Interview. Wendy Bashi : « Mon intention était de documenter ce moment crucial de la vie politique congolaise »Mercredi 7 Juin 2017 - 12:12 Journaliste et réalisatrice, Wendy Bashi a réalisé le documentaire « Chronique congolaise », diffusé pour la première fois à Bruxelles le 29 mai dernier. Le film relate la « chasse à l’info » de la plus jeune rédaction web du pays « actualite.cd », au cours de la période précédant la date du 19 décembre 2016, qui devait marquer la fin du deuxième mandat du président de la RDC, Joseph Kabila. Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est-ce qui a motivé la réalisation de « Chronique congolaise » ? pourquoi avoir choisi de raconter cette période de l’histoire de la RDC ? Wendy Bashi : Deux choses. La première est que je suivais depuis un moment les activités de Patient Ligodi via le web. Cela va faire pratiquement deux voire trois ans que ce jeune journaliste me fascine. J’ai suivi de nombreux déplacements qu’il avait pu réaliser dans de grandes rédactions à travers le monde. Je me suis toujours dit que, d’une manière ou d’une autre, je devrais l’approcher et découvrir son travail de près. L’été dernier, je tournais un docu/reportage sur un festival de cinéma autofinancé, je l’ai croisé et le déclic s’est fait. Deuxièmement, en tant que congolaise, la date du 19 décembre 2016 résonnait beaucoup pour moi, non seulement dans ma vie de journaliste mais surtout en tant que personne originaire de ce pays. En septembre 2016, j’étais en RDC en reportage, j’ai couvert les manifestations et je pouvais déjà sentir la tension qui allait se déployer en décembre. Je tenais les deux ingrédients majeurs qui allaient faire mon film ! Un journaliste digital ambitieux qui vient de lancer son média et qui va être confronté à couvrir un moment charnière de l’histoire de la RDC, que demandez de plus ? Cinématographiquement tout y était. Il ne me restait plus qu’à me lancer (Rires). LDB : Quel est l'enjeu du film et quel message vouliez-vous faire passer ? WB : Dur de répondre à cette question… ! je ne pense pas que j’ai spécialement un message à faire passer. Mon intention première était de documenter les choses à ce moment crucial de la vie politique congolaise. Un moment crucial qu’une jeune équipe de journalistes voulait à tout prix bien couvrir. Au fur et à mesure de l’écriture du dossier du film, une autre chose s’est imposée à moi (surtout après mon retour de Kinshasa en septembre 2016) : raconter aussi les vicissitudes de la vie d’un journaliste au Congo. Comment exerce-t-on ce métier quand toutes les conditions ne sont pas réunies ? Comment peut-on être un journaliste web accompli dans un pays où le coût de l’Internet reste élevé, dans un pays où, parfois, les autorités coupent le signal Internet ? C’est tout cela aussi que je voulais documenter. LDB : Comment avez-vous personnellement vécu ce moment charnière de l’histoire de la RDC ? WB : C’était loin d’être évident,mais j’en sors grandie. A chaque film, on apprend, on rencontre de belles personnes, une équipe formidable, on vit les moments de tension avec beaucoup plus ou moins d’intention. Quand il y a un pépin, on se dit « mince » je ne ferai plus de film. Mais, quelques mois plus tard on retourne sur le terrain (Rires). Mais surtout sur ce film, à un moment je ne maitrisais pas les choses, je n’avais pas la matière que je voulais, j’ai dû réajuster le dispositif en cours de route, des choses somme toute difficile…J’ai même failli perdre mes rushes. Aujourd’hui j’en rigole mais sur le moment ce n’était pas simple. Je retiens aussi la tension qui ne disait pas son nom le 18 décembre dans la minuscule rédaction d’actualité.cd. Mais surtout, je retiens la générosité de Patient et de ses équipes. LDB : En combien de temps l’avez-vous réalisé et quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face ? WB : En tout et pour tout nous avons eu, une semaine de tournage et trois à quatre jours de préparation. En amont j’ai écrit le dossier plusieurs mois à l’avance avant de le déposer auprès d’organismes susceptibles de le financer. Les défis restent les mêmes et se cristallisent autour des moyens pour réaliser les films. Si j’étais riche, je ferais des films tous les mois, il y a tellement de belles histoires et sujets qui ne demandent qu’à être racontés et traités. LDB : Comment le film a-t-il été accueilli lors de sa projection à Bruxelles ? WB : Globalement, j’ai eu de bons retours après la première projection à Bruxelles. J’espère qu’il sera vu en salle. Ce film étant un film d’atmosphère, celui qui le voit a besoin d’être quasi enveloppé dans une ambiance particulière pour bien le suivre sinon on décroche assez rapidement. LDB : Quand sera-t-il diffusé à Kinshasa ? D’autres diffusions sont-elles prévues ? WB : J’espère sincèrement qu’il sera vu à Kinshasa. Le reste de l’équipe d’actualité.cd doit le voir mais surtout le public aussi. Une diffusion est prévue dans les prochains mois sur TV5Afrique. LDB ; Avant « Chronique congolaise », vous avez réalisé le documentaire « rumeurs du lac». Comment choisissez-vous les sujets de vos films ? WB : Très bonne question ! Eh bien je ne sais pas quoi vous dire. Je suis très instinctive. Je dois sentir le sujet, ensuite je dois voir les premières séquences du film dans ma tête, puis le reste suit son cours. Je n’ai pas vraiment de critères de sélection. Les occasions, les sujets de société que je peux traiter avec une dose d’engagement personnel, dès que je trouve un sujet qui ressemble à ce que je viens de dire, je me lance et je fais tout pour qu’il puisse voir le jour (Rires). LDB : Vous êtes à la fois journaliste et réalisatrice. Comment arrivez-vous à concilier l’objectivité censée caractériser le journaliste et le parti pris qui doit, en principe, guider le réalisateur ? WB : En plein dans le mil ! Eh bien figurez vous que je ne sais pas (Rires). Ma double identité professionnelle me pose souvent problème. Cette espèce de « schizophrénie » me colle à la peau et je ne sais pas m’en défaire, donc je fais sans me poser de questions. Je travaille actuellement sur un sujet et la question qui revient sans cesse dans ma tête est la suivante : « est ce que tu fais un reportage ou un documentaire ». Du coup même dans l’écriture cela me pose problème. La première chose que je fais quand je commence à écrire c’est de documenter comme quand je vais en reportage, ensuite je pense que je me réconcilie souvent avec moi-même au moment du choix esthétique. Une fois l’intention clairement définie (et Dieu sait le temps fou que ça peut prendre), je m’amuse littéralement dans le choix de l’esthétique et là, clairement, j’emprunte le chemin du documentaire et tout ce qu’il a de beau à proposer. D’autres projets de film sont-ils en vue ? WB : Je viens de finaliser trois documentaires de 26 minutes cette année : Chronique Congolaise, Fickin (diffusé sur TV5Monde et sélectionné au festival du cinéma de Leuven, Goma et Cologne) ainsi que Malinga Kuceza (diffusé sur TV5Monde et sélectionné à Cologne). J’entame la réalisation d’un autre documentaire de 26 minutes et j’essaye de continuer à chercher des fonds pour mon prochain documentaire de 52minutes. Vous savez tout (Rires). Patrick Ndungidi Légendes et crédits photo :Photo1 Wendy Bashi Photo2 L'affiche du film Photo3 Une vue du public lors de la projection du film à Bruxelles Photo4 Patient Ligodi (à gauche), fondateur d'actualite.cd Notification:Non |