Salon du livre africain de Genève : entretien avec Jacques Chevrier

Mardi 26 Avril 2016 - 14:45

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Professeur émérite à l’Université Paris IV–Sorbonne, Jacques Chevrier est l'un des grands témoins de la mutation de la littérature africaine. Il préside le jury de nombreux prix prestigieux, parmi lesquels: le Prix de l’Association des écrivains de langue française - ADELF - et le Prix Ahmadou Kourouma décerné au Salon africain de Genève depuis 2004.

Entretien à bâtons rompus, depuis son domicile parisien, avec les Dépêches de Brazzaville.

Jacques ChevrierLes Dépêches de Brazzaville (LDB) : Dans quel état d’esprit abordez-vous l’édition 2016 du Salon africain de Genève?

Jacques Chevrier (JC) : Le Salon africain de Genève demeure le rendez-vous par excellence avec une saveur particulière, à l’image voulue par Pierre Marcel Favre, son fondateur. Depuis sa création, l’espace poursuit trois objectifs bien distincts et complémentaires. Le premier, contribuer au rayonnement de la Francophonie ; le deuxième, dans l’esprit tiers-mondialiste de Genève, ouvrir un espace à la littérature africaine ; et enfin, le troisième, distinguer une œuvre majeure à chaque édition. D’édition en édition, je suis heureux de retrouver la grande librairie au pied du baobab. Les visiteurs affluent à la rencontre des écrivains lors des tables rondes, puis repartent remplis de l’ambiance chaleureuse d’un programme de qualité. Les éditeurs, de plus en plus nombreux, tiennent leurs stands avec les livres du moment. Depuis 2011, le tandem Isabelle Falconnier, présidente, et Adeline Baux, directrice, mène à bien l’espace culturel genevois de Palexpo.  La remise du Prix Ahmadou Kourouma demeure l' un des temps forts des animations proposées par le salon. J’ai le plaisir et la fierté d’avoir contribué à la conception de cette dynamique dont les organisateurs fêtent cette année la 30ème édition du salon du livre et de la presse de Genève qui se tiendra à Palexpo du 27 avril au 1er mai. Le pays à l’honneur sera la Tunisie.

LDB : Que représente aujourd’hui le Prix Ahmadou Kourouma ?

JC : Depuis 2004, il couronne un ouvrage de fiction, consacré à l’Afrique noire et dont l’esprit d’indépendance, de lucidité et de clairvoyance s’inscrit dans le droit fil de l’héritage légué par le romancier ivoirien, Ahmadou Kourouma. Nous avons créé ce prix à l’initiative conjointe de Pierre-Marcel Favre, président du Salon du livre de Genève, Jean-Louis Gouraud, ancien directeur de Jeune Afrique et moi-même. Dans notre esprit, il s’agissait de rendre hommage à l’un des plus grands écrivains de sa génération, dont le premier roman, Les Soleils des indépendances, est une œuvre ayant marqué un tournant décisif dans l’histoire des lettres africaines. De nos jours, nous recevons des ouvrages qui répondent à ces critères et le prix doté de 5 000.00 Francs suisse est toujours convoité. Au vu de la qualité de la présélection, le Prix Ahmadou Kourouma représente un label sûr propre à révolutionner la prose romanesque africaine et à bousculer les sacro-saintes règles du français académique. C’est un prix marquant qui a couronné des écrivains de renom comme Kossi Efoui pour Solo d’un revenant en 2009 ; Emmanuel Dongala pour Photo de groupe au bord du fleuve en 2011 ou Tierno Monenembo pour Terroriste noir en 2013. A l’unanimité, le jury est tombé d’accord sur le lauréat 2016 et la remise du prix sera effectuée le 28 avril à 17 h 30.

LDB : A quel niveau situez-vous la civilisation de l’écriture africaine depuis la naissance de la littérature négro-africaine en langue française de 1921 à nos jours ?

JC : De nos jours, parlons plutôt des littératures africaines. Que de chemin parcouru ! Pendant de longues années, elles ont fait figure de littérature de combat. Nous avons œuvré avec quelques collègues au sein de l’institution universitaire afin d’affirmer l’originalité des littératures longtemps considérées comme ethnographiques. Nous nous sommes fortement impliqués dans leur promotion jusqu’à prouver leurs lettres de noblesse. Aujourd’hui, elles comprennent des auteurs de renom qui ont gagné leurs places dans le giron littéraire francophone. L’Afrique a trouvé sa voie. Pour preuve, la récente leçon inaugurale d’Alain Mabanckou au Collège de France. A titre personnel, je demeure témoin-acteur de cette mutation. J’ai été en charge de plusieurs collections spécialisées. Mieux encore, j’étais sur place en Afrique du Sud et en Afrique subsaharienne notamment au Mali et au Congo. A propos du Congo, c’est avec un réel intérêt que je suis de près l’actualité littéraire au Congo, pays au demeurant terre d’écriture par excellence, avec un  fabuleux gisement d'écrivains d’une extraordinaire qualité. Nous aurons cinq de leurs représentants à Genève : Joss Dozen, La Réus Gangoueus, Mambou Aimée Gnali, Alain Mabanckou et Boniface Mongo-Mboussa.

Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Jacques Chevrier Crédit : Sans

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