Freddy Tsimba : « si on veut un réel développement, il faut cesser avec la guerre »

Vendredi 17 Juin 2016 - 14:45

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L’artiste de la RDC a exposé cinq de ses œuvres, lors des journées européennes du développement qui se sont déroulées à Bruxelles du 15 au 16 juin derniers.

Les cinq sculptures et installations ont été réalisées avec deux matériaux de prédilection de Freddy Tsimba à savoir: la douille et la machette. « Ce sont des matériaux que j’utilise beaucoup car ils se croisent et se parlent », explique l’artiste. La première œuvre qui a été exposée est intitulée « Bakeyi na biso wapi ? » (Où nous emmènent-ils ?). « L’œuvre représente un charriot que l’on retrouve dans les rues de Kinshasa et qui sert au transport de choses diverses. Des personnes sont à l’intérieur de ce charriot et une autre personne les emmène quelque part. Leurs figures ressemblent à des masques. Et je pose la question de savoir où sont-ils emmenés ? Mais je n’ai pas la réponse à la question car je laisse la liberté à chacun d’interpréter à sa manière afin de ne pas fermer l’œuvre », a fait savoir l’artiste. Les quatre personnages sont conçus avec des douilles de cartouche d’armes lourdes récupérées notamment à Kisangani, dans le Bas-Congo et à Kinshasa. La deuxième œuvre, également conçue avec des douilles de cartouche récupérées, est intitulée « Au-delà de l’espoir 2 » et représente une femme assise avec un enfant et les deux ont chacun une main soulevée. « C’est juste le cri d’une femme et d’un enfant. Autour d’eux sont disposés des mortiers qui sont utilisés chez nous pour piler du pondu ou saka saka. La coiffure est faite avec des fils de fer tressés. J’exprime ainsi mon attachement à ma culture. Je suis de là et je suis d’ici. Je n’ai aucune barrière culturelle », a expliqué Freddy Tsimba. La troisième œuvre, quant à elle, est intitulée « Celle qui a bravé le temps » et représente une grande femme conçue également avec des douilles. Mais à ses pieds se trouvent un tas de marmites usagées ramassées dans les rues de Kinshasa. « Cela donne l’impression que la femme jaillit de ce tas de marmites. C’est le symbole d’une femme qui veut aller au-delà des choses, une femme qui bouge. Sa tête est faite avec des clés qui sont le symbole de l’ouverture et de la fermeture. C’est l’expression de l’ouverture mais aussi de l’emprisonnement », a analysé l’artiste congolais.

Un langage universel

Pour sa part, la quatrième œuvre fait trois mètres de hauteur et représente une femme. Elle est intitulée « Mère double ». Cette expression typiquement congolaise est généralement utilisée pour désigner une femme qui a donné naissance à des jumeaux ou à des jumelles. « C’est une manière de rendre hommage à ces femmes. L’œuvre est également conçue avec des douilles qui représentent la violence physique ou mentale. Cela peut aussi représenter l’emprisonnement ou le déplacement des peuples ». Pour l’artiste, c’est une œuvre ouverte qui parle à n’importe quel citoyen du monde. En outre, en guise d’habit, « Mère double » est revêtue d’une cartouchière, un élément qui revêt un sens profond pour Freddy Tsimba, étant donné que c’est un objet qui retient les douilles. « L’œuvre délivre un message fort dans la mesure où elle laisse à voir une femme enceinte faite avec des balles de Kalachnikov qu’on retrouve dans nos pays. Nous retrouvons ces armes en Afrique, alors qu’il n’existe aucune entreprise de fabrication d’armes sur le continent. Les budgets relatifs à l’achat de ces armes dépassent même ceux consacrés à l’éducation ou encore à l’agriculture. C’est un message lancé à nos pays afin de changer la donne », a déclaré l’artiste.

Faire taire les armes

La cinquième œuvre, intitulée « Maison Machette », a été réalisée par Freddy Tsimba à Ostende en Belgique. Pour sa construction, l’artiste a déclaré avoir utilisé 999 machettes importées de Chine. Il les a laissées dehors dans le froid pendant une année afin qu’elles acquièrent cette teinture qu’il dit géniale. « Certains l’ont qualifiée de maison de la paix car dans cette œuvre les machettes servent à abriter et non plus à tuer ou à servir à autre chose », a fait savoir Freddy Tsimba. Ce dernier justifie le choix des matériaux utilisés pour la conception de ses œuvres par le fait qu’on les trouve partout tant au Congo qu’en Europe. « Ici on fabrique des armes. C’est un élément qui leur parle. On ne peut pas parler développement avec les armes. C’est aussi pour moi une manière de dire que si on veut un réel développement, il faut cesser avec la guerre qui n’amène que ruine et désolation », a conclu l’artiste de la RDC.

Notons qu’une œuvre de l’artiste Freddy Tsimba intitulée « Au-delà de l’espoir 1 » est installée en permanence sur la chaussée de Wavre à Bruxelles depuis plusieurs années. 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo1 Freddy Tsimba Photo2 L'oeuvre Maison Machette

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