Disparition : Antoine Letembet-Ambily, dix ans déjà !Samedi 4 Janvier 2014 - 6:15 Cela fait dix ans que disparaissait, le 13 octobre 2003 à Brazzaville, l'une des figure de la littérature contemporaine, Antoine Letembet-Ambily, dont la réputation des œuvres a traversé les frontières du Congo. Pour commémorer cette disparition, le ministère de la Culture et des Arts, représenté par le directeur général du Patrimoine et des Archives, Samuel Kidiba, a organisé une cérémonie solennelle au Centre de formation et de recherche en art dramatique (CFrad) Dans cette salle du CFrad, dont les murs résonnent encore de la voix rauque d’Antoine Letembet-Ambily, et dont les rideaux ne continuent pas moins de porter son souffle puissant, le professeur Mukala Kadima-Nzuji, qui a connu cet homme qui a beaucoup apporté à la vie politique et culturelle du Congo, a esquissé à grands traits son portrait. En ce mois de décembre 2013, dit-il, Antoine Letembet-Ambily, aurait eu 84 ans. Il se serait sans aucun doute joint à la compagnie pour recevoir l’hommage unanime des femmes et des hommes de culture du Congo à l’occasion de son anniversaire. Il aurait conté à ses convives par le menu la grande épopée du peuple congolais depuis les années de braise jusqu’à la célébration du cinquantenaire de son indépendance. Il aurait égrené, en les martelant, comme à son habitude, les noms des personnalités politiques et culturelles, congolaises et étrangères, qui ont pétri de leurs mains le limon dont le Congo est façonné. Il aurait évoqué, en des envolées oratoires et lyriques, les conditions et les circonstances de sa participation à la naissance de la nation congolaise. Il aurait, en ayant constamment le regard tourné vers le passé, exposé sa vision du Congo, fondée sur l’unité, la concorde et la solidarité. Le professeur Kadima-Nzuji a rappelé qu’à la veille de sa mort, Antoine Letembet-Ambily était venu dans la salle du CFrad prendre part à un débat public sur la littérature congolaise, à l’occasion de la publication de la Nouvelle Anthologie de la littérature congolaise de Philippe Makita et Jean-Baptiste Tati-Loutard. Ce soir-là, rien ne présageait sa disparition soudaine. Il était d’une lucidité remarquable. Il avait l’esprit vif, la verve féconde, la mémoire prodigieuse, l’inspiration sans cesse renouvelée, et l’intelligence à fleur de mots. Chacune de ses interventions révélait un aspect, et non des moindres, de sa personnalité. Comment pouvait-il en être autrement ? Ce qui prouve à suffisance que le choix de la salle du CFrad n’est pas un hasard. Ces différentes expériences, acquises à force d’épreuves et à la faveur d’un commerce intellectuel soutenu, avaient nourri son imaginaire, construit sa personnalité et façonné son verbe. Et ce soir-là, il était comme transfiguré : le CFrad résonnait de sa voix et vibrait de sa présence. Chaque prise de parole était comme une pressante invitation au voyage au cœur de l’humain. Jamais il n’était à court d’anecdotes, qui replongeaient l’auditoire dans l’histoire politique, sociale et culturelle du Congo. En guise de conclusion, de cette esquisse à grands traits du portrait d’Antoine Letembet-Ambily, le professeur Mukala Kadima-Nzuji a affirmé que tel qu’il l’a connu en le côtoyant régulièrement, Antoine Letembet-Ambily lui paraissait avoir construit toute son existence à partir d’une double exigence intellectuelle et morale : l’excellence et la perfection. Son bagage intellectuel et son capital humain étaient tellement lourds qu’il désarmait souvent ses interlocuteurs et les contraignait à s’instruire davantage et à se cultiver sans relâche, et sa vie était un modèle de droiture, de simplicité et de modestie. Le commissaire général du Fespam, Dieudonné Moyongo, a reconnu qu’Antoine Letembet-Ambily était pour lui un père. « À Poto-Poto, nous vivions ensemble. Au lycée Émery-Patrice-Lumumba, j’ai fréquenté son fils. Donc, il est pour moi un père. Après le baccalauréat, je suis allé en France, et nous ne sommes plus revus. C’est bien plus tard lorsqu’il fut nommé ministre de la Culture et des Arts, après la Conférence nationale souveraine, que nous nous sommes revus… Antoine Letembet-Ambily est un homme qui avait une grande ouverture d’esprit, un homme intelligent et exigeant. Dans les années 1970, alors qu’il est directeur général de la Culture, il exigeait que nous nous instruisions davantage. Nous apprenions beaucoup de choses auprès de lui, tant sur le plan professionnel que sur le plan politique. Il ne cessait de nous dire : nous partirons, mais faites des efforts, parce que nous allons vous laisser ce pays. » Le directeur général des Arts et des Lettres, Jean-Luc Aka-Évy, a annoncé à l’auditoire qu’Antoine Letembet-Ambily avait été son tuteur lorsqu’il était en France pour ses études supérieures. À ses côtés, il a beaucoup appris, tout comme aux côtés du professeur Théophile Obenga. « Antoine Letembet-Ambily m’a tout donné. J’ai fait toute l’Europe avec lui, parfois avec sa femme. C’est un homme qui savait dire et avait les mots qu’il fallait. Il savait également commander. Il parlait le sango et le lari. Comme je faisais de la philosophie, il me parlait en grec. Il a traversé toute l’histoire politique du Congo. Il était le directeur du cabinet de l’abbé Fulbert Youlou, secrétaire général d’un des plus grands partis politiques au Congo, le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral. Il était le représentant du Congo au Benelux en 1956, alors qu’il ne devait avoir à cette époque qu’autour de 52 ans. Antoine Letembet-Ambily, c’était plus qu’une bibliothèque, c’était plus qu’une vie. » Le musicien Pape God a lui aussi rendu hommage à Antoine Letembet-Ambily, pour avoir souvent sollicité son concours dans le domaine qui est le sien. Enfin, le département de la Culture et des Arts a demandé solennellement de ne jamais oublier Antoine Letembet-Ambily. D’ailleurs, le ministre a entrepris de construire un centre culturel qui portera son nom, et qui sera un lieu d'échange pour les écrivains. Antoine Letembet-Ambily est né en décembre 1929, à Otségné, près de Saint-Benoît-de-Boundji. Il a fait ses études primaires chez les Pères du Saint-Esprit à Brazzaville de 1937 à 1944. Il a entrepris en 1944 et achevé en 1950 ses humanités gréco-latines au petit séminaire de Mbamou où il a eu comme condisciples Émile Biayenda, le futur cardinal du Congo, et Lin-Lazare Matsocota, futur procureur de la République. Il a fait deux ans de philosophie, de 1950 à 1952, au grand séminaire Libermann de Brazzaville. Bruno Okokana Légendes et crédits photo :Photo : Esther et Nadine Letembet-Ambily (enfants) remettant un présent au représentant du ministre de la Culture et des Arts. (© DR)
|