Interview. Bélinda Ayessa : « L’hommage à Malamine Camara est à mettre à l’actif de nos chefs d’État »

Mardi 1 Mai 2018 - 17:15

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Le 29 avril, un hommage public a été rendu au sergent Malamine Camara, au Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, par les présidents de la République du Congo, Denis Sassou N’Guesso, et celui de la République du Sénégal, Macky Sall. Dans une interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville, la directrice générale du Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, Bélinda Ayessa, revient sur le sens de cet événement.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Le 29 avril, un hommage public a été rendu au sergent Malamine Camara dans le cadre du Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza que vous dirigez. Que vous a inspiré cet événement ?

Bélinda Ayessa (B.A.) : L’hommage au sergent Malamine Camara a été un acte de reconnaissance. Il signe ainsi la nécessité mémorielle de rendre justice à un acteur d’hier. Cet hommage est à mettre à l’actif des présidents Denis Sassou N’Guesso et Macky Sall, qui n’ont ménagé aucun effort pour rendre possible la restitution de la figure de Malamine Camara venue à nouveau féconder nos liens. Vous avez suivi, comme moi, le discours du président Macky Sall, la relecture qu’il a faite de notre histoire commune a été profonde et émouvante.

L.D.B. : Pensez-vous que l’hommage ainsi rendu à l’un des plus proches collaborateurs de l’explorateur français aura des effets positifs sur les relations amicales qu’entretiennent le Congo et le Sénégal?

B.A. : Indéniablement ! On dit souvent que ce sont les circonstances et les personnes qui font le destin d’un groupe, d’un pays. Venu au Congo en tant que simple laptot, il s’intègre au milieu avec une facilité qui en étonne plusieurs. Et il exerce sa mission de garde du pavillon français en bon soldat. C’est là que l’histoire pouvait basculer. Que non ! Par son intrépidité devant Henry Morton Stanley, nous recevons une émouvante leçon de fidélité et de courage. La marque que laisse Malamine dans notre histoire devrait donner lieu à un élan de célébration des relations fraternelles entre le Sénégal et le Congo.

Pour l’événement qui a eu lieu le 29 avril 2018, voir les présidents Macky Sall et Denis Sassou N’Guesso, côte à côte, devant le drapeau sénégalais qui se hisse triomphalement sur notre terre congolaise et, à leurs côtés, d’éminents témoins venus des autres nations africaines, cela donne de la couleur et de la chaleur à nos relations.

L.D.B. : Au-delà de cette célébration, comptez-vous faire du Mémorial un centre de conservation des archives et de conférences sur l’histoire du Congo grâce, notamment, au nouveau bâtiment que vous construisez dans cette enceinte ?

B.A. :  Avec le nouveau bâtiment que vous évoquez, la mission du Mémorial aura atteint, je dirais, sa mesure infrastructurelle. Nous ne parlons que du bâtiment. Mais il y a toute la vie de l’institution qu’il faudra animer, l’âme qu’il faudra lui donner dans un nouvel environnement, avec une mosaïque d’activités culturelles. Cela comprend, comme vous dites, la conservation des archives sur l’histoire de notre pays, l’organisation des conférences et l’exposition des œuvres culturelles.

A ce niveau, je voudrais ajouter que, dans cette nouvelle configuration, nous serons dans un concept qui revisitera la notion traditionnelle du mémorial, tourné vers le passé. L’évolution symbolique de cet espace mémoriel nous portera résolument vers l’avenir.  

L.D.B. : De façon plus générale, pensez-vous que l’institution que vous dirigez peut devenir, à terme rapproché, l’un des principaux centres de recherche sur l’histoire de l’Afrique, en général, et du Bassin du Congo ,en particulier ?

L.B.A. : Je ne sais pas lire dans une boule de cristal ! (Rire). J’ai bien conscience qu’il s’agit d’une œuvre de longue haleine. Mais avec l’équipe de mes collaborateurs, nous travaillons tous pour que le rayonnement de notre institution atteigne des espaces bien au-delà de notre pays. C’est un rêve tout à fait légitime quand on mesure la place qu’occupe la culture dans la construction d’une nation. Milan Kundera, écrivain français d’origine tchèque, disait que « La culture, c'est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre ». A partir d’une telle conviction, comment ne pas nourrir de saines ambitions pour notre pays?

L.D.B. : La France, avec qui le Congo entretient des relations étroites depuis plus d’un siècle, va-t-elle restituer tout ou une partie des archives qu’elle détient sur son histoire ?

B.A. : Je sais que cette question est plus que jamais d’actualité. Dans le cas de la France, le président Macron a confié à Bénédicte Savoy, historienne de l’art, et à Felwine Sarr, universitaire et écrivain, la charge d’étudier les restitutions possibles des œuvres d’art mal acquises. Il faut saluer ce premier pas. Reste à établir une cartographie qui établira une traçabilité claire. Car toutes les œuvres n’ont pas connu le même sort. Certaines ont été pillées. D’autres sont des acquisitions d’honnêtes amateurs. J’espère que les propositions attendues du travail de Bénédicte Savoy et de Felwine Sarr permettront d’avoir un chronogramme qui obéisse à un ordre juridique. Il conviendra aussi de constituer un cadre de relations avec des individus, des institutions qui conservent ces œuvres.

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Bélinda Ayessa, directrice générale du Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza Photo 2: L'affiche de l'hommage à Malamine Camara

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