Salon du livre de Genève : Prix Ahmadou Kourouma 2016 attribué au Mauritanien Mbarek Beyrouk, pour son roman « Le Tambour des larmes »

Lundi 2 Mai 2016 - 14:45

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Au 30ème Salon du livre, de la presse et de la culture de Genève, l'écrivain mauritanien Mbarek Beyrouk a été récompensé du Prix Ahmadou Kourouma, pour son roman "Le Tambour des larmes (éditions Elyzad)". 

Mbarek BeyroukSuccédant au jeune sénégalais, Mohamed Mbougar Sarr, l’écrivain mauritanien a séduit par le récit d’un portrait d'une certaine société traditionnelle de son pays, aujourd'hui bousculée par son héroïne Rayhana. A l’unanimité, le jury s’est retrouvé emporté dans une transhumance poétique à travers le désert mauritanien. Le guide n’est autre que Mbarek Beyrouk tout le long d’un roman qui vous transporte dès le premier chapitre.

L’auteur est né en 1957 en Mauritanie ; homme discret, de profession journaliste, il est devenu conseiller à la présidence de son pays pour la culture. Dans son œuvre, l'héroïne est une toute jeune femme, Rayhana, dans la peau de laquelle le romancier se glisse avec une aisance stupéfiante. Celle-ci a été séduite par un ingénieur d'un camp voisin, dans le désert où vit sa tribu, et se retrouve enceinte. L'apprenant, sa mère la met à l'écart et exige d'elle qu'elle abandonne son bébé. De retour dans la tribu, Rayhana ne supporte pas le futur qui l'attend, un mariage qui n'est pas d'amour, une vie loin de son enfant, et prend la fuite avec, pour butin, le tambour sacré des Oulad Mahmoud. S'ensuit une longue traversée de ville en ville à la recherche de son enfant.

Mais comment en vient-on à se mettre ainsi dans la peau d'une femme ?

A cela, l’auteur répond qu’il a grandi dans un milieu de femmes. Beyrouk explique qu’il a été élevé par sa grand-mère, qu’il prenait pour sa mère car elle était très jeune, tandis qu’il pensait que sa mère était sa sœur. « Je ne voyais que très peu mon père, instituteur, ni mes oncles toujours au loin. Je dois tout à ces femmes, et d'abord à ma grand-mère», livre-t-il d’une voix assurant que c'est ainsi qu’il parvient avec aisance à devenir quelqu'un d'autre. Un autre aspect de cette mutation s’explique par sa profession de journaliste. Il a parcouru toute la Mauritanie pour ses reportages et connaît sa culture de fond en comble. « Le sens de l'honneur dans la tribu est quelque chose qui m'a toujours interpellé. Or, si Rayhana, quand on lui refuse de garder son enfant, s'empare du tambour sacré, c'est qu'elle croit, elle-aussi, à la force du symbole. »

« J'ai vécu dans un milieu plus ouvert, plus cosmopolite, mais j'ai pu observer les codes des tribus et me suis toujours étonné de l'importance donnée à certaines choses, comme au fait que les femmes doivent être absolument sans tâche ». Pour autant, les descriptions qui sont faites de la prostitution en ville, quand la jeune femme part en quête de son enfant à Atar puis dans la capitale, Nouakchott, aussi bien que de la figure d'un ami homosexuel qui l'appuiera de tout son soutien, ne montrent pas la même rigidité : « Il faut savoir d'abord qu'une fois mariées, les femmes sont beaucoup plus libres en milieu saharien qu'ailleurs, le mariage les libère, même. Ensuite, qu'il s'agisse de la prostitution ou de ce qu'on appelle déviances, les nomades sont plus tolérants qu'on ne le croit. L'homosexuel est accepté, notamment à travers la fonction sociale qui lui est donnée de joueur de tam-tam. Évidemment, je ne parle pas là de l'islam extrémiste et l'invasion du wahhabisme que l'on voit de nos jours, mais de l'islam traditionnel qui ne condamne pas plus l'homosexuel que la prostituée. »

A lire absolument le roman récompensé par le jury du 12ème Prix Ahmadou Kourouma, présidé par Jacques Chevrier.

Le tambour des larmes

www.elyzard.com

ISBN / 978-9973-080-1

De notre envoyé spécial Marie Alfred Ngoma / Genève

Légendes et crédits photo : 

Photo : Mbarek Beyrouk Crédit photo : Marie Kattié

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