Emmanuel Dongala: « Ce qui m’enchante c’est la rivalité fraternelle qu’il y avait entre Sony, Matondo et Moi. C’est l’époque clé…»

Vendredi 30 Janvier 2015 - 21:30

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Romancier et dramaturge, Emmanuel Dongala, est aussi chimiste. Figure majeure de la littérature africaine avec six romans, dont le dernier Photo de groupe au bord du fleuve (Actes Sud, 2010). A travers le récit d’une lutte sociale au Congo portée par les femmes, Dongala, dénonce les discriminations et les inégalités dont souffrent les femmes africaines, d’aujourd’hui. Ce livre qui a reçu le Prix Virilo 2010 est porté au théâtre par la compagnie des sans voix sous la férule de Gilféry Ngamboulou. La troupe française Ultima Chamada est en train de monter cette pièce. L’auteur qui vit aux Etats-Unis, où il enseigne la littérature francophone, et bien sûr aussi la chimie, est à Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelle est la raison de votre présence au Congo ?

Emmanuel Dongala : Je suis invité par l’Institut français du Congo, de deux villes, Pointe- Noire et Brazzaville. A Pointe-Noire, j’ai donné une conférence sur mon travail d’écrivain.  Ensuite, j’ai assisté à une répétition des élèves du lycée de Mpaka qui sont en train de mettre en scène, avec de la musique, les extraits de Johnny Chien Méchant. Par ailleurs, on a eu une discussion en lingala et en kituba (langues nationales du Congo, Ndlr) avec les filles de la rue recrutées par Actions de santé solidarité (A.S.I), qui apprennent les métiers d’hommes ainsi qu’on  considère la peinture auto, la mécanique auto…bien sûr aussi des métiers traditionnels, la coiffure, la couture etc. A Brazzaville, je présente mon dernier livre Photo de groupe au bord du fleuve à l’Institut français , et assisterai à la représentation théâtrale de ce livre par le Théâtre des sans voix dans une mise en scène de Gilféry Ngamboulou.

L.D.B : Comment avez- vous réagi à la proposition d’adapter votre œuvre ?

E.D : C’est très intéressant…je vois cette nouvelle relève.  Ce qui est aussi intéressant, c’est le regard du metteur en scène. Ainsi, lorsqu’il m’a contacté, j’ai donné mon autorisation. Il faut toujours donner sa chance au jeune. Je lui laisse l’entière liberté.

L.D.B : A Brazzaville, vous aviez dirigé le théâtre de l’Eclair, au début des années 1980. Votre grand souvenir ?

E.D : Il y a tellement de souvenirs. Ce qui m’enchante toujours, c’est la rivalité fraternelle qu’il y avait entre Sony Labou Tansi du Rocado Zulu Théâtre, Matondo Kubu Turé de la troupe Ngunga et le théâtre de l’Eclair que je dirigeais.  Si bien que les autres troupes nous ont surnommés les SOMADO (les initiales de leurs noms, SO pour Sony ; Ma pour Matondo et DO pour Dongala), parce que nous dominions un peu la scène. Des rivaux, mais surtout des grands amis, nous allions au spectacle des uns et des autres.

L.D.B : Sur quoi portait cette rivalité ?

E.D : Nous avions des buts différents. Le théâtre de Sony tournait autour de ses textes ; Moi par contre, je prenais des textes par-ci et par-là, on jouait des auteurs japonais, français comme Jean Paul Sartre etc. On était aussi très fort sur la gestuelle. Matondo Kubu Turé incarnait un théâtre plutôt provocateur… Mais le plus important c’est qu’on se fréquentait, on rivalisait. C’était une époque clé.

L.D.B : Parlez-nous de l’actualité théâtrale ou cinématographique de vos œuvres…

E.D : Comme je viens de vous l’annoncer, Johnny Chien méchant est entrain d’être créé par les jeunes du lycée de Mpaka à Pointe- Noire. La compagnie de théâtre  Ultima Chamada va monter Photo de groupe au bord du fleuve, l’été prochain en France. J’ai déjà reçu des demandes d’adaptation au cinéma de ce livre, mais je ne me suis pas encore décidé, car la plupart sont des hommes. Mon souhait est de voir une femme le porter à l’écran.

L.D.B : Quel conseil donnez-vous aux jeunes auteurs ?

E.D : Raturez sans cesse et lisez beaucoup. Une œuvre, c’est 90% de travail et 10% seulement d’inspiration.

 

Bibliographie :

-Photo de groupe au bord du fleuve (Actes Sud, Paris, 2010) prix Virilo 2010 


-Johnny Chien Méchant (Le Serpent à plumes, Paris, 2002) 


 -Les petits garçons naissent aussi des étoiles (Le Serpent à plumes, Paris, 2000) 


-Jazz et vin de palme (Le Serpent à plumes, Paris, 1996) 


-Le feu des origines (Albin Michel, Paris, 1987) 


-Un fusil dans la main, un poème dans la poche (Albin Michel, Paris, 1974)

 

Propos recueillis par Roll Mbemba

Légendes et crédits photo : 

Photo: L'écrivain Emmanuel Dongala; ©kinzenguele