrat. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir de contrat écrit alors qu’il y a des éléments de preuve de son existence. Quand il y a eu commande et paiement, le contrat est fait. Il n’est alors pas nécessaire d’avoir un contrat signé en bonne et due forme. Le contrat existe car ces relations d’affaires sont établies et connues. Voilà pourquoi j’ai décidé de l’appuyer au second degré. Moi, je suis contre l’injustice des grands comme les multinationales qui écrasent les faibles, pillent les œuvres de l’esprit.

L.D.B. : À vous entendre, vous accompagnez Barly Baruti dans son combat parce que c’est un artiste…

G.B. : Mais, en dehors des Congolais, tous les artistes du monde sont riches et les sponsors les respectent. Il n’y a qu’au Congo où l’on vous donne deux dollars pour dessiner quelque chose. Et le gars qui prend votre dessin gagne des millions. Si l’on doit compter le nombre de bouteilles qui ont été fabriquées depuis que le logo conçu par Barly Baruti est utilisé par la Bracongo, c’est des milliers et des milliers de dollars. Entre-temps, on ne reconnaît pas les droits des faibles, c’est la raison pour laquelle je me bats. Je me bats contre cette façon de faire. Les droits intellectuels font partie de la troisième catégorie des droits de l’homme. Facebook est une œuvre de l’esprit qui a été matérialisée, c’est devenu une invention qui rapporte de l’argent à son inventeur. Dans d’autres pays du continent, au Sénégal, au Cameroun, etc., sont très riches. Mais nos artistes, vous savez dans quelles conditions ils meurent. Donc, nous nous battons pour cela. Au Congo, nous avons deux textes de lois qui vont dans ce sens. Le premier protège la propriété industrielle, c’est la loi du 7 janvier 1982 sur la propriété industrielle. Et en avril 1986, il y a un texte qui protège la propriété intellectuelle parmi lesquels l’on retrouve les droits d’auteurs et les droits voisins. Ces textes-là existent. Et puis, le Congo fait partie du monde et a signé beaucoup de traités internationaux. Il est membre de l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Dans toutes ces institutions, il est question de protéger les droits des faibles. Vous connaissez le comportement des multinationales dans le monde, elles pillent tout. Tous les savoirs traditionnels africains sont pillés par ces gens qui ont des millions et des millions de dollars. Ce que nous réclamons ici, c’est de voir le droit être dit pour que Barly Baruti rentre dans ses droits. Il n’y a pas d’autre solution parce que l’on n’a pas voulu régler le problème à l’amiable, cela va se faire par la justice. Moi, j’ai confiance en elle. Et comme le droit est de notre côté, j’ai pleinement confiance que l’on trouvera une solution.

L.D.B. : À quel niveau se trouve le procès en ce moment  ?

G.B.  : C’est un vieux dossier qui a traîné au tribunal. Il a d’abord traîné dans les discussions, ensuite on a été obligé de saisir le tribunal de commerce. Mais ce n’est pas moi qui l’ai fait. Comme il y a eu une décision du tribunal de commerce, Barly a décidé d’avoir d’autres avocats pour s’octroyer les meilleures chances de gagner le procès. Nous étions à la quatrième audience en appel. Nous avons renvoyé parce que les avocats doivent échanger les conclusions, nous avons déjà envoyé les nôtres au confrère qui défend le Groupe Castel. Nous avons décidé de plaider ce 17 novembre 2016.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Me Grégoire Bakandeja

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