L’Italie veut miser sur la culture des migrants pour l’intégration

Jeudi 17 Décembre 2015 - 10:38

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Rome veut profiter de la culture des immigrés et promouvoir un cinéma de la connaissance.

Dans le débat parfois âpre sur l’intégration, le gouvernement italien veut s’adjuger le concours de la culture pour mieux connaître les immigrés et mieux les accepter. A Rome, on estime que les sentiments xénophobes et de rejet seront toujours présents dans l’opinion tant qu’ils seront inspirés par la peur et la méconnaissance de la valeur de l’autre. C’est pourquoi le gouvernement de M. Matteo Renzi veut tenter une expérience originale : faire tenir la caméra à des étrangers, leur faire raconter leur culture et projeter le résultat dans des salles à l’intention des Italiens mais aussi des immigrés eux-mêmes.

Car il n’est pas sûr qu’un immigré afghan sache vraiment ce qui est la culture valeureuse d’un immigré érythréen : il n’y trouvera aucun intérêt même s’ils sont des compagnons d’infortune tous deux. Et pour l’Italien moyen dont les bouts de mois sont difficiles, il n’est pas surprenant qu’il prenne l’immigré pour celui qui est cause partielle ou totale de ses malheurs parce qu’il est censé venir tout découvrir et tout avoir dans son pays d’installation. Le langage coutumier appelle d’ailleurs les étrangers des « morti di fame », des « crève-la-faim » qui ne viendraient en Italie que pour avoir à manger.

Même si une telle dimension est également possible, le tableau généralement brossé de l’immigré est celui d’une femme ou d’un homme dont la vie ne commence que dès son débarquement à Lampedusa ! Or, annoncent les organisations, les migrants de ces dernières décennies sont des personnes jeunes et hautement qualifiées dans leurs pays de départ. Des personnes avec une histoire et des traditions riches qui en étonneraient plus d’un si seulement elles étaient portées à connaissance.

L’Italie compte un peu moins de 5,5 millions d’étrangers vivant en situation régulière, soit 8,2% de la population. Le chiffre est en hausse constante et fait littéralement hurler à « l’invasion » partis extrémistes et mouvements xénophobes. Mais c’est une réalité qu’on ne peut plus ignorer désormais. « Dans un pays toujours plus multi-ethnique, nous devons inventer de nouvelle stratégie d'intégration », estime M. Dario Franceschini, ministre italien de la Culture.

« Nous ne connaissons pas leurs cultures et nous ne leur avons pas donné la possibilité de se faire connaître. Cette année, nous avons décidé de consacrer un budget de 800.000 euros aux municipalités, théâtres ou associations proposant des initiatives culturelles valorisant la culture du pays d'origine » des immigrés. « C'est une manière de se faire connaître et d'aider à l'intégration » a-t-il ajouté, déplorant le fait que l'Italie vive l'immigration principalement « d'un point de vue défensif ».

Au concret, l’initiative se veut un projet qui « repose sur l'implication directe des immigrés, surtout sur ceux de la deuxième génération qui peuvent devenir un pont entre leurs parents et le monde qui les accueille », a précisé Paolo Masini, un conseiller du ministre de la Culture. En Italie, le mouvement xénophobe de La Ligue du Nord appelle constamment à renvoyer les immigrés chez eux, et l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi est connu pour s’être prononcé contre des « Barack Obama italiens ».

Lucien Mpama

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