Sirène des sables : entretien croisé avec Liss Kihindou et Huguette Nganaga-Massanga

Jeudi 19 Mars 2015 - 16:45

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Paru aux éditions l’Harmattan en France, Sirène des sables est une anthologie de nouvelles dont le thème porte sur la sorcellerie, un sujet d’actualité qui ne cesse d’inonder les esprits dans le pays et en Afrique, « un sujet qui fait partie aujourd’hui des sujets les plus chauds qu’on ne saurait éluder». L’œuvre préfacée par Arlette Chemin, militante de la littérature comparative et féminine, réunie onze femmes congolaises dont Liss Kihindou et Huguette Nganga-Massanga.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelle a été la motivation, pour vous, d’adhérer au collectif de cette écriture au féminin ?

Liss Kihindou : Souvent la réputation qui colle aux femmes est d’avoir tendance à se crêper le chignon, à se considérer les unes-les autres comme des rivales au lieu d’être solidaires. Alors moi, j’ai été séduite par cette volonté de nous unir, nous les femmes originaires du Congo qui écrivons, d’autant plus que la place littéraire est surtout marquée par la présence masculine. En nous mettant ensemble, la présence féminine n’en serait que plus remarquée, et remarquable aussi ! Pourquoi pas ?

Huguette Nganga-Massanga : Il est plutôt rare de voir des femmes de notre pays se rassembler pour ce genre d’initiative et donc, il était clair pour moi, dès le départ, que je devais en faire partie. Néanmoins, au début, il a fallu caresser l’inspiration dans le sens du poil pour qu’elle ne trahisse pas. Une autre raison m’y a poussée : la magie de l’initiative consistant à mettre ensemble des femmes vivant dans des pays et des continents divers et qui ne se connaissent absolument pas. Pour moi, cela représente la magie du virtuel qui produit le réel.

L.D.B : Comment expliquez-vous ce besoin d’écriture au féminin pour ce sujet sociétal qu’est la sorcellerie ?

L.K : Notre pensée n’a pas été : « nous allons écrire au féminin » ; seulement, une fois que nous avons adhéré à ce projet d’écrire un livre ensemble, il fallait arrêter un thème et celui de la sorcellerie nous a semblé propice car il traduit les réalités du Congo, de l’Afrique. La sorcellerie fait partie des mœurs, en Afrique. Pour son bonheur ou son malheur ? Telle est la question que nous posons, chacune à notre manière, au travers de nos Nouvelles.

H.Ng-M : Le sujet m’a été imposé ; j’ai juste joué le jeu. C’est une des conditions de l’écriture à plusieurs. Il est vrai que, spontanément, ce n’est pas un sujet que j’aurais choisi et il ne m’a guère inspirée de prime abord. Mais une fois que je me suis lancée, il m’a fallu calmer mes ardeurs.

L.D.B : Vous êtes onze à signer cet ouvrage. Vous sentez-vous d’attaque pour affronter les lecteurs au Salon du livre de Paris ?

L.K : Bien sûr que nous nous sentons d’attaque ! Le salon du livre de Paris est un moment clé de l’actualité littéraire à Paris et le Stand « Livres et auteurs du Bassin du Congo » peut être fier de la réputation qu’il a acquise, au fil des années : celui d’être le carrefour des lettres africaines, le rendez-vous de tous les amoureux des littératures du Sud. Nous sommes très heureuses de pouvoir y participer.

H.Ng-M : L’union fait la force. Seule, j’aurais eu peut-être du mal à aborder un tel sujet et en dessiner le contour. Mais la diversité des histoires autour de ce thème nous aidera à en parler sur des tons et dans des émotions différentes. Je souhaite, grâce à cette diversité, que tout le monde y trouve son compte. Écrire, c’est rendre fictives des réalités qui nous entourent. Ainsi, nous pouvons aborder des questions graves avec le recul nécessaire et de façon détendue.

L.D.B : Comment comptez-vous les aborder ?

L.K : Le plus simplement du monde ! Ce sera un grand moment d’échanges, et nous espérons que le public répondra présent. Les sirènes de la littérature congolaise vocalisent déjà afin d'être prêtes à répondre à toutes les questions des lecteurs.

H.Ng-M : Pour ma part, je traite la sorcellerie sous un angle sans doute inattendu. Lorsque l’on traite de la sorcellerie, dans mon imaginaire de Congolaise, c’est souvent sous l’angle de ceux qui bouffent les autres par le pouvoir maléfique qu’ils exercent sur ceux qu’ils détestent. On mange l’âme de celui qui dérange afin de le faire taire à jamais. Je dis la même chose dans « Virtuose ». Mais là, je démontre que nous avons, nous les humains, même ceux que l’on croit incapables de manger l’âme dans la nuit, une capacité à être des marionnettistes dans notre existence. Or, comme nous sommes tous des marionnettistes à un moment ou à un autre de notre propre vie et que l’on n’est pas le seul à tirer les ficelles, il arrive que nos manigances, notre art à être des virtuoses, se confrontent à d’autres et c’est là que le jeu tourne au drame. Et tant pis pour celui qui perd à ce jeu dangereux ! Je vais donc aborder les visiteurs et lecteurs en leur proposant les particularités de mon écriture. Mais surtout, je pense que ce sera une belle occasion de découvrir également chez moi des choses insoupçonnées puisque ceux qui nous lisent nous parlent aussi. Je compte être dans une attitude de rencontre et de découverte.

 

 

Propos recueillis par Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Liss Kihindou; (Crédit: DR) Photo 2: Huguette Nganga Massanga; (Crédit:DR)