Théâtre : 20 réfugiés subsahariens dans le spectacle "RESPIRO- JE RESPIRE" à Rome en Italie

Vendredi 15 Juillet 2016 - 22:23

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A l’heure où le bilan des naufrages des migrants en Méditerranée a dépassé 1500 victimes depuis le début de l’année 2016, et que les journaux télévisés ont banalisé des naufrages des bateaux des trafiquants transportant les réfugiés des côtes libyennes vers l’Italie, la compagnie de théâtre ArteStudio regroupe dans le spectacle « RESPIRO- JE RESPIRE » une vingtaine de réfugiés, originaires d’Afrique de l’Ouest : Mali, Sénégal, Ghana, Togo et Gambie.

Ces jeunes ont en commun la même trajectoire : ils ont réussi à échapper à la mort au cours de leur traversée. D’abord, dans les camions sur les pistes cahoteuses du Sahara, ensuite, sur des bateaux en Méditerranée où n’est pas rescapé qui le veut. « Nombreux de nos amis sont décédés lors des naufrages meurtriers», confie l’un d’eux. Plusieurs chalutiers se sont noyés en Méditerranée emportant de nombreuses vies.

Ils sont hébergés dans le Centre des demandeurs d’asile « C.A.R.A », à quelque 20 km au nord de Rome, où ils attendent la décision de leur procédure : obtenir le titre de séjour ou le renvoi dans leurs pays.

Cette pièce célébrée comme une messe, se veut un hommage à ceux qui ont péri dans la mer. Ceux qui ne respirent plus. « Respiro-Je respire » évoque le souvenir terrifiant du garçon kurde retrouvé mort sur une plage en Turquie, en 2015. Cette pièce qui raconte de façon allégorique le parcours des migrants jusqu’à leur arrivée en Italie, est une véritable composition poétique sur les textes classiques et contemporains de Eschyle, Homère, Shakespeare, Thomas Eliot, Ingebord Bachmann, etc. La bande son de cette pièce aggrave le clivage entre l’insouciante vie quotidienne des Italiens avec la réalité des réfugiés où la musique souligne le destin tragique des réfugiés.

Depuis 15 ans, le metteur en scène Riccardo Vannuccini n’a de cesse de travailler avec des réfugiés.  Tout part d’un entretien avec son médecin qui l’informe des problèmes récurrents de santé auprès des réfugiés. Ce qui conduit Riccardo Vannuccini à associer des réfugiés dans un processus créatif. Ensuite Riccardo a réalisé des projets théâtraux dans les camps des réfugiés au Liban et en Palestine.

En 2014, il lance les ateliers du théâtre pour les réfugiés hébergés au Centre de l'asile C.A.R.A. pour sa trilogie « Théâtre du désert », dont la première partie « Sabbia » ( « la Sable » ) était présentée en juin 2015, à Rome.

« Respiro » est créé un an plus tard avec une partie des participants de l'année passée. Ce spectacle était accueilli dans le prestigieux théâtre « Argentina » construit dans le XVIIIème siècle et situé à deux pas des ruines romains – les lieux d’assassinat de Jules César en 44 av. J.-C. - en plein centre de la ville.

Sur le plateau qui a accueilli des centaines de drames classiques joués depuis trois siècles, aujourd’hui les réfugiés accompagnés par des acteurs professionnels présentent un drame réel, de nos jours. Sur l’avant-scène, les habits et les chaussures des naufragés sont dispersés comme sur une plage en Sicile. Les acteurs italiens déclament les textes poétiques et une vingtaine d’acteurs réfugiés tous habillés dans les costumes noirs et chemises blanches jouent en silence réunis comme un ensemble, comme un chœur dans les tragédies grecques.

Dans le contexte poétique le spectateur devine les scènes de départ de la maison et de la traversée du désert, des scènes des rendez-vous en détention, des scènes de débarquement à la plage à côté des touristes détendus qui s'appliquent de la crème solaire...

Chacun des participants a quitté son pays pour les raisons très différentes : la guerre, la situation politique, tensions religieuses, misère...     Oudé Diabaté, silhouette imposante, a quitté la région de Kayes au Mali car menacé de mort à cause de son amour pour une femme fiancée par force par son père... Oudé a survécu la traversée de la mer dans la cale d’un navire. Il a failli y laisser sa peau à cause de l’étouffement avec 753 passagers migrants parmi lesquels 200 périrent.

La garde des côtes a sauvé le bateau grâce à la présence de plusieurs femmes avec des nourrissons.

Dans la scène finale du spectacle, sur une musique qui ressemble à une procession funèbre, les acteurs apportent et balancent sur l’avant-scène plusieurs manteaux qui tombent comme des cadavres échoués sur la plage... difficile à retenir les larmes aux yeux.

Le spectacle donne aux réfugiés une autre visibilité dans l’actualité et aussi un espoir pour l’avenir. Certains comédiens amateurs, comme le peintre Godfoy Nwabulor du Nigeria y joue plusieurs rôles et est très présent sur scène. Godfroy a vraiment avancé dans l'art du spectacle et veux continuer une carrière d'acteur. La compagnie ArteStudio organise une tournée de « RESPIRO » en Italie  en automne 2016. Un espoir de plus pour les réfugiés de trouver leur place dans la société européenne.

 

 

 

 

Sasha Gankin

Légendes et crédits photo : 

Une vue du spectacle « RESPIRO- JE RESPIRE »

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