Portraits de la diaspora : Guy Mankessy, la musique avant tout

Samedi 2 Août 2014 - 0:30

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Guy Mankessy, producteur, est un Congolais installé en France depuis de nombreuses années. Pour Les Dépêches de Brazzaville, il revient sur les défis de son activité professionnelle et ceux de la double appartenance des Congolais de l'extérieur

Guy Mankessy, producteur  congolais (crédits Adiac)Comment vous êtes-vous lancé dans la production ?
Cela faisait un moment que j’étais dans le monde de la production, mais dans l’ombre. Je me suis lancé lorsque j’ai rencontré Norbat de Paris qui avait un projet d’écriture  et de mise en musique de slams. J’ai fait ma première production avec lui. Notre collaboration a donné naissance à l’album Inspiration que nous avons présenté à Brazzaville en initiant le premier estival international de la Sape et de la musique avec la participation de Dj Sergino, Gigi Miya  et Les Très Fâchés, ainsi que de nouveaux talents. Ce festival a eu lieu l’an dernier le 31 août à la Maison des anciens combattants de Bacongo, le 1er septembre à la Main bleue et le 7 septembre au village MTN de Nkombo. Nous avons voulu que ce festival soit une rencontre entre les Congolais de la diaspora et ceux qui sont restés au pays. Nous pensons l’organiser une fois tous les deux ans.

Quelles sont les principales difficultés de ce métier ?
Les grandes difficultés sont la piraterie et la baisse du marché du disque. Nous aurons beaucoup de mal à continuer à faire ce métier si ce domaine  n’est pas subventionné et encadré.  Il y a même certains artistes qui s’autoproduisent,  ce qui empiète sur leur créativité d’artiste car ils ne peuvent pas être au four et au moulin. Il faudrait des mécènes qui leur permettent de ne pas avoir de soucis d’argent et de logistique afin qu’ils s’occupent uniquement de leur création. 

Comment se passe l’adaptation du Congolais qui arrive en France ?
On s’adapte facilement, car au Congo on parle, on réfléchit et on se projette dans l’avenir en français. Nous avons la culture française au Congo, et c’est donc une continuité quand on vient ici. C’est plus la réinsertion quand on repars au pays qui est difficile. Beaucoup de choses y ont changé en bien et en mal, et il faut se réapproprier son espace culturel. Nous devenons quasiment des étrangers qui raisonnent en tant que Français. Il se joue une confrontation d’habitudes : en arrivant ici on a pris des habitudes et on en retrouve d’autres quand on retourne au pays.

Comment gère-t-on le fait d’avoir un pied en France et un pied au pays, où on trouve les Congolais de la diaspora parfois arrogants, ne prenant pas assez en compte les réalités du pays et voulant plaquer ce qu’ils voient à l’extérieur ou toute autre sorte de défauts ?
J’avoue que ce n’est pas facile, car nous nous heurtons à un problème de rythme : la notion de temps n’est pas la même. Là-bas les gens ont le temps, mais nous, nous n’en avons pas, surtout que nous venons pour des temps limités. Lors de nos séjours, tout est chronométré. Cela est d’autant plus vrai quand on vient pour le travail. Il est vrai qu’il y a des incompréhensions. On s’entend souvent dire ,« Pour qui se prennent-ils ? »  ou « Ici, c’est le Congo, pas la France ! » Nous voulons simplement que les choses bougent.  

Quels sont vos projets dans l’avenir proche ?
Le 29 août sort le DVD hommage des sapeurs congolais à King Kester Emenya avec des images de Kikwit et des images de Kinshasa. Je suis en train d’organiser une tournée européenne pour DJ Serhgino malgré les très nombreuses tracasseries administratives.  Je voudrais asseoir le Festival international de la Sape et de la musique, que ce festival soit itinérant et l’organiser à Abidjan, en France, ou n’importe où dans le monde. Je suis en pourparlers avec certains organismes dans ce sens. J’ai d’autres jeunes qui ont enregistré et un ancien que j’aime beaucoup qui va sortir son produit d’ici à la fin de l’année.

Pour finir, un sujet qui vous tient à cœur ? 
C’est la jeunesse ! Il faut qu’elle bouge ! Je voudrais encourager les jeunes musiciens qui ont de bons produits à ne pas désespérer, à continuer à travailler et ne pas rester les bras croisés à ne rien faire.  Courage, patience et persévérance pour les jeunes talents !

Propos recueillis par Geneviève Nabatelamio

Légendes et crédits photo : 

Photo : Guy Mankessy, producteur congolais. (© Adiac)