Docteur Frédéric Okassa Leboa : « les hommes préhistoriques avaient un habitat d’une exceptionnelle beauté »

Mercredi 28 Octobre 2015 - 18:15

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Brazzaville abrite ces 29 et 30 octobre 2015, le colloque international de l’Unesco sur les grottes et les sites archéologiques du patrimoine naturel et culturel mondial transfrontalier de l’Unesco en Afrique centrale. Parmi les points inscrits au cours de ces assises, le  projet de documentaire sur la vallée préhistorique de la Louolo au Congo : un écosystème de quatre sites en grottes du Plateau des cataractes. Pour en savoir un peu plus, Les Dépêches de Brazzaville ont donné la parole à Frédéric Okassa Leboa, docteur en préhistoire et anthropologie, initiateur et coordonnateur scientifique de ce projet.  

Dépêches de Brazzaville : Dans quel cadre s’inscrit ce colloque ? Qu’est ce qui est prévu courant ces assises et lesquels y participeront ?

Docteur Frédéric Okassa Leboa. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme de participation Unesco 2014-2015. Il est proposé à une inscription sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco. Des conférences sont prévues au cours de ce colloque qui connaîtra la participation du professeur Augustin Ferdinand Charles Holl, professeur des universités de Michigan, Chicago (aux États-Unis), de Xiawen (en Chine), de Paris ouest-Nanterre (en France), directeur adjoint du CNRS, il est également le président du comité scientifique mondial de rédaction de l’histoire de l’Unesco pour l’Afrique volume 9. Il dirige à cet effet, trois cents auteurs du monde entier spécialistes de l’histoire africaine. Outre ce professeur il y a aussi le docteur Maurice Dieudonné Malounguila-Nganga, géologue à la faculté des sciences et techniques de l’université Marien Ngouabi, qui a fortement collaboré dans l’organisation de ce colloque, ainsi que la délégation permanente du Congo auprès de l’Unesco et du patrimoine mondial de l’Unesco pour l’Afrique…

DB : Les experts aborderont le sujet relatif à la préhistoire du Louolo. Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

DFL : Le Val de Louolo est une aire géographique recélant un splendide patrimoine de l’humanité concernant l’époque préhistorique. Celui-ci est élucidé par nos diverses études en archéosciences. Nous insistons sur la méthode de la recherche dite « site catchment analysis » qui nous a permis en une approche systémique de reconstituer la vie des hommes dans les périodes du passé, lorsqu’ils étaient des chasseurs-cueilleurs, collecteurs et pêcheurs. Il s’agit d’une approche en paléoéconomie, finalisant la description d’un habitat, en décryptant la mobilité quotidienne et saisonnière des populations qui s’y installaient, pour exploiter les abondantes ressources naturelles que recèle encore de nos jours cet écosystème. En y arrivant, on observe que les hommes préhistoriques avaient un habitat aux splendides paysages vallonnés d’une exceptionnelle beauté de nos travaux d’enregistrements.  

DB : Comment se présentent les quatre sites en grottes ?

DFOL : Les quatre sites en grottes concernés forment un triangle. Au nord, Bittori/ Meya-Djouari, à l’ouest Mpoka et au sud-est Malala. Ils sont étudiés en une dynamique systémique de corrélation avec d’autres biotopes du voisinage plus ou moins lointain : des biotopes accueillant de nouveaux camps de base, au terme d’un cycle d’implantation. On s’en réfère aux nombreux autres sites en grottes recensés dans la vallée qui accueillaient « ces pensionnaires »  (consécutivement à l’épuisement ou à la raréfaction des ressources spontanées) se mouvaient vers d’autres latitudes ou méridiens. Ce, au terme d’un laps de temps d’exploitation plus ou moins intensive, durant quelques semaines, comme nous l’enseignent les données ethnographiques disponibles relatives aux chasseurs-cueilleurs subactuels dans ces contrées de nos travaux en Afrique centrale atlantique. Parmi ces sites, la Grotte de Bittori a déjà fait l’objet de fouilles et d’une étude approfondie du matériel lithique et osseux recueillis dans 25 niveaux archéologiques. De même qu’à Malala, j’ai découvert pour la première fois au Congo en 2011, des œuvres d’art rupestres.

DB : Cette aire a été proposée sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco ?

DFOL : Lors du forum sur l’environnement organisé à Brazzaville du 10 au 14 mars 2008, les experts de la Central Africa World Heritage Forest Initiative (Cawhfi) ont proposé l’inscription de cette aire de nos recherches sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco. D'où ces travaux d’aménagements préalables que nous y avons entrepris. On voudrait en retenir que la richesse des données préhistoriques dans cette vallée d’abondance mérite une description analytique permettant de démocratiser la culture archéologique, en rendant accessibles ces données à un large public, en créant un circuit de découverte de la vie des chasseurs-cueilleurs à l’aube de l’humanité. Un enseignement de la préhistoire à formaliser finalisera l’esquisse d’une approche dynamique et interactive familiarisant l’aire de nos recherches à ses visiteurs. On identifiera les espaces d’activités en observant les données des écosystèmes guidant la mobilité quotidienne des hommes préhistoriques en un habitat saisonnier.

DB : Quels avantages pourra tirer chaque visiteur ?

DFOL : Chaque visiteur pourra ainsi expérimenter de manière convaincante et pertinente, alternativement les différents circuits que sont : les itinéraires relatifs à la collecte de la matière première minérale donnent lieu à des observations en pétrographie sur les matériaux siliceux que prélevaient parfois de manière sélective, les hommes préhistoriques dans cette vallée, pour fabriquer des outils en pierre. Les circuits de découverte en archéobotanique concernent l’exploration de territoires de forêt-galerie relictuelle, pour identifier et collecter des ressources végétales spontanées comestibles, en forme d’initiation ou d’observations en anthropologie économique. La démarche dans ce circuit consistera pour le visiteur à découvrir ou à prélever parfois, ces ressources végétales : feuilles, bulbes à déterrer ou à cueillir, baies sauvages, fruits variés et champignons qui composaient le menu quotidien des hommes préhistoriques. On peut y envisager également, un itinéraire de collecte des chenilles ou de capture de variétés de sauterelles particulièrement prisées, en raison de leurs apports protéiniques reconnus et appréciés de nos jours encore par les populations agro-pastorales actuelles. Il s’agit avant tout, d’un circuit écotouristique de premier plan à créer, sur le thème du patrimoine de grottes aux plafonds et aux parois assimilables à des cathédrales souterraines sculptées, aux colonnes et coulées de stalactites d’une splendeur exceptionnelle.

DB : Où est située cette aire culturelle ?

DFOL : Cette aire culturelle de grottes et son bassin d’approvisionnement en ressources naturelles sont localisés à 180 km à peine, au nord-ouest de Brazzaville, à la frontière de Mindouli et de Kindamba, sur un rayon de 5 km2. C’est un site aux confluences de la Louolo descendues des hauteurs de Mboala Maouolo (655 m) : de la Kouaka venue de Kindamba-Ngouédi, et de la Nzouala, venue de Mboala Maoulo. Et sur sa rive droite, la Louolo reçoit la Djouari et la Louhoulou, sorties de la forêt primaire de Bangou.

 

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : le docteur Frédéric Okassa Leboa Photo 2 : le docteur Frédéric Okassa Leboa sur le site Photo 3 : le docteur Frédéric Okassa Leboa lors d'un exposé

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