Bib Chanel Bibene : « Les artistes qui s’installent en Europe, ne comprennent pas dans quel piège ils tombent... »

Samedi 22 Août 2015 - 8:13

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Bib Chanel Bibené est danseur chorégraphe, comédien, écrivain en herbe. Désormais installé aux États-Unis, en Californie, Il est venu animer les « Ateliers Nzéla » au mois de juin à Brazzaville qui ont mobilisé une vingtaine de danseurs de la place. "Un rendez-vous annuel unique", selon le chorégraphe puisqu’il a combiné simultanément pratique et théorie. Des séances ouvertes qui ont permis aux danseurs de s'emparer de cette discipline. Actuellement en master de danse et chorégraphie, à l’université de Californie, l’artiste prépare son festival nommé Kiandanda Dance Theater qui aura lieu du 12 au 13 décembre prochain à San Francisco.

 

« La formation théorique s’est déroulée autour de plusieurs questions à savoir ce qu’est la danse, qu’elles sont ses différentes formes, comment les artistes l’utilisent pour en faire des créations artistiques. Ensuite, on a évoqué la question du corps, des fondamentaux de la danse dans un environnement social dans lequel nous sommes avec les difficultés que nous connaissons et comment l’artiste peut palier ses difficultés », a longuement expliqué Bib Chanel Bibene qui pense que les danseurs devraient être imprégnés de toutes ces notions pour faire de cette discipline une véritable passion et non un simple passe-temps temporaire.

« Aussi, lors de la formation, on a tenté d’élaborer une sorte de charte qui permettrait à l’artiste de vivre de son art même étant au pays. Sachant que beaucoup de danseurs s’exilent dans l’espoir d’obtenir une meilleure qualité de vie et de travail », a fait noter Bib Chanel, conscient que cette réalité perdurera tant qu’on n'aura pas trouvé de solution viable pour stopper ces fuites.

D’où l’importance de la formation qui permet, dit-il, « aux danseurs d’acquérir de nouvelles connaissances sachant qu’au Congo, nous ne disposons pas d’école de danse. Et revenir ici pour moi a une importance capitale car cela me permet de transmettre aux autres artistes ce que j’ai appris à San Francisco ».

Lors de cette formation, le chorégraphe a longuement insisté sur la notion de respiration : « En effet, la respiration rend le mouvement visible, elle nous met en harmonie avec nous même, la scène et le public».  Ainsi, pendant trois jours, entre 10h à 15 h et parfois au-delà, les danseurs se sont laissé prendre entre les mailles de Bib Chanel qui été agréablement surpris par l’engouement des artistes,  « Au départ, la formation était adressée aux danseurs professionnels mais par la suite, nous avons ouvert nos portes aux amateurs et artistes d’autres disciplines au vu des sollicitations » explique Bib, heureux d’avoir formé une vingtaine d’artistes. « L’objectif de ce rendez-vous  était de ne pas se retrouver avec une pléthore d’artistes et ne plus savoir quoi en faire », renchérit-il. Ajoutant, « Ce qui m’impressionne en Californie, c’est leur manière de travailler. Les gens sont toujours dans l’innovation et prennent beaucoup de risque. Je voudrais aussi voir cet engouement prendre racine au sein des artistes chorégraphes de la place. Je voudrai que nous, artistes congolais, acquérions cet esprit de travail, d’innovation, pour révolutionner les choses ».

Désormais installé en Californie où il a bénéficié d’une aide de l’État de San Francisco, Bib Chanel se bat pour ne pas perdre la confiance de ses donateurs en travaillant d’arrache-pied. « C’est vrai qu’au départ, ce n’était pas facile, surtout que je ne parlais pas bien anglais. Mais à force de travail, les choses marchent plutôt bien. L’ego tue nos créations artistiques et certains pensent que plus on est âgé, plus on est meilleur. Les Américains, eux, savent mettre leurs conflits et leurs différences de côté pour réaliser leurs rêves.»

"Il appartient aux artistes de révolutionner les choses"

Aujourd’hui, le souhait de Bib est d’unir les compétences. « J'encourage les danseurs congolais à rêver ensemble car il appartient aux artistes de révolutionner les choses. Les danseurs doivent créer des mouvements et savoir que les difficultés qui surviennent sont les mêmes dans le monde entier », a-t-il ajouté. Rêver, avoir des ambitions, telle est la substance du message de Bib qui estime que la formation reste capitale et pousse l’artiste à se perfectionner même dans son pays.

« Les artistes qui vont s’installer en Europe, ne comprennent pas toujours dans quel piège ils tombent. L’Europe a été pour beaucoup le début de leurs déchéances. Certains abandonnent l’art parce qu’ils sont submergés par des factures qu’ils n’arrivent pas à régler », a expliqué Bib qui ne cesse d’encourager ses amis à se former. « Un artiste ne peut être un analphabète, c’est inadmissible. On voit des jeunes danseurs qui ont arrêté d’aller à l’école, mais on ne peut pas faire de l’art sans avoir la connaissance. J’exhorte  les danseurs à trouver du temps pour aller se former.»

Quant à ceux qui s’exilent,  Bib ne peut les blâmer, car, dit-il « On connaît les humiliations que nous subissons lors des demandes de visas. Certains font des jeunes et des prières pour espérer avoir un visa. Ce n’est pas normal ! Il y a aussi la pression familiale et les préjugés qui ont la peau dure, vu que pour certaines familles, la réussite se trouve en Europe.»

Enfin, Bibene sort d’une lourde saison entre spectacles et cours en master. Il participera les 16, 17 et 18 octobre au Trolley Dance à San Francisco, un festival urbain. En pleine préparation de Kiandanda Dance Theater, son festival (qui est déjà à sa quatrième édition) prévu du 12  au 13  décembre prochain avec en marge une semaine de formation.  Bibene espère de tout cœur que la danse au Congo prendra un nouvel envol.

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

"Les danseurs doivent créer des mouvements et savoir que les difficultés qui surviennent sont les mêmes dans le monde entier"

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