Pointe-Noire : des acteurs culturels souhaitent une revalorisation des langues maternelles

Mercredi 25 Février 2015 - 14:45

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Ce souhait a été émis  au cours de la rencontre, organisée le 21 février au centre culturel Jean Baptiste Tati Loutard, par les directions départementales du livre et de la lecture publique de Pointe-Noire et du Kouilou, pour célébrer la journée internationale de la langue maternelle.

Avec pour objet de promouvoir la diversité linguistique et culturelle ainsi que le multilinguisme, cette journée a eu comme thème cette année : «Education inclusive à travers et par la langue maternelle». La langue maternelle, première langue qu’un enfant apprend est un déterminant identitaire, un élément de richesse culturelle des communautés. Elle est un outil de transmission des savoirs, de la connaissance de l’histoire des ancêtres, a souligné Alphonse Nkala, directeur départemental du livre et de la lecture publique de Pointe-Noire.

Trois sous thèmes ont été développés au cours de la rencontre, à savoir : «L’impact de la langue sur l’épanouissement de la musique congolaise», par Djo Féli Baléndé, président du chapitre national du réseau panafricain Artérial Network,  « Langue maternelle : langue ethnique, langue véhiculaire ou langue officielle?», par l’écrivain et poète Georges Mavouba Sokate et le «Processus de mariage traditionnel Vili »,  par le vieux Armand Moutou, membre de la Société internationale des linguistes du Congo. Ce dernier a fait sa communication totalement en  Vili, sa langue maternelle qu’il maîtrise parfaitement, suscitant l’admiration de l’auditoire qui n’a pas tari d’éloges.

Il ressort des exposés que de nos jours, les langues de chez nous sont de plus en plus mal parlées et négligées même par nos autorités censées donner le bon exemple. Dans la musique, un des instruments de promotion des langues, elles sont utilisées pour véhiculer des messages provocateurs et malsains portant atteintes aux mœurs. Dans ce cas, la musique Coupé-décalé a été fortement indexée par l’auditoire. « Ne faisons pas de nos langues et de la musique des armes de destruction, mais plutôt des outils de construction de la conscience nationale», a exhorté  Djo Feli Balendé.

Selon Georges Mavouba Sokate, la langue Maternelle (provenant de la sève généalogique) qui est aussi la langue ethnique perd peu à peu sa valeur, son énergie et sa substance pour se retrouver dans la langue véhiculaire (Lingala, kituba) qui finit par devenir une langue commerciale. Le français, langue officielle (qui était la 2e ou 3e langue) est devenue la langue maternelle de certains enfants issus en grande partie de l’élite du pays censéspourtant parler ses langues maternelles, langues de transmission de l’éducation de base, langues de repères qui constituent un atout dans l’instruction de l’enfant. «Quand on a une langue de repère, on va loin. Les parents doivent prendre cet aspect en compte », a conseillé Georges Mavouba Sokate qui a, par ailleurs, appelé à la préservation des langues locales : «Les langues bantous sont riches, elles peuvent être des langues scientifiques.»

Alphonse Nkala a indiqué que des études menées à travers le monde par divers organismes montrent qu’alphabétiser un enfant dans sa langue d’origine donne globalement d’excellents résultats, alors qu’imposer d’entrée de jeu la scolarisation en langue nationale ou dans une langue étrangère est une politique menant souvent à l’échec. «La protection et la promotion des langues maternelles sont essentielles à la citoyenneté mondiale, à la compréhension mutuelle authentique», a t-il dit.

Au cours des échanges les participants ont souhaité une meilleure considération,  une revalorisation de nos langues, un encadrement et une sensibilisation des artistes sur l’importance des langues,  ainsi que l’élaboration des textes réglementant le domaine de la musique. Rappelons que le Congo compte environ 54 langues reparties en trois ensembles linguistiques (kongo, téké et mbochi).

La rencontre a aussi été marquée par les récits et chants exécutés en langue Dondo par le chanteur Gerbo et en langue Mbochi par la comédienne Germaine Ololo,  la remise de l’attestation de reconnaissance à titre posthume à Joseph Tchiamas, chercheur et auteur de nombreux travaux sur la langue maternelle, notamment le Vili, décédé l’année dernière. Il s'est agi aussi de la remise du prix Joseph Tchiamas pour la promotion de la langue maternelle au linguiste Justin Kimpalou, pour son combat pour le respect de la diversité et la promotion des langues maternelles.

L'activité a été organisée avec l'appui de la Jeune chambre internationale (JCI) Victory, l'association Tanga in Africa, la société MTN-Congo et les Brasseries du Congo.

Proclamée en novembre 1999 par la conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), cette journée est célébrée chaque 21 février de l’année en hommage aux étudiants tués par la police Dacca, actuelle capitale du Bangladesh, alors qu’ils manifestaient pour que leur langue maternelle, le Bengali, soit déclarée deuxième langue nationale du Pakistan de l’époque.

 

 

Lucie Prisca Condhet N’Zinga

Légendes et crédits photo : 

-La photo de famille après la remise des prix -De gauche à droite Georges Mavouba Sokate, Armand Moutou et Djo Féli Balendé