Simbou Vili : « J’ai fait de ma passion une vocation »

Samedi 25 Avril 2015 - 12:45

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Née à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, l’artiste-musicienne Simbou Vili vit en France depuis plus de vingt-cinq ans. Femme noire, bientôt dans les bacs, est son troisième album.

Simbou ViliLes Dépêches de Brazzaville (LDB) : Pourquoi Femme noire comme titre de votre nouvel album?

Simbou Vili (SV) : C’est à la fois un hommage à Senghor et à la femme noire de France : c’est à Paris que Senghor s’est découvert vraiment « Noir ». Pour ma part, chaque année passée en France me rapproche davantage de ma culture originelle, la culture vili, sans toutefois verser dans un jaillissement perpétuel de références à tout ce qui caractérise le Vili. Mais Femme noire, c’est aussi un message à toutes celles qui, ici en France, restent insensibles aux gémissements des nôtres restées en Afrique.

LDB : D’où la chanson Kumulongo ?

SV : Exactement. J’y évoque ma plainte d’être devenue étrangère à moi-même et à ma famille restée au Congo. Kumulongo est une prise de conscience.

LDB : Dans cet album, vous chantez aussi l’amour ?

SV : Oui ; les chansons comme Mon soleil et Chérie na ngai déclinent l’amour au présent de l’indicatif.

LDB : Comment êtes-vous venue à la musique ?

SV : Toute petite, j’aimais beaucoup danser et chanter. Choriste, très jeune, chez les Zephyrins, une église protestante, j’avais déjà la passion de la musique. Pour ma famille, pas question d’envisager de faire carrière dans la musique : c’eût été pénétrer le temple de l’immoralité ! Cette passion s’est pourtant muée en vocation par la suite.

 LDB : C’est donc à Paris, en France, que vous vous êtes vraiment lancée ?

SV : Un jour, j’ai rencontré Michel Polnareff à l’hôtel Royal Monceau, à Paris. À la demande du piano-bar de l’hôtel, devant un parterre d’invités cosmopolite, j’ai interprété a Cappella une chanson aux accents vili, récompensée, à la fin, par une salve d’applaudissements. C’est ce jour-là que je suis née musicalement. Dès lors, une voix céleste, une sorte d’appel, m’a recommandée de tout laisser au Congo et de partir ailleurs. En 1989, alors que j’avais tout au Congo, un mari, des enfants et l’aisance, pour ne pas dire la richesse, j’ai pris mes enfants et me suis envolée avec eux pour la France, un pays que je connaissais pour y être déjà venue pour affaires.  

LDB : Et Michel Polnareff dans tout ça ?

SV : Nous avons sympathisé et sommes devenus amis. De par cette amitié, j’ai découvert que j’étais vraiment faite pour la musique.

Simbou Vili sur scène

LDB : Comment s’est passée la suite ?

SV : J’ai suivi une formation intense de chant et de variétés avant de penser à mon premier album, MAME. Puis un deuxième en 2011, Africa si riche ! Et, maintenant, un troisième, Femme noire.

 LDB : Parlons de votre pseudonyme, « Vili » qui vous vaut souvent des critiques virulentes…

SV : Des critiques à géométrie variable ! On m’a mise à l’écart, on m’a demandé de quel droit je m’étais surnommée ainsi et à quel titre. Mais je suis d’origine Loango et le Loango est mien également. Je chante en vili à l’image de feu Rigadin Mavoungou, je pense en vili avant d’être une autre moi-même…

LDB : N’avez-vous pas pris le risque de l’enfermement ?

SV: Non car je ne vis pas dans une inexpugnable forteresse du moi. L’homme unidimensionnel dont "le mouvement de la pensée est arrêté par des barrières qui apparaissent comme des limites de la raison elle-même", cet homme-là ne me chérit pas. Je ne puis concevoir l’universalité sans affirmation de singularité. Sinon, je serais dans la situation de cet étudiant moqué et raillé par Rabelais qui, prétendant parler toutes les langues du monde, n’en parlait en fait aucune, faute d’avoir commencé par la sienne. En affirmant ma singularité, j’existe, je me respecte sans verser dans la perversion de l’amour-propre… Avez-vous remarqué que le nom « Vili » comporte deux syllabes qui constituent les préfixes des mots « victoire et « liberté » ? J’ai remporté des victoires sur moi-même, lesquelles ont débouché sur ma liberté, ma liberté de ton, de penser et de chanter.

 LDB : Que lisez-vous en ce moment et qu’écoutez-vous ?

SV : Bizarrement, j’ai ressorti Les Cancrelats de Tchicaya U’Tamsi et j’écoute Jacques Loubelo - paix à leur âme - deux mastodontes qui ont su, chacun, magnifier leur particularité.

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Simbou Vili Photo 2 : Simbou Vili sur scène Crédit photos : Agent com Simbou Vili