Nathalie Carré : « De la Côte aux confins. Récits de voyageurs swahili »Samedi 12 Juillet 2014 - 1:00 La chercheuse Nathalie Carré a traduit du swahili au francais des carnets de voyage datant du XIXe siècle tenus par des Africains, guides ou interprètes, aux cours d’expéditions menées par des explorateurs et colonisateurs. Nous sommes au lendemain du Congrès de Berlin, qui annonce le partage de l’Afrique entre la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Portugal et la Belgique. Les Européens sillonnent les pistes commerciales, de la côte jusqu’aux Grands Lacs, de l’Afrique à l’Europe en passant par la Russie et l’Asie. Quatre « compagnons obscurs », intégrés dans une élite côtière caravanière, ont raconté leurs périples et les rencontre entre tous ces mondes, posé des mots et leur regard sur ces colonisateurs européens. Trois questions à Nathalie Carré
Les Dépêches de Brazzaville : Quelle est la genèse de ce projet ? Bien des années plus tard, une équipe de recherche autour du swahili s'est constituée dans le cadre d'une ANR « Dimensions de l'objet swahili : textes et terrains ». Alain Ricard m'a sollicitée pour prendre part au projet, et j'ai alors su que j'allais retrouver ces récits de voyage qui n'avaient cessé de me « hanter ». J'ai commencé à les traduire, à partir de l'édition originale de 1901... et je n'étais pas au bout de mes surprises ! Quel éclairage apporte ces récits au lecteur ? Ensuite, les textes nous font aussi pénétrer dans la réalité de la colonisation allemande qui se met en place en Afrique de l'Est. Le récit de Selim bin Abakari sur l'expédition au Nyassa est, à cet égard, très parlant : le versant politique est important, et les méthodes utilisées sont loin d'être toujours pacifiques, au contraire. Lire les témoignages des différents informateurs permet alors de relire l'histoire de la colonisation de certains territoires. Mais les récits donnent également à lire la rencontre avec l'autre que connaît tout voyageur qui part le long de routes inconnues. Il y a la surprise, l'admiration, le dégoût mais surtout la stimulation intellectuelle de découvrir d'autres façons de voir et d'organiser le monde. Et bien sûr, il est intéressant de pouvoir croiser les regards : de voir les Européens, vus au travers du regard africain, de voir l'Europe (et notamment la Russie) analysée - et largement critiquée - au travers de l'expérience de Selim bin Abakari par exemple ! Outre les mots, comment analysez-vous la relation entre ces compagnons obscurs et les Européens ? De la Côte aux confins. Récits de voyageurs swahili, par Nathalie Carré, aux Éditions du CNRS. Propos recueillis par Morgane de Capèle |