Interview Rachel Mihigo : « J’aime faire des choses qui sortent de l’ordinaire »Samedi 5 Mai 2018 - 12:45 Présidente de la Fondation Mihigo et coach international des personnes vivant avec handicap, l’ancienne Miss RDC a osé l’inimaginable en organisant un défilé de mode qui fera date à Kinshasa. En effet, les personnes avec handicap, éclopées marchant en boîtant, avec des béquilles ou s’appuyant sur une prothèse, manchots et une naine ont ému le beau monde qui a assisté à la soirée "Toza Fier". Dans cette interview, elle évoque les motivations de cette initiative.
Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Comment devrait-on vous présenter à nos lecteurs ? Rachel Mihigo (R.M.) : Je suis Rachel Mihigo, présidente de la Fondation Mihigo et coach international des personnes vivant avec handicap. L.C.K.: Coach de personnes vivants avec handicap, c’est un métier méconnu à Kinshasa. Comment en êtes-vous arrivée là ? R.M. : J’aime faire des choses qui sortent de l’ordinaire, je n’aime pas le déjà vu. J’aime aussi me tourner vers les personnes abandonnées, celles vers qui le regard ne se pose pas car elles sont ignorées. Il s’agit des shégués, des kuluna, des personnes handicapées, des démunis, des vulnérables, c’est vers eux que je me tourne. J’ai un sourire qui redonne de la vie. Ma joie, je ne veux pas la garder pour moi mais la donner à ceux qui ne l’ont pas. Ma meilleure façon de me sentir exister, c’est de faire exister des personnes qui pensent qu’elles n’existent pas. Voilà pourquoi je choisis de partager mes moments avec des personnes vivant avec handicap mais pas seulement avec elles. J’organise aussi des repas du cœur avec les shégués. Mais cela ne s’arrête pas là. Elles étaient venues désespérées, mais avec un rêve ne sachant pas qui pourrait les aider à le réaliser. Je me suis présentée dans leur vie au moment opportun. Je leur ai ouvert certaines portes. Nous sommes parties de zéro à ce qu’elles sont devenues aujourd’hui, de rien à mannequin professionnel. À leur arrivée, elles ne savaient même pas poser… Il existe des vidéos qui expliquent mieux ce que j’essaie de vous dire. Le jour du casting, je me suis dit que j’avais du travail et cela m’a pris quatre mois pour les coacher et en faire des mannequins. J’ai confiance en elles, je sais qu’elles peuvent défiler sur n’importe quelle place. Pour moi, ce sont des mannequins professionnels et je les considère comme des ambassadeurs. Ils peuvent aider d’autres dans leur condition à supprimer leurs complexes, devenir de meilleures personnes et vivre leurs rêves malgré ce que le monde pense. C’est connu et nous le savons tous, la société a une façon de regarder les personnes avec handicap, surtout au Congo. L.C.K. : Le travail a été difficile pour arriver à ce défilé remarquable. À quoi vos protégés doivent-ils s’attendre après cet événement ? R.M. : Ils ont défilé comme mannequin mais ce n’était pas le rêve de tout le monde. Chacun d’entre eux a une vision particulière, son rêve, et nous les aiderons à y parvenir. Il y a Parfait qui veut évoluer dans l’audiovisuel, il est en pleine formation, nous nous en occupons au niveau de la fondation. Dorcas est peintre, nous l’accompagnons. Nous voulons tous les aider, les encadrer pour les emmener à réaliser leurs rêves. Notre action ne s’arrête pas à la soirée, elle continue. C’est le travail de toute une vie. Leur promotion va passer, il y en aura une autre et après moi, quelqu’un d’autre prendra ma place. L.C.K : Pourquoi avoir choisi de faire un défilé de mode et pas autre chose comme événement ? R.M. : C’est parce que la plupart de ces personnes nous ont dit que s’il y avait un rêve auquel elles avaient renoncé, pensant que c’était impossible à faire à cause de leur condition de handicapées, c’était de devenir mannequin. Nous avons pris bonne note et après observation, nous avons vu que dans les boutiques d’habillement, les mannequins handicapés, cela n’existe pas. Vous est-il arrivé de voir des stylistes concevoir des vêtements pour des personnes qui n’ont pas de bras ? Jamais ! Leur choix est limité. Moi, je trouve bien des mannequins noirs dans des boutiques, ils ne trouvent pas toujours ce qui leur conviendrait. Celui qui n’a pas de jambes ou en manque une ne se verra proposer que des pantalons normaux, comment va-t-il faire ? Celui qui n’a pas de bras ne trouve rien que des chemises à manches longues ou à défaut va se rabattre sur des manches courtes. Il n’y a pas de vêtements conçus pour eux. C’est là que nous voulons amener le monde. Les stylistes venus de Kampala ont adapté leurs vêtements à la constitution physique de nos mannequins.
Propos recueillis par Nioni Masela Légendes et crédits photo :Photo : Rachel Mihigo (Photo Miss Congo) Notification:Non |