Interview Laurent Mwashirwa : « Notre vision est de reproduire des petites unités de production décentralisées »

Jeudi 30 Juin 2016 - 12:15

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Le co-fondateur de Jambo Congo Sarl est avec Yvonne Kusuamina de Pay Network, l’un des récipiendaires du prix de la gouvernance des entreprises en RDC décerné par la Fondation Roi Baudouin le 25 juin au 6e Forum accès au financement (FAAF) du Fonds d’inclusion financière, le FPM, destiné aux MPME. Les 15 000 euros octroyés vont servir à contribuer au développement de la jeune entreprise pour laquelle il nourrit de grandes ambitions ainsi qu’il l’a affirmé dans cet entretien exclusif avec Les Dépêches de Brazzaville.

Laurent Muhashirwa, co-fondateur et co-directeur de Jambo Congo SarlLes Dépêches de Brazzaville : Comment pourrait-on vous présenter à nos lecteurs  ?

Laurent Mwashirwa : Je suis Laurent Mwashirwa, co-fondateur et co-directeur de Jambo Congo Sarl qui produit Jambo, les jus de fruits naturels 100% congolais.

L.D.B. : Depuis combien de temps êtes-vous en activité et avez-vous lancé la production du jus Jambo  ?

L.M.  : Cela fait maintenant plus de quatre ans. Le tout a commencé dans la cuisine familiale, à la main. Nous étions là à faire des petits jus de fruit que nous faisions goûter aux voisins et aux amis. La chose plaisait alors nous avons commencé à vendre. Au fur et à mesure, le bouche-à-oreille faisant son effet, nous en produisions de plus en plus et nous avons décidé de nous lancer dans une structure, créer une entreprise avec un numéro NRC et tout ce qu’il faut pour commencer une activité commerciale. Ainsi, Jambo Congo Sarl existe depuis 2012.

L.D.B. : Pourriez-vous nous dire un mot sur la manière dont procède Jambo Congo Sarl  ?

L.M.  : Nous travaillons dans la transformation agroalimentaire, agro fruitière principalement. Nous produisons du jus de fruits que nous distribuons ensuite dans les supermarchés, on travaille avec le secteur hôtelier, les restaurateurs, etc. Nos produits se trouvent dans différents supermarchés dans le centre-ville de Kinshasa.

L.D.B. : Quelle valeur accordez-vous au Prix de la Fondation Roi Baudouin dont vous êtes l’un des récipiendaires, le tenez-vous pour une consécration  ?

L.M.  : Une consécration, non. Ce n’est pas un aboutissement du tout mais c’est vrai que c’est une reconnaissance. Cela fait toujours plaisir que votre travail soit reconnu comme étant de qualité, que vous faites bien les choses. Cela motive et donne encore plus d’énergie pour la suite, continuer à grandir et faire les choses encore mieux. Nous voulons montrer un bon exemple de la gouvernance d’entreprise, mais la route est encore longue. L’aventure de l’entrepreneuriat est infinie. C’est une reconnaissance mais absolument pas une consécration, non. 

L.D.B. : A quoi le prix vous servira-t-il  ?

L.M.  : Le prix va nous aider à aller de l’avant, grandir. Nous sommes au Forum d’accès au financement, mais jusqu’à ce jour, mon frère et moi avons travaillé sur fonds propres. Nous avons commencé dans la cuisine familiale, chaque bénéfice a toujours été réinjecté dans l’entreprise pour continuer à grandir. Donc, le prix va nous aider à faire un pas en avant. 

Des bouteilles du jus JamboL.D.B. : Pensez-vous pouvoir accrocher le marché et l’étendre un peu plus qu’il ne l’est jusqu’ici  ?

L.M.  : Oui, assurément. Nous, on se permet de voir les choses en grand. L’on ne se donne aucune limite. Nous sommes présents à Kinshasa et très forts sur le centre-ville. Nous avons l’envie de l’étendre sur toute l’étendue du territoire, toute l’Afrique, sur le monde entier. Vous savez, avec les réseaux sociaux aujourd’hui, nous recevons des mails et de demandes de partout dans le monde, beaucoup de la diaspora congolaise et africaine. Des tenanciers de restaurants africains, de supermarchés sont enchantés par nos jus de fruits naturels 100% congolais. Ils se disent intéressés de les avoir chez eux. Nous avons reçu des mails du Canada, des États-Unis, d’Angleterre, de France, de Belgique, etc. Nous pensons qu’il y a un potentiel de rayonnement de ce produit Made in Congo. C’est la preuve que nous faisons quelque chose de bien, de qualité. Qui l’est tout aussi que tout ce qui peut être fait ailleurs. Nous avons vraiment cette envie. Et, je pense que l’on s’inscrit un peu dans le fil du ministère de l’Industrie qui promeut le Made in Congo.   

L.D.B. : La difficulté majeure à laquelle vous faites face est de quel ordre ?

L.M.  : Il y en a beaucoup mais une des difficultés majeures à notre développement se situe au niveau de l’approvisionnement en matière première. Nous sommes conscients du potentiel agricole énorme en RDC. Je sais, selon les études  qu’il n’est même pas développé à 10% de son potentiel. Alors, imaginez ce que cela représente ! Si l’on prend l’exemple du Kongo Central, sur les terrains à l’intérieur, quand les agriculteurs arrivent déjà à écouler 20 ou 30 % de leurs productions, c’est déjà beaucoup. Cela veut dire qu’il  y a 70% qui pourrissent sur place, c’est le cas avec les fruits, les légumes et énormément d’autres produits. Nous sommes demandeurs de cette matière première mais il reste la problématique de l’acheminement. Il y a considérablement à faire sur ce point. Je prends toujours l’exemple du maracuja qui est mon produit phare, le numéro un. Je fais une dizaine de parfums au total mais le maracuja est le plus vendu. Malheureusement, après avoir fait des missions de prospection au Kongo Central et parcouru un peu l’intérieur du pays, l’on a remarqué que personne ne produit le maracuja à grande échelle. Souvent, les gens en plantent un peu pour faire des pergolas mais de manière intensive, pas encore. Nous incitons les gens à le faire. Quand nous faisons la transformation on redistribue gratuitement toutes les graines aux gens, qu’ils aient des terrains où les planter ou non. Ils peuvent le faire en forêt ou partout ailleurs d’autant plus que la pousse du maracuja est très rapide. De trois mois à six mois cela va pousser et nous leur disons que nous sommes acquéreurs de la récolte parce que nous recevons énormément de demandes en dehors des frontières de la RDC pour ce jus de maracuja. Donc, le potentiel d’exportation est là. Nous pourrions exporter un jus estampillé made in RDC et se faire connaître au niveau mondial pour un produit de qualité.

L.D.B. : Comment pensez-vous développer Jambo Congo à travers la RDC  ?

L.M.  : Notre vision des choses c’est de reproduire des petites unités de production décentralisées. Nous sommes originaires du Nord-Kivu, nous sommes nés et avons grandi près de Goma, nous aimerions créer une unité de production avec la matière première qu’il y a en abondance là-bas. Ou alors, créer des unités de pré transformation dans des zones agricoles comme le Kongo Central, l’ex-Bandundu ou les Kivu, etc. Il y a énormément à faire car le potentiel est énorme, il y a énormément de travail. Nous sommes là pour cela, prêts à gravir la montagne devant nous.

L.D.B. : Quelle est votre perspective pour les cinq prochaines années  ?

L.M.  : En ce moment avec les coûts de production élevés, nous offrons un produit qui se retrouve avec un prix final assez élevé. Notre première perspective c’est de démocratiser le produit, de faire un jus naturel congolais pour les Congolais. Nous savons que le pouvoir d’achat est assez faible et si nous avons la matière première en abondance nous pourrions faire des économies d’échelle et pouvoir proposer un jus à 500Fc et 1 000Fc accessible à tout le monde au lieu que les bouteilles de 33cl se vendent entre 1 500Fc et 2 000Fc sur le marché comme c’est le cas à présent. Nous aimerions que tous puissent consommer congolais et des produits de qualité.

 

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Laurent Muhashirwa, co-fondateur et co-directeur de Jambo Congo Sarl Photo 2 : Des bouteilles du jus Jambo

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