Littérature : Serge Eugène Ghoma Boubanga publie Vents solairesJeudi 14 Novembre 2013 - 15:45 Après la publication de son premier recueil Derniers silences en 2011 aux éditions L’Harmattan, l'auteur a dédicacé, à l’Institut français du Congo, ce nouveau recueil de 49 poèmes révélateurs d’un art verbal nourri aux parfums du terroir. L'ouvrage est également publié aux éditions L’Harmattan Si le représentant des éditions L’Harmattan Congo, a remercié l’auteur pour sa fidélité à cette maison d’éditions, le professeur Patient Bokiba a pour sa part, porté un regard critique sur ce second recueil de Serge Eugène Ghoma Boubanga. Préfacé par le professeur Mukala Kadima-Nzuji, cet ouvrage présente une couverture somptueuse, à partir d'une photo représentant le feu, des volutes de flatte avec des dégradés de couleurs. Le titre Vents solaires, évoque le mouvement, la relativité et la puissance du bouleversement des êtres et des choses. La poésie avant qu’elle ne soit donnée à lire, c’est d’abord un regard sur les êtres, sur les choses. La poésie est une perception du réel, un exercice de transfiguration. C’est une entreprise de remodelage du réel qui a son origine dans le regard du poète. En effet, tous ceux qui ont vécu le 4 mars 2012, ont la même perception de la réalité, et pourtant le poète qui a vécu la même réalité, a un regard singulier. Tel est le cas dans ce recueil. Serge Eugène Ghoma Boubanga sur les traces de Tchicaya Utam’si et Jean Baptiste Tati Loutard Le professeur Patient Bokiba a cité deux aphorismes de la vie poétique de Jean Baptiste Tati Loutard qui sont une mine extraordinaire que l’on trouve trop peu dans la littérature universelle, lorsqu’il écrit en 1968 dans le recueil Racines Congolaises : « Le poète ne regarde jamais les choses, il se regarde dans les choses. » Puis un autre aphorisme qui va à peu près dans le sens du regard, lorsqu’il écrit : « Un arbre qui retient le regard d’un grand artiste est en train de subir une greffe. » Ceci pour montrer le regard singulier du poète sur les choses. Mais ce regard, aussi singulier soit-il, n’est pas vierge de réminiscence. Il fait également ressortir l’affinité qu’il y a entre les textes de Serge Eugène Ghoma Boubanga et ceux de Tchicaya Utam’si. C’est la raison pour laquelle un poème de Tchicaya Utam’si a été inclus dans le récital de poèmes présenté tout au début de la cérémonie par le Théâtre d’art africain de Charles Baloukou. On peut ainsi dire que l’écriture poétique résulte des rapports entre soi et l’autre, plus exactement une résultante intertextuelle entre soi et l’autre. En suivant effectivement le récital, on s’aperçoit que la poésie de Serge Ghoma Boubanga est traversée par l’angoisse du mal-être, par la douleur. La mort est omniprésente dans ce recueil. Mais au-delà de tout, c’est la famille qui constitue une ressource importante en termes d’amour filial. C’est le cas par exemple dans : Un portrait de ma mère ; ou la fidélité à la mémoire du père dans le poème intitulé Mathusalem. Il y a les ascendants mais il y a également les descendants. La famille, c’est la naissance des enfants. Deux poèmes y font allusion. Il s’agit de Céleste et Les jumelles. En dehors de l’amour filial, il y a aussi l’amour patient avec le titre tout à fait évocateur : Saint Valentin. Le lyrisme poétique de l’auteur participe profondément de la nostalgie, c’est pourquoi dans plusieurs de ses poèmes, il invite les lecteurs à l’intimité de son âme ; une âme perturbée par un trouble intérieur profond au spectacle des êtres des choses. L’auteur témoigne de ses incertitudes, de ses doutes, de ses cauchemars, d’ailleurs un poème s’intitule Le doute et un autre Le cauchemar. Il parle aussi de la mort, qui accompagne l’évocation de la tragédie du 4 mars 2012, et consacre à cette tragédie, des textes poignants avec tous un cortège d’horreurs. Le professeur Patient Bokiba a conclu en disant que l’écriture poétique de Serge Eugène Ghoma Boubanga se singularise par la puissance, la densité et l’insolite des images et des métaphores. Puis a recommandé aux lecteurs de lire ce recueil avec patience et délectation d’entrer dans le sanctuaire de l’imaginaire qui est très proche mais que le poète a traduit avec ses mots. Avant de dédicacer les ouvrages, Serge Eugène Ghoma Boubanga est reparti dans l'évocation du contexte du début de l’année 2012 qui, pour lui, a été dans une première phase fort heureuse, mais qui par la suite s’est traduit par un profond drame familial : la catastrophe du 4 mars. Après cet événement qu’il a décrit devant l’auditoire pour l’avoir profondément perturbé ; il y a perdu ses jumelles. De ce choc intime lui est venu le projet d’écriture de ce somptueux recueil : Vents solaires, qui apparaît aujourd’hui comme un exécutoire. Il s’agit donc pour le poète de dépasser cette douleur horrible dont de nombreuses familles ne se sont pas encore remises. Face à cet inconfort, il cite ce précieux aphorisme de Jean Baptiste Tati Loutard : « Nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. » Les vents solaires sont des phénomènes climatiques particulièrement ravageurs qui ont le pouvoir, en un instant, de faire disparaître toute vie humaine sur la terre, explique-t-il. C’est cette image qu’il essaie de plaquer à la réalité de cet événement du 4 mars 2012. En effet, les vents solaires, à la fois spectaculaires et apocalyptiques dans l’évolution du système planétaire, symbolisent ici dans cet imaginaire poétique l’expression la plus prosaïque du désenchantement face aux doutes et aux incertitudes de l’existence. En exprimant ainsi cette vision à travers le prisme de la douleur, le poète s’emploie à une vaine tentative, celle de la conjuration du sort et du dépassement de la destinée. Les mots dans cette écriture engageante résonnent comme des coups de tonnerre dans un ciel morcelé et prennent une dimension subliminale, pour s’affranchir enfin de la désespérance à travers une création permanente du sens. Des poèmes vivants sans frontières. Serge Eugène Ghoma Boubanga est né en 1966 à Pointe-Noire en République du Congo. Vents solaires est vendu 11 euros à L’Harmattan Congo et à la librairie des Dépêches de Brazzaville.
Bruno Okokana Légendes et crédits photo :Photo 1 : Serge Eugène Ghoma Boubanga lors de la séance de dédicace.
Photo 2 : L’auteur tient son recueil de poèmes à la main.
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