Marché de la poésie 2014 : discours d'acceptation du Prix Mokanda de Gabriel Mwènè OkoundjiSamedi 14 Juin 2014 - 13:30 Le poète congolais Gabriel Mwènè Okoundji, lauréat du Prix littéraire Mokanda, a reçu son trophée et sa dotation des mains du Président du Jury, Henri Lopes, lors de la cérémonie d'ouverture du 32ème Marché de la poésie. Son discours a touché de nombreuses personnes présentes dans l'assistance qui ont souhaité pouvoir se le procurer. Le voici dans son intégralité pour nos lecteurs : Cher Henri, yaya, kulutu ! De recevoir de tes mains ce Prix est au-delà de tous les honneurs. Dans mon cœur, dans l’émotion de mon regard et dans les parcelles de ma mémoire, ta simple présence ici à mes côtés, ici à la place Saint-Sulpice, ici devant cet auditoire, revêt pour moi un symbole. Un symbole puissant qui féconde l’offrande. Tous les chemins partent de la poésie et mènent à la place Saint-Sulpice : Rome n’est qu’une escale ! Cher Henri, cher aîné, tu demeures de ces balakisi nzela de phratrie congolaise. Alors permets-moi. Permets-moi de partager cet instant avec Jean-Blaise Bilombo Samba, ici présent dans l’assistance. Salut à toi Jean-Blaise, salut au poète, toi le porteur du souffle, toi Jean-Blaise qui, à défaut du regard, sais désormais encore mieux que quiconque appréhender habilement la lumière du poème, même dans la noire nuit, même dans la nocturne du jour. Ma mère m’a dit un jour : « Okoundji, il faut savoir être heureux quand vient l’instant de l’être ». Ce Prix, je ne sais pas si l’apprenti-poète en moi est à la hauteur de la récompense. J’ai simplement le sentiment d’avoir entrouvert une porte ; juste une. J’ai simplement pris le sentier qui est le mien dans les coordonnées de la marche de la vie, au pas de la cadence lente qui est la mienne. J’ai tracé un chemin, un maigre chemin que j’ai assumé avec obstination, épuisement, chance et bonheur. L’ai-je suffisamment exploré, traduit, étudié et admiré ? Je l’ignore. Je sais simplement qu’aucune quête ne se dépasse et ne s’achève. C’est donc en toute humilité, en toute simplicité d’âme, que j’accepte ce Prix. Et tout naturellement, je me tourne vers mes compagnons en poésie : chers poètes, ce Prix est le nôtre, il est notre trophée commun. J’ai coutume de penser que dans les veines de chaque poète, coule le sang mâle et femelle des grands-parents et des arrières grands-parents de l’univers. Il nous appartient au jour le jour, à la nuit la nuit, de révéler sans fin ni cesse l’éclat du feu de l’univers. La vie n’est douloureuse qu’aux frontières externes de la poésie. Seule la poésie libère l’homme de la prison de l’ici et maintenant, et le préserve subséquemment du flux des dénivellations inhérentes à l’existence. Telle est notre mission, tel est notre combat : faire métier de poète est un acte de foi. Et je me tourne vers vous, mes chers éditeurs, mes chers amis, frères et sœurs : le poète en moi dans sa conquête des mots de terre et de ciel, dans son cheminement, vous doit beaucoup. Je sais la part reçue ; elle est immense. Et je vous sais heureux autant que moi, mais aussi fiers de ce Prix, le Prix Mokanda, et du Prix Léopold Sedar Senghor qui me sera remis le samedi prochain. La marche continue, demain est un autre jour. Alors apprenez-moi : Apprenez-moi encore à reconnaître dans la vase, le limon, dans le sable, dans la poussière, dans le poto-poto, la trace et l’empreinte de mes pas. Apprenez-moi encore à douter, afin que je puisse mieux connaître le sentier. Apprenez-moi à être homme encore, parmi les hommes. ABU, BIA ! Paris, le 11 Juin 2014
Gabriel Mwènè Okoundji |