Lydie Pongault : "Rituel du présent, à N'Gol'Odoua, le kiebe-kiebe est dans son temps, dans son époque"

Les Dépêches de Brazzaville. Le musée de N'Gol'Odoua présente une collection très complète du kiebe-kiebe. D'où vient-elle ?

Lydie Pongault. La collection du musée N'Gol'Odoua a bien des origines et une longue histoire qui a débuté il y a dix ans au sein du musée Galerie du Bassin du Congo abrité dans le bâtiment des Dépêches de Brazzaville. Le fonds du musée était composé de plusieurs pièces que nous avons complétées au fil des années grâce au soutien sans faille de Jean-Paul Pigasse qui est un collectionneur avisé. Avec des initiés et des spécialistes de la danse kiebe-kiebe, nous avons identifié les œuvres, envoyé des équipes sur le terrain pour comprendre d'où elles venaient, ce qu'elles représentaient, enrichi la collection.

Les professeurs Théophile Obenga, Atondi Lecas Momondjo, Camille Bongou, assistés de deux étudiants en philosophie de l'Université Marien-N'Gouabi, ont contribué à l'identification et à la mise en place de l'exposition. Le mbochi a été traduit en français. La partie sacrée préparée par le préfet de Brazzaville Pierre Cébert Iboko Onanga, le colonel Daniel Iloy Ngoya et le professeur Abraham Ibela. 

LDB. Vous avez aussi édité un livre et un DVD avant de produire le catalogue d'exposition du musée de N'Gol'Odoua.

LP. Un DVD réalisé par Jean Blaise Bilombo Samba a été produit en langue anglaise, française et portugaise. Pendant plusieurs semaines, il a parcouru les grands villages où se pratiquaient le kiebe-kiebe dans les trois départements des Plateaux, de la Cuvette et de la Cuvette-ouest, interrogé les initiés, observé les pratiques dans les villages. Cette collection présentée sur notre site Internet a fait l'objet d'un livre* publié par les Editions Les Manguiers à l'occasion de l'exposition de Brazzaville en octobre 2012.

LDB. Le président en personne a inauguré l'exposition qui a suscité beaucoup d'intérêt à Brazzaville.

LP. Effectivement, le président Denis Sassou N'Guesso lui- même, en présence de membres du gouvernement, des corps constitués, du corps diplomatique, a inauguré cette exposition il y a cinq ans au sein du Musée galerie du Bassin du Congo.

 À l'époque, l'exposition avait suscité un grand enthousiasme à Brazzaville. Et bien au-delà. Dès l'année suivante, nous étions approchés par le musée afro-brésilien de l'université de Salvador de Bahia. Une équipe brésilienne est venue travailler ici, à Brazzaville, pendant dix jours pour s'assurer que la collection était complète et identifier, puis préparer le transport des pièces vers le Brésil.

Le jour de l'inauguration, une conférence était animée par le professeur Théophile Obenga, Camille Bongou et le préfet Pierre Cébert Iboko Onanga en présence de nombreuses personnalités brésiliennes. L'exposition a reçu plus de 12 000 visiteurs en trois mois.

LDB. Après Salvador de Bahia, l'exposition a poursuivi sa route vers d'autres lieux.

LP. Après son retour à Brazzaville, la collection est repartie très rapidement à La Havane à Cuba où elle a fait l'objet d'une nouvelle exposition de décembre 2014 à février 2015, inaugurée par le président Denis Sassou N'Guesso en personne et le ministre de la Culture cubain.

Ces expositions ont été une réussite totale et surtout, ont suscité beaucoup d'émotion. Notamment chez les Bantous au Brésil dont l'attachement à leurs racines et la connaissance de la culture bantoue sont très forts.

LDB. Comment expliquez-vous l'engouement suscité par cette collection kiebe-kiebe?

LP. Cette collection a été travaillée, répertoriée, complétée. Elle est riche d'écrits, de catalogues, d'images et de sons. Tout un patrimoine complet, écrit et oral conçu avec des professeurs très impliqués. Voilà pourquoi le président de la République a souhaité créer un lieu pour conserver au mieux ce patrimoine et faire en sorte qu'il ne soit pas dispersé.

Maintenant la collection est sécurisée et le public, en mesure de venir s'y ressourcer. À N'Gol'Odoua, nous avons aussi lié le traditionnel au moderne. Une conception voulue parce qu’aujourd'hui, au vingt et unième siècle, le kiebe-kiebe se danse encore. Rituel du présent, il est dans son temps, dans son époque. Le musée retrace les aspects traditionnels du kiebe-kiebe mais également son expression moderne, multiforme et picturale avec les pièces personnelles du président Denis Sassou N'Guesso qui sont venues enrichir la collection. Ce musée moderne permettra la conservation des œuvres dans le temps et, grâce à sa salle de projection, sera un lieu de colloques, de recherche et de vie.

* Lydie Pongault est commissaire de l'exposition du musée de N'Gol'Odoua et directrice du musée du Bassin du Congo de Brazzaville.

* "Kiebe-kiebe danse initiatique du Congo Brazzaville". Traduit en français et portugais. Editions Les Manguiers. En vente à la Librairie des Manguiers, 84 boulevard Denis Sassou Nguesso à Brazzaville