Livres : Olivier Nkulu Kabamba fait le point sur « Les Médecins en Afrique et la sorcellerie »Lundi 25 Août 2014 - 15:00 Écrit sur la base d’entretiens individuels avec trente-six médecins africains de différentes nationalités, l’ouvrage du médecin et professeur d’éthique médicale livre les diverses réactions affichées par la pratique de la médecine moderne dans le continent face à l’évocation du maléfice par les patients. Docteur en bioéthique, enseignant d’éthique médicale au Canada ainsi qu’à l’université de Lubumbashi, l’auteur parle de la manière dont les médecins réagissent « lorsque, dans le cadre de leur pratique professionnelle, ils reçoivent des patients convaincus que leur maladie est d’origine occulte, un mauvais sort, un acte malveillant d’un sorcier ». À partir des témoignages de la trentaine de thérapeutes consultés, Olivier Nkulu Kabamba s’est rendu à l’évidence qu’à ce jour, « la sorcellerie est un phénomène qui pénètre profondément toutes les couches sociales, les gens en parlent et en ont peur ». En effet, ainsi qu’il a affirmé dans une interview accordée à RFI en juin dernier, il a même laissé entendre qu’elle est à tenir « vraiment pour une situation de grande ampleur ». Et ce, qu’importe la circonscription. Le fait reste avéré « que ce soit en ville, à la campagne, dans les quartiers riches ou des quartiers pauvres ». Olivier Nkulu a noté trois sortes de réactions affichées par les médecins face d’un patient convaincu d’être victime de sorcellerie ou d’un mauvais sort. Dans l’entretien accordé au média susmentionné, il a mentionné les trois cas de figure suivants : En premier, il a cité « les médecins qui disent que la sorcellerie n’existe pas et, si on peut parler rationnellement et scientifiquement, [que] sorcellerie égale empoisonnement ». Et Olivier Nkulu d’ajouter : « Il y en a d’autres qui disent : nous ne pouvons pas nous prononcer » alors que plus nombreux, sont ceux « qui croient que la sorcellerie existe ». Ce constat établit, l’auteur est d’avis que « cela complique la relation thérapeutique ». Chose qu’il s’emploie du reste à exposer dans son ouvrage, comme il l’a soutenu à notre source. Concurrence des traitements parallèles L’auteur évoque le problème posé par les traitements parallèles. En journée, le patient se présente en milieu hospitalier où lui sont administrés des soins de médecine moderne « mais quand arrive le soir, il reçoit qui de la cendre, qui une boisson, qui des écorces... ». De souligner ici que si « certains médecins ferment les yeux face à cette réalité... », il s’en trouve « d’autres qui n’acceptent pas du tout ». Et de relever un cas où deux traitements parallèles sont entrés en concurrence non sans nuire au malade citant les propos d’un médecin de Luanda. Le praticien angolais rapporte le cas d’un patient convaincu véritablement de subir un mauvais sort de la part de son oncle. « J’avais interdit à cet oncle de rendre visite à la personne malade tant qu’elle était hospitalisée. Mais celle-ci étant convaincue que sa maladie venait de la sorcellerie, le soir elle recevait une boisson qui lui donnait la diarrhée de telle manière que, quand je lui prescrivais des anti-diarrhéiques, je ne comprenais pas pourquoi ces anti-diarrhéiques n’agissaient pas », a-t-il relaté. Ce, tout simplement parce que soumis à une autre thérapeutique le soir, « elle recevait une boisson » censée « évacuer la sorcellerie ». Une situation qui n’est pas sans l’offusquer dès lors que « des patients sont morts à cause de ces traitements parallèles ». En outre, Les Médecins en Afrique et la sorcellerie ne manque pas de faire écho de l’opinion des médecins qui jugent d’un certain point de vue inadaptée la façon dont la médecine s’enseigne en Afrique. Olivier Nkulu soutient que ces derniers attendent justement que la rationalité culturelle africaine, « soit abordée dans l’information ou dans la formation continue », de manière à être outillés face à « cette réalité générale en Afrique », quitte à considérer comme premier outil le fait de « faire se rencontrer les deux mondes ». Chose qu’il explique de la sorte : « Il faut que, dans les facultés de médecine on amène des personnes connues, qui ont pignon sur rue, que l’on dit guérisseurs, pour qu’ils comprennent avec quelles rationalités ces tradi-praticiens, ces tradi-thérapeutes fonctionnent ». Nioni Masela Légendes et crédits photo : La couverture de l’ouvrage |