Portraits d’Africajarc : Hemley Boum & Nathalie PhilippeSamedi 10 Août 2013 - 11:45 Chaque semaine, découvrez le portrait de personnalités croisées au festival Africajarc, le festival des cultures africaines. Cette semaine, place à deux écrivaines publiées aux éditions La Cheminante La Cheminante, petite maison d’édition située à Ciboure, dans les Pyrénées-Atlantiques, s’est donnée pour mission d’explorer les différences culturelles qui fondent notre humanité à travers notamment la littérature francophone du Sud. Sylvie Darreau, présidente de La Cheminante, redonne son sens au métier d’éditeur : une histoire d’amitié avec ses auteurs, un accompagnement sur le long terme et l’ambition de véhiculer des idées et des valeurs qui lui sont chères afin d’« éclairer le quotidien et rêver l’ailleurs ». La Cheminante participait pour la première fois au festival Africajarc avec deux auteurs au programme. Hemley Boum L’écrivaine camerounaise y présentait son deuxième roman Si d’aimer… Née en 1973 à Douala, elle étudie les sciences sociales et l'anthropologie et part trois ans à Lille où elle valide un troisième cycle en marketing. Elle travaille d’abord à Paris puis décide de retourner au Cameroun en tant que responsable du service des grands comptes de la filiale camerounaise d’une société française. Elle s’envole ensuite en famille pour la République centrafricaine, le Nigéria, la Gambie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Mali. Ces pays, ces expériences, ces rencontres, tout cela crée le terreau de son écriture. De retour en France il y a quatre ans, elle décide de se lancer, et en octobre 2010 paraît son premier roman, Le Clan des femmes, chez L’Harmattan. Un style est né, Hemley Boum porte un regard bienveillant sur le monde, les gens, la vie et son écriture, pleine d’humour et d’espoir, met en perspective la destinée humaine dans la société contemporaine. Le Clan des femmes est basé sur l’histoire de sa grand-mère à travers le personnage de Sarah, née dans un petit village africain au début du XXe siècle. À sa mort, Hemley Boum n’a ni lettres ni photographies, elle décide donc de retranscrire les confidences que sa grand-mère lui a faites afin de « faire trace » et donner plus généralement la parole aux femmes. Sarah est mariée à l’âge de neuf ans, enceinte très jeune et fait face à la polygamie, une trajectoire qui illustre les réalités de l’époque et la difficulté d’être fille, épouse ou mère. Le livre a connu un vrai succès d’estime, ce qui l’a encouragée à écrire un deuxième roman. Hemley Boum fait la connaissance de Sylvie Darreau lors du Salon du livre de Paris en 2012, elles ont tout de suite été sur la même longueur d’ondes : Si d’aimer… paraît en novembre 2012. Trois voix se mêlent, celles de Salomé, Valérie et Moussa autour du destin de Céline, prostituée de luxe atteinte du sida. La maladie est un prétexte pour décrire les turpitudes des relations amoureuses et amicales dans la société camerounaise contemporaine. On suit la destinée de ces personnages, leurs choix et comment ils parviennent à réinventer leur vie. Si d’aimer… faisait partie de la sélection du prix littéraire Kourouma 2013 du Salon international du livre de Genève. Un troisième roman est en projet, cette voyageuse ouverte sur le monde base toujours son action au Cameroun car son imaginaire y est ancré mais c’est un point de départ vers l’universel : « la magie de la littérature », explique-t-elle. Nathalie Philippe Nathalie Philippe présentait quant à elle son recueil d’entretiens publié en mai à La Cheminante, Paroles d’auteurs ! Afrique, Caraïbe, océan Indien. Née en 1976 en France, elle suit un cursus en lettres classiques puis en littérature comparée à l’université Paris IV-Sorbonne où elle découvre les littératures francophones du Sud. Elle se consacre depuis à l’exploration et à la promotion des livres d’Afrique, de la Caraïbe et de l’océan Indien via la revue Cultures Sud dont elle a été rédactrice en chef et son activité de journaliste culturelle. Elle est aujourd’hui en charge des programmes d’aide à la publication pour les pays du Sud à l’Institut français de Paris, dont le programme d’aide à la cession Nord-Sud qui a pour objectif d’aider les éditeurs du continent africain à acquérir les droits de livres d’auteurs francophones publiés initialement au Nord et de faciliter leur circulation au Sud à des prix adaptés au marché local. Mais elle est à Africajarc en tant qu’auteur : Nathalie Philippe a publié un premier roman en 2010 aux Éditions Desnel, Deux mariages, deux couples. Version moderne d’Anna Karénine de Tolstoï, le roman navigue entre la Russie, la France et le Congo. S'instaure un dialogue entre la défunte Xéna, qui s'est donné la mort par amour, et son amie Illiana. L’ouvrage livre une interrogation sur le couple dans la société moderne, sur les rapports interculturels et sur la notion d’identité nationale qui faisait alors débat. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs, tels qu'Algéries 50 publié par les Éditions Magellan en 2012. Paroles d’auteurs ! est né de ses nombreuses années à côtoyer les plus grands auteurs francophones. Vingt-deux auteurs, romanciers, poètes, essayistes ou dramaturges, venus de tout l’espace francophone, forment dans ce recueil une mosaïque littéraire et expriment leur vision du monde à travers leur œuvre, leurs convictions, leurs émotions. Un ouvrage tribune, polyphonique, qui livre une parole vraie. Ces auteurs, d'Alain Mabanckou à Henri Lopes en passant par Tanella Boni, si différents dans leur parcours et leur démarche se retrouvent sur de nombreux thèmes communs : le rapport à l’écriture, l’appropriation de la langue française, le combat des femmes… L’ouvrage atteint son but, celui d’éclairer autrement l'Afrique, la Caraïbe et l'océan Indien et de regarder vers l’avenir. Nathalie Philippe nous a livré ses nombreux projets : tout d’abord, celui d’un blog de chroniques littéraires axé sur les auteurs du Sud édités au Sud ou par de petites maisons d’édition françaises. L’idée est de donner une fenêtre aux auteurs et aux éditeurs qui ne sont pas assez mis en avant et qui le méritent, de leur donner une visibilité face aux grandes maisons d’édition qui phagocytent la critique et le marché du livre. Ce projet est né à Brazzaville en février lors du festival Étonnants Voyageurs alors que de nombreux auteurs congolais n’étaient pas inclus dans la programmation faute d’être publiés et reconnus. « Ces écrivains ont besoin d'un petit coup de pouce pour que la parole circule », explique-t-elle. En parallèle a germé l’idée d’un deuxième volume de Paroles d’auteurs ! consacré à des auteurs plus méconnus, le premier volume ayant fait la part belle à des écrivains déjà très diffusés. Un deuxième roman est également en cours, autour d’une rencontre forte entre une jeune française et un vieux monsieur rwandais. Comme dans son précédent roman, c’est la confrontation et le dialogue des cultures qui intéressent profondément Nathalie Philippe. Les auteurs publiés par La Cheminante viennent tous d’horizons très différents, mais ce qui les relie c’est cette ouverture vers l’autre et vers le monde. Plus d’infos sur Lacheminante.fr Pauline Pétesch Légendes et crédits photo :Photo 1 : Hemley Boum ; Photo 2 : Nathalie Philippe (© Adiac) |