Babeth Ebeka Mulumba : « Je pense que la progression logique d’une meilleure qualité de vie individuelle, c’est une meilleure vie dans la société »Mercredi 15 Avril 2015 - 14:15 Pasteur, militante des droits humains, agent de la FMI, épouse et mère de six enfants, Babeth Ebeka Mulumba, congolaise de 41 ans a un parcours exceptionnel. Sa maxime « Love with all your heart » (aimer avec tout son cœur en français), un modèle de vie qu’elle s’est imposée dans ce qu’elle entreprend au quotidien et cela lui réussit bien. Récompensée la semaine dernière au sein de son administration, Babeth nous parle de son parcours.
Les Dépêches de Brazzaville : Comment peut-on vous présenter ? Babeth Ebeka Mulumba : J’ai plus de 20 ans d’expérience professionnelle. J’ai commencé comme administrateur, puis manager d’entreprise, ensuite assistante juridique, et enfin assistante comptable. J’ai eu le Bac A2 au Lycée français d’Addis-Abeba et un bachelor degree en comptabilité (soit, Bac+4) à Washington, DC. Depuis combien temps travaillez-vous à la FMI et quelles sont vos taches au quotidien ?? Je suis au Fonds monétaire international depuis avril 2002 où j’ai été recrutée comme secrétaire. Grâce à mon bagage professionnel, et après avoir parfait mon cursus universitaire dans l’entre-temps, j’ai gravi les échelons en saisissant les opportunités qui se sont offertes à moi. Actuellement, je suis Responsable Budget de la Division de « Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ». Ma tache consiste à projeter, surveiller et analyser les dépenses annuelles de la division. Vous êtes très impliquée dans la vie sociale dans l’état du Maryland où vous œuvrez au sein de votre église. Pouvez-vous nous partager votre expérience ? Les services sociaux sont très développés et gratuits aux État-Unis où je vis, mais les procédures administratives sont souvent complexes. Donc, quand on me présente quelqu’un j’essaie de l’aider à comprendre le système afin de le faire bénéficier de tous les services disponibles. Il y a deux ans, j’ai créé un ministère chrétien dans l’État du Maryland qui travaille avec les autorités pour aider les communautés. Le ministère n’est pas limité aux femmes africaines, mais on est ouvert à toute personne qui est dans le besoin. En tant que femme pasteur, avez-vous eu du mal à vous imposer dans votre entourage professionnel ? M’imposer ? Je n’ai pas besoin de le faire. Dans le travail de Dieu, nous sommes appelés à servir notre entourage. C’est souvent une erreur de vouloir se faire accepter par les autres. Je pense que le fruit de notre travail s’impose sans qu’on ait à se débattre pour ça. Pour moi, je n’exige pas cette reconnaissance. C’est vrai qu’aujourd’hui dans nos églises de réveil, les titres sont devenus de plus en plus repandus alors que nous devrions uniquement être de simples serviteurs de Dieu. Les femmes ou les jeunes filles au niveau de votre ministère, ont-elles des enseignements en ce qui concerne leur apport dans le développement durable de leur pays ? Je pense que la progression logique d’une meilleure qualité de vie individuelle, c’est une meilleure vie dans la société. Je crois que lorsqu’une jeune fille devient une femme responsable, forte, et entrepreneur, comme nous le décrit le Proverbe 31, elle sera une femme et une mère capable d’élever des leaders pour sa nation et pour le monde. Et par ses entreprises, elle participera directement au développement économique de son pays, quel qu’il soit. Donc, l’une de nos occupations c’est de soutenir les femmes, à tout âge, par des enseignements bibliques qui les rendent fortes et prospères. Dans la ville où vous travaillez, les femmes ont-elles conscience que leur indépendance financière peut changer leur vie ? Bien entendu. Le défi que nous avons à relever ce n’est pas au niveau de la prise de conscience, parce que tout le monde veut être financièrement indépendant dans le but d’une vie plus satisfaisante. La difficulté à la quelle nous faisons face, c’est de donner aux femmes une confiance en soi ; les emmener à croire qu’en Jésus-Christ. Elles sont capables d’atteindre cette indépendance financière même si elles ne sont pas mariées. Nous voyons souvent les femmes se décourager et jeter l’éponge parce qu’elles se minimisent en pensant que sans un appui masculin, elles ne pourront pas prospérer financièrement. Je ne dis pas que les femmes n’ont pas besoin de se marier, mais je dis simplement qu’elles peuvent commencer à se supporter avant même de se marier. En tant que pasteur que pensez-vous de l’égalité entre hommes et femmes ? Ça dépend de ce que chacun entend par égalité. Biologiquement, nous sommes différents, les femmes ont des organes que les hommes n’ont pas, et vice versa. Psychologiquement, les femmes sont plus dirigées par leurs sentiments que par leur raison, pendant que les hommes sont plus dirigés par leur raison que par leurs sentiments ! Au niveau professionnel, nous parlons d’égalité, parce que les tâches et les responsabilités sont exactement les mêmes. Qu’un comptable soit femme ou homme, les tâches sont les mêmes, et donc la paie devrait être la même. Mais dans beaucoup de pays, ce n’est pas encore le cas et nous les femmes sommes encore en train de nous battre sur ce point. Nous croyons que nous y arriverons ! Votre église a-t-elle l’ambition de s’étendre sur l’ensemble de l’Afrique ? Pas pour le moment. La vision que Dieu nous a donnée c’est de gagner le plus grand nombre en Christ pour faire d’eux des champions dans ce monde, des hommes et des femmes qui marchent dans la victoire dans tous les domaines de leur vie, et sont capables d’influencer leur environnement avec le bien et le salut de Jésus-Christ. Quels conseils pouvez-vous donner aux autres femmes qui désirent devenir pasteur ? Pour celles qui veulent servir Dieu dans le ministère (pas seulement le pastorat), elles désirent une chose merveilleuse. C’est le travail par excellence. Tous les conseils que je pourrais donner se résument en ceci : soyez fidèles à Dieu, aimez-le de tout votre cœur, de toutes vos forces et de toute votre âme. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’excuses et il n’y a pas de compromission avec le monde. Il faut appeler « péché » ce que Dieu appelle « péché ». Aimer Dieu, c’est lui obéir, quelles que soient les circonstances. Et aimer Dieu, c’est aimer tout le monde selon la définition de l’amour dans 1 Corinthiens 13 : l’amour pardonne tout, supporte tout, excuse tout, croit tout, ne soupçonne pas le mal, etc. Le Saint-Esprit nous rend capable d’obéir sans compromis et d’aimer comme Dieu nous a aimés. Pasteur, agent de la FMI, épouse et mère. Comment arrivez-vous à concilier toutes ses casquettes ? Comment concilier ? Par la bonne volonté à bien faire, Dieu m’aide chaque jour. Je ne compte que sur sa grâce avec le Saint-Esprit. Je m’éduque constamment et sur tout ce qui peut m’aider à m’améliorer en tant qu’épouse, en tant que mère et aussi professionnellement. On n’a jamais fini d’apprendre et comme disait l’Apôtre Paul : « je ne pense pas avoir atteint le but ». Beaucoup d’autres femmes font ce que je fais, mais sans Dieu, il y a toujours un côté qui en pâtit : soit la relation maritale devient fade, soit les enfants deviennent délinquants, soit on néglige son boulot, soit le ministère est souvent en pause. Pour moi, tout marche à merveille à cause du Saint-Esprit. Je dois aussi à mon mari qui est un homme craignant Dieu et qui aime les gens. Il m’aime et me soutient et m’encourage quand j’ai de nouvelles idées, des nouveaux projets. Ça me donne une force à tout affronter ! À quoi ressemble une journée de Babeth ? En gros et en général, 5h prière, 6h je m’apprête avec le bébé, m’assure que tout les enfants sont aussi en train de s’apprêter pour l’école, bisous à tout le monde, 7h00 départ pour le FMI, 18h retour à la maison, un temps avec les enfants à faire les devoirs, à discuter et rigoler un peu, à préparer et dîner, 22h les enfants au lit, je suis dans le 2e ministère, 1h dodo. (Le 1e ministère, c’est ma maison).
Propos recueillis par Berna Marty Légendes et crédits photo :Babeth Ebeka Mulumba |