Marché de la poésie 2014 : Alexandrine Lao répond au « questionnaire Pivot »

Lundi 16 Juin 2014 - 13:00

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Bernard Pivot, journaliste littéraire français de renom, a laissé à la postérité un célèbre questionnaire auquel il avait coutume de soumettre les invités de son émission Bouillon de culture. Nous l'avons à peine retouché et les poètes invités au trente-deuxième Marché de la poésie ont accepté de se plier à l'exercice. Les réponses d'Alexandrine Lao, poètesse de Centrafrique…

Alexandrine Lao, poètesse centrafricaine sur le stand Livres et auteurs du Bassin du Congo au 32ème Marché de la poésie (crédits Adiac)

Votre mot préféré ?

En tant que poète, il y  a plusieurs mots que j'aime beaucoup, mais les mots qui reviennent à chaque fois dans ma poésie sont émailler, assorti et torture.

Le mot que vous détestez ?

Les insultes. Je déteste tous les mots barbares.

Le son, le bruit que vous aimez ?

Celui de l'eau qui coule tout doucement : sous la douche par exemple.

Le son, le bruit que vous détestez ?

Celui des assiettes qui tombent et des grondements de canons : cela me met dans tous mes états.

Votre juron, gros mot ou blasphème favori ?

Je n'en ai pas.

Le métier que vous n'auriez pas aimé faire ?

Le métier de griot. Dire ou faire ce que l'on n'a pas envie pour les beaux yeux de quelqu'un... c'est cette hypocrisie qui gouverne nos vies à l'heure actuelle.

La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?

Pourquoi un animal ? Pourquoi pas un être humain ? Si la réincarnation existe, je voudrais être de nouveau moi pour pouvoir faire les choses que je n'ai pas pu faire, pour ne pas commettre les erreurs du passé. Je ne veux pas revenir sous forme d'animal ! Quel animal d'ailleurs ? Peut être un pigeon ! (Rires)

Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort, l'entendre vous dire ?

Mais oui, Dieu existe ! Si je reviens pour être encore moi, j'aimerais qu'il m'indique les erreurs que j'ai commises. Mais il le dit dans notre quotidien. La présence de Dieu est à côté de nous, mais comme nous ne faisons pas attention, nous pensons que nous acoomplissons des exploits par nos propres efforts, alors que sa présence et sa puissance plane sur nous.

Comment vous est venue l'envie d'écrire ?

En 1992, de la correspondance que nous avions mon mari et moi, lorsqu'il est venu en France pour poursuivre ses études alors que j'étais restée au pays. Je m'en suis inspirée pour écrire Douleur de la séparation, mon premier poème, qui a été primé au Centre culturel français à l'époque. Aujourd'hui, je suis devenue poète engagée et c'est la raison de ma présence au trente-deuxième marché de la poésie. Je suis mue par la volonté de décrire la société pervertie dans laquelle nous évoluons, de dénoncer les injustices. Ce qui se passe aujourd'hui dans mon pays pousse tout le monde à prendre la plume pour dénoncer l'innommable. En effet, quel héritage allons-nous laisser à la jeunesse?  .

Que cherchez-vous à traduire par vos poèmes ?

Je voudrais que les gens prennent conscience. Dans un des mes poèmes, je dis : « À qui avons-nous vendu notre conscience ? », car le Centrafricain est cette personne qui n'en a plus. Je ne sais vers quelle destinée s'achemine nos pas. Après soixante ans d'indépendance, on peut dire que nous avons mal commencé mais nous n'allons pas aussi mal finir ! Il faudrait que l'on revisite ce qui n'a pas marché, que l'on cherche à savoir pourquoi, que l'on instaure la confiance entre nous, qu'on se dise des choses... Nous devons apporter une base de valeurs culturelles à la jeunesse qui est l'avenir afin qu'elle puissent emboîter sur nos pas pour le devenir de l'Afrique. Les Africains sont souvent fiers de dire qu'ils ont vécu dans les pays développés, mais quel apport font-ils à leur propre pays ? On ne peut pas seulement aller à l'étranger pour prostituer notre culture ! Ce qui me fait le plus mal par rapport à mon pays, c'est que la compétence n'y est pas reconnnue. J'ai d'ailleurs écrit à ce sujet une pièce de théâtre, Médiocrate. En Centrafrique, on fait passer les liens de famille avant tout. À Paris où je me trouve, et dans les pays développés en général, au contraire, on prône la culture de « l'homme qu'il faut à la place qu'il faut ».  C'est ainsi qu'ils sont devenus ce qu'ils sont aujourd'hui et je prône cela pour notre Afrique. C'est tout cela que j'essaye de traduire avec mes poèmes.

Votre actualité littéraire ?

Il n'y a pas de maisons d'édition dans mon pays, la Centrafrique, et je suis venue au Marché de la poésie uniquement avec des manuscrits. Je suis à cet égard la plus malheureuse de tous les poètes venus du Bassin du Congo pour ce trente-deuxième Marché de la poésie. Je me suis ouverte de ce problème tout à l'heure, pendant la table ronde, et je suis optimiste pour recevoir des propositions dans ce sens.

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Alexandrine Lao, poètesse centrafricaine sur le stand Livres et auteurs du Bassin du Congo au 32ème Marché de la poésie (crédits Adiac)