Julienne Alurice Nkanza Miambi : « Être entretenue c’est bien, mais avoir un travail c’est meilleur.»

Samedi 18 Avril 2015 - 10:31

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Julienne Alurice Nkanza Miambi, la trentaine, mère d’un petit garçon de 7 ans entre dans le monde de la céramique en 2004. Tout commence avec l’ingénieur Albert Kinzonzolo qui l'initié dans son atelier de céramique à Makélékélé. L'espace est connu pour avoir produit de beaucoup d’artiste céramistes. Sortie de ces moules, Julienne n’a qu’une seule envie aujourd'hui : transmettre ce qu’elle a appris à la nouvelle génération. Rencontre.

Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est ce qui vous a motivé à faire de la céramique ? 

Julienne Alurice Nkanza Miambi : C’est ma rencontre avec Albert Kinzonzolo, un homme exceptionnel, passionné de son art, qui a tout de suite réussi à me la communiquer.  Et le jour où j’ai touché à l’argile ça été comme un coup de foudre.  Ce contact m’a donné envie d’aller plus loin, d’explorer cet univers. De plus, quand j’ai fait mes recherches, j’ai découvert que la poterie ainsi que la céramique faisaient partie de notre histoire puisque nos ancêtres se sont servis de cet art pour confectionner des outils à usage ménager et de décoration.  À partir de ce moment, la céramique a commencé à prendre de plus en plus de place dans ma vie. Quelques temps après, j’ai découvert un tableau de peinture laissé par mon défunt père, je l’ai nettoyé et j’ai cherché à savoir comment il était arrivé à ce résultat. Alors, j’ai commencé à peindre à mon rythme jusqu’au moment où j’ai acquis une certaine expérience.

La céramique est au départ un passe temps pour vous. Avec le temps, elle est devenue une passion. Comment l'expliquez-vous ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : Elle est devenue une passion parce que je me suis entièrement investie dans cet art. Grâce à ma connaissance livresque et à ma pratique régulière dans l’atelier, je me suis rendue compte que je ne pouvais plus me passer de la céramique. Et aujourd’hui, mon seul souhait est de partager cette passion avec les enfants puisqu’en se distrayant, ceux-ci fabriquent des œuvres dont le résultat est plutôt remarquable.

Comment se font les enseignements ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : Nous avons des séances de travail dans la semaine, mais elles sont plus animées en week-end et pendant les vacances avec le projet « chantier vacances ». Je forme depuis deux ans une dizaine d’enfants dont la tranche d’âge varie entre 5 et 15 ans. Je leur apprends la céramique tout en insistant sur sa valeur dans notre société.

Avez-vous des enfants qui se démarquent et pour qui vous avez un suivi régulier ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : Oui, ces enfants existent, mais les parents sont encore réticents parce qu'ils considèrent le métier d’artiste comme improbable. Mais quand on a le talent il faut l’exploiter et puis tout le monde ne peut pas être ingénieur, médecin, avocat. J’espère seulement que leurs travaux pourront un jour faire l’objet d’une exposition, car ils ont du talent et c’est dommage qu’ils s’arrêtent au milieu du parcours.

En tant que céramiste, quelle sont les difficultés dans ce travail ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : Le plus difficile dans ce travail reste la décoration. Parce qu’une œuvre toute simple ne peut attirer. La décoration fait intervenir le matériel d’ornement : gouache, peinture, émaux. Des produits difficiles à trouver sur place et en ce qui me concerne je fais mes commandes à Limoges.

Comment faites-vous pour écouler vos pièces ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : L’écoulement des produits artistiques est un réel problème au Congo. En outre beaucoup de Congolais assimilent la céramique au fétiche (masques). J’ai cependant réussi à établir un carnet d’adresses et la majorité de mes clients est étrangère. Mais à l’heure actuelle, les ventes sont rares et les mesures qu’on vous impose quand vous sollicitez une exposition sont lourdes. Dernièrement on m’a demandé de verser une somme de 250.000 FCFA pour disposer d’une salle. Mais où vais-je trouver cette somme. Autre solution, c’est d’avoir un réseau. Mais pour contourner toutes ces difficultés, j’ai créé une page facebook, une fenêtre à travers laquelle de plus en plus de personnes me contacte. Ce n’est pas suffisant, je le reconnais.

Combien coûtent vos articles en moyenne ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : Ils sont accessibles à toutes les bourses congolaises, selon moi. Il y a des articles à 2500, 5000 et à 125.000 FCFA. De plus, les prix ne sont pas figés, ils sont discutables. Pour la peinture, les tableaux varient entre 50.000 FCFA et au-delà. 

Où puisez-vous votre d’inspiration ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : La femme m’inspire beaucoup, ses luttes, ses peurs et ses espoirs. Marginalisées dans nos sociétés, beaucoup ne connaissent pas leurs droits. En tant que mère, je m’intéresse aussi aux enfants, ces êtres fragiles et vulnérables qui sont souvent maltraités au sein de leurs foyers.

Un message à la femme ?

Julienne Alurice Nkanza Miambi : la femme doit prendre sa vie en main. Cela veut dire qu’elle doit se battre pour obtenir son indépendance financière. Être entretenuE c’est bien, mais avoir un travail ou une activité, c’est meilleur.

 

 

Propos recueillis par Berna Marty