Publication : Nyaba Léon Ouedraogo, « Si le fleuve disparaît, c’est tout le Congo qui disparaît. »

Mercredi 18 Février 2015 - 9:30

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Nyaba Léon Ouedraogo, photographe contemporrain, originaire du Burkina Faso, vit un pied à Paris et un pied à Ouagadougou. Lauréat du Prix de l’Union européenne et de la Fondation Blachère en 2011, il est venu poser son objectif au Congo après avoir travaillé au Ghana ou en Mauritanie.  Le résultat de sa traversée du Fleuve est le beau livre Phantoms of Congo River publié aux éditions Vus d’Afrique. 

Qu’est-ce qui a motivé cette démarche d’aller au Congo ?
Nyaba Léon Ouedraogo : J’ai été inspiré par le livre de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres (paru en 1889 NDLR), et j’ai décidé d’aller au Congo. Je ne savais pas à quoi m’attendre mais quand je suis arrivé, j’ai vu le fleuve. Je me suis demandé pourquoi ce fleuve aussi mythique et mystique inspire autant de monde ? Qu’est-ce-qu’il a de particulier ? Je me suis lancé dans une traversée photographique autour de ce fleuve Congo. J’ai voulu travailler sur le côté Brazzaville qui est un peu méconnu.

Il y a justement une empreinte mystique très forte dans les premières photos et, à la fin, une incursion dans la réalité. Qu’est ce qui a inspiré ces photos avec beaucoup de symbolique ?
Dans ces photos je voulais replacer l’Afrique dans son contexte. Les valeurs de l’Afrique sont ancrées dans le mysticisme. Conrad parlait d’une Afrique barbare, sauvage. Je voulais retrouver quelque chose de pacifique, d’harmonieux, de sensuel, de mystérieux dans ces images. C’est pourquoi j’ai recherché cet équilibre entre le mystique et le mystère. La photo de couverture représente le côté mystique de l’Afrique : l’eau qui est la naissance, le feu…Tout cela donne quelque chose de symbolique à ce fleuve.

Il y a des photos qui sont une incursion dans la réalité. Aviez-vous déjà des idées, des images ou bien vous êtes-vous uniquement laissé guider par le ressenti découvert sur le terrain ?
En tant que burkinabe, par la télévision, nous voyons ce qui se passe au Congo mais en y allant je n’ai pas eu d’à priori. Pour moi les Congolais sont des frères. Dans les enfants qui jouent au bord du fleuve aujourd’hui, je retrouve mon enfance quand j’allais nager au bord du marigot. Je voulais aller découvrir ce fleuve, la jeunesse, la population. Les gens craignent le fleuve autant qu’ils l’aiment, car c’est une source de nourriture, on voyage avec ce fleuve, etc. Il représente un tout pour les Congolais que ce soit du Congo Brazzaville ou au Congo Kinshasa.

Le livre s’intitule Fantômes du fleuve Congo. Est-ce que le fleuve continue à vous habiter ? Qu’avez-vous rapporté de ce voyage ?
Je vis à cheval entre Paris et le Burkina Faso et le Fleuve m’a permis d’être moi-même et de renforcer mon identité. Ce voyage m’a donné une ouverture et en même temps une histoire forte de l’Afrique. Il m’a permis de grandir, de revoir mon catalogue intellectuel. Ce fleuve continue de m’habiter : j’ai eu peur sur le fleuve, j’ai éprouvé de la joie, j’ai voyagé… J’ai été marqué par ce temps déséquilibre/équilibre qui se passe dès que l’on monte sur une barque.

Est-ce ce sentiment de déséquilibre/équilibre que vous avez voulu traduire avec ce mélange de clichés avec un travail autour du flou, d’autres au contraire où l’image est très précise ?
La photo floue c’est l’espace invisible dans laquelle tout devient possible. En tant que photographe, il y a des choses que je vois, mais je souhaitais montrer que le fleuve Congo est plus que ce qui transparait au simple regard. Arrêtez-vous un moment, prenez le temps de regarder, descendez un peu le fleuve, tournez au bord de la rivière et vous allez voir des choses qui sont autant réelles que mystiques et vivantes à l’image de ce Congo d’aujourd’hui.

Avez-vous prévu que les photos soient exposées à Brazza ?
Je voudrais que ces photos aillent au Congo pour la jeunesse congolaise. Qu’elle voie ces images et essaye de rêver qu’au-delà de leur quotidien qui paraît être dur, il y a quelque chose de beau, de mystique, de mystérieux et en même temps d’humain dans ce fleuve. Ce fleuve est tout pour eux et il faut aussi le protéger. Car si le Fleuve disparaît, c’est tout le Congo qui disparaît. 

Informations pratiques  : 

Phantoms of Congo river,  

Editions Vus d’Afrique : vusdafrique.com

contact : contact@vusdafrique.com

 

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Photos : The Phantoms of Congo river (2011-2013).Courtesy Nyaba L. Ouedraogo