« Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire » : un ouvrage s’intéressant aux femmes noires

Samedi 15 Mars 2014 - 3:44

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Sylvia Serbin présente vingt-deux femmes africaines qui ont vécu de l’Antiquité à nos jours. Chacune avec une histoire différente : des élites, des reines, des femmes du peuple, des paysannes… Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire est édité par les Éditions Sépia

Un travail de dix ans de recherche. Il lui a fallu plusieurs voyages dans les pays ciblés, retrouver les traditions orales et les sources écrites existantes, et par la suite reconstituer la vie de ces personnages. C’est la première fois qu’un ouvrage s’intéresse aux femmes noires qui ont participé à l’histoire.

Avec l’art d’une conteuse, la journaliste et historienne de formation apporte sa contribution en peignant celles qui se considéraient comme le rempart de leur société. Si elles ne s’étaient pas battues pour les défendre, l’ennemi aurait tué leurs enfants et écrasé totalement la société dont elle portait l’âme. Celles dont on ne parle jamais… Elle évoque les femmes qui se sont battues dans les luttes de libération nationale pendant les guerres de décolonisation, de Guinée-Bissau, d’Angola (1961-1975). Beaucoup de femmes de la campagne ont rejoint le maquis, se sont battu les armes à la main et ont été tuées dans ces combats.

Dans ces écrits, on constate un contraste avec l’image des femmes noires diffusée aujourd’hui par les médias occidentaux. « On nous montre toujours des femmes effacées, sans personnalité, suivistes, portant tous les malheurs de la terre. Je pense, moi qui vis en France, que chaque fois qu’on présente l’Afrique, on présente la misère, a regretté l’auteur. On pourrait plutôt parler, par exemple, des amazones de l’ancien royaume du Dahomey, qui étaient des femmes du peuple. Elles s’enrôlaient dans l’armée et pendant plus de deux siècles (dix-huitième et dix-neuvième) elles ont été le fer de lance de l’armée dahoméenne. Des reines, des combattantes, des résistantes symbolisent ces milliers de femmes disparues dans l’anonymat et qui ont contribué à sauver leur pays. »

La femme du vingt et unième siècle continue le combat

Citons une femme d’affaires du dix-neuvième siècle, Mme Tchiloubou, du Nigeria, représentative des « nana benz » que l’on trouve aujourd’hui en Afrique, dans le golfe de Guinée, au Nigeria, au Ghana, au Togo, au Bénin. Cette femme avait le quasi-monopole de l’exportation de l’huile de palme vers la Grande-Bretagne. Au moment où la révolution industrielle avait besoin d’oléagineux pour faire tourner ses machines, elle a fait fortune. Et c’était une grande nationaliste : avec son argent, elle a armé des guerriers car c’était au moment où les Anglais essayaient de coloniser le Nigeria.

Sylvia Serbin raconte l’histoire de ce genre de femme qui est arrivée à faire fortune, mais aussi s’est intéressée au monde extérieur pour apporter des techniques qui aident à résister contre l’agression extérieure. « Le livre permet de montrer aux personnes curieuses, par exemple aux jeunes afro-descendants, que dans leur patrimoine historique il y a eu des femmes qui ont porté des valeurs de courage, de dignité. Que celles-ci sont universelles, elles n’appartiennent pas seulement à des Occidentaux, à des peuples européens. L’Afrique a porté des hommes et des femmes qui se sont battus pour la liberté », décrit-elle.

Selon notre conteuse, tout le courage de la femme africaine est transmis et n’est pas perdu. Les femmes sont réactives quand il le faut, elles s’investissent, se battent, militent, utilisent tout leur talent pour réussir et obtenir un poste là où on ne les attend pas. « Chez elles, il n’y a aucune limite. Malheureusement, cela tient aussi à notre éducation. On n’a pas l’habitude de montrer ce que l’on sait faire, alors que les Occidentales dès qu’elles réussissent quelque chose, elles s’arrangent pour le faire savoir », ajoute-t-elle. « Nos jeunes filles qui font des parcours exceptionnels devraient le faire savoir, car si elles ne le font pas, on a l’impression qu’elles n’existent pas du tout. Par exemple, si on ne montre pas les femmes pilotes, dans cinquante ans les médias occidentaux diront qu’il n’y a jamais eu de femmes pilotes en Afrique. Et nos petits enfants vont le croire ! », a déclaré la journaliste, révoltée.

L’actuelle conseillère municipale de Fontenay-le-Fleury (Yvelines, France) travaille déjà sur un deuxième livre, Pionnière noire du vingtième siècle. Son prochain ouvrage présentera des femmes brésiliennes, africaines, américaines qui ont mené chacune des combats dans leur société pour leur visibilité contre l’apartheid, pour les droits civiques. Histoire de montrer une palette de visages féminins qui peuvent servir d’exemple aux enfants.

Sylvia Serbin est née à Saint-Louis du Sénégal. Afro-Antillaise, elle s’est partagée entre l’Afrique, où elle née et a vécu une trentaine d’année, et Paris, où elle a fait ses études et une partie de sa carrière professionnelle. Elle a mené un double cursus : des études d’histoire et un diplôme en journalisme et communication. Elle est entrée à l’Office de radiodiffusion-télévision française à Paris, à la rédaction internationale, l’actuelle Radio France internationale. Elle y est restée quatre ans (1973-1977) et s’occupait des émissions culturelles. Elle est actuellement conseillère municipale de Fontenay-le-Fleury.

Nancy-France Loutoumba